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une, à mesure que l'esprit humain descendait des premiers principes aux conséquences et aux applications. C'est ainsi que les mathématiques, les sciences naturelles, la grammaire, etc. se distinguèrent successivement de la science mère, qui put en paraître démembrée. Mais, en réalité, celle-ci restait et restera toujours intacte. Il y a plus. A mesure que des sciences nouvelles s'organisent, il devient possible au philosophe d'appliquer ses principes à un nouvel ordrede choses. C'est ainsi que la grammaire et la philologie, nées de la logique, loin de l'appauvrir, ont permis à la philosophie de la grammaire et à celle du langage de se constituer; c'est ainsi encore que le droit, la politique, les sciences sociales, en naissant de la morale, ont ouvert un nouveau champ de spéculations philosophiques. D'autres progrès, d'abord étrangers en apparence à la philosophie, ont rendu possible la philosophie des sciences, celle de l'art, celle de l'histoire, etc. Bref, il y a une philosophie spéciale pour chaque branche de connaissances assez développées et rattachées intimement à l'ensemble du savoir. Loin donc d'être supplantée par les sciences nouvelles, la philosophie bénéficiera de leurs progrès; elle n'en paraîtra que plus grande. Car, alors que toutes les autres sciences vont se multipliant et se particularisant, la philosophie seule reste présente à toutes: elle garde son double caractère d'unité et d'universalité.

D'ailleurs, la philosophie se distingue entre toutes les connaissances humaines non seulement par son point de vue et ses principes, mais encore par les objets particulièrement nobles qui lui sont réservés. Ces objets sont précisément ceux que nous ne pouvons atteindre qu'en nous plaçant à un point de vue supé

rieur, en nous éclairant des principes les plus élevés, les plus abstraits, ou bien en recourant à une expérience intime, dans laquelle les sens extérieurs n'ont aucune part. Nous voulons parler surtout de l'âme et de Dieu : c'est là l'objet réservé, en même temps que réel et concret, de la philosophie. Elle est donc une science parfaitement distincte, dans sa forme et jusque dans une partie de sa matière, la meilleure (1).

4. Examen critique de quelques définitions. Comparons maintenant avec la nôtre quelques définitions des plus répandues : cet examen achèvera de nous éclairer sur la nature de la philosophie et la manière dont cette science a été comprise. Socrate pensait que la philosophie consiste dans la connaissance du vrai et particulièrement du bien et du juste. Platon la regardait comme « la science des réalités intelligibles, que la raison seule peut atteindre et qui ne tombent pas sous les sens » (2). Aristote, Descartes, Spinosa la définissent comme « la science des premiers principes ». Et en effet la philosophie traite des premiers principes, tant de l'être que du connaître et de la conduite. Cicéron déclare que «la sagesse, selon la définition des anciens philosophes, est la science des choses divines et humaines,

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(1) C'est pourquoi Jouffroy ne pouvait dire d'aucune manière : « La philosophie est une science dont l'idée n'est pas encore fixée » (Préf. de la trad. des œuvres de Reid); et ailleurs « L'objet précis de cette science n'a pas encore été déterminé; et voilà ce qui a fait faillir et les tentatives d'Aristote et celles de Bacon, et celles de Descartes, pour réformer la philosophie proprement dite » (Nouv. Mélanges, De l'organisation des sciences phil.).

(2) Rép., 1. VI, vers la fin, et VII

et des principes qui les renferment » (1). Si le philosophe romain, de même que les autres anciens, ne dégage pas la philosophie de l'ensemble des sciences, du moins il voit très bien qu'elle est inséparable de la théologie naturelle. Bossuet dit excellemment : << La sagesse consiste à connaître Dieu et à se connaître soi-même ». On pourrait trouver cette définition trop étroite; mais il dit d'autre part : « Toutes les sciences sont comprises dans la philosophie ». — Jouffroy dit vrai, mais sa définition manque d'ampleur, quand il écrit: « La philosophie c'est la science de l'homme intellectuel et moral dans ses rapports avec Dieu et le monde ». Celle que propose Cousin est bien autrement insuffisante. La philosophie n'est pas « la réflexion entièrement émancipée, définitivement sortie des liens de l'autorité et ne s'appuyant que sur elle-même dans la recherche de la vérité ». Sans compter que la philosophie est autre chose qu'une réflexion, elle doit connaître les traditions et les interroger avec respect et sincérité avant de se prononcer. La définition suivante proposée par M. Janet n'est guère plus satisfaisante: « La philosophie est pour nous, dit-il, la science de l'esprit libre, et la science libre de l'esprit » (2). La philosophie n'est pas

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(1) « Sapientiá autem est, ut a veteribus philosophis definitum est, rerum divinarum et humanarum, causarumque quibus hæ res continentur, scientia ». (De off, 1. II, c. 11.)

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(2) Cours de 1888 à la Sorbonne : La philosophie est-elle une science? Leçon d'ouverture. (Revue phil., avril 1888.) Depuis lors, M. Janet a proposé une autre définition non moins défectueuse : « Nous avons défini, dit-il, la philosophie la pensée de la pensée. Cette définition nous a servi à distinguer la philosophie de la science. La science pense le monde, la philosophie pense la pensée du monde. La science

seulement la science de l'esprit; ensuite elle étudie dans l'esprit et ce qu'il y a de libre et ce qu'il y a de nécessaire; enfin la science libre qu'on nous propose ressemble trop à la libre pensée, à celle qui se préfère elle-même à la vérité.

Relevons encore les définitions suivantes, qui pèchent par leur caractère trop subjectif : La philosophie est la législation de la raison humaine (Kant). C'est la science de la science (Fichte). A la suite de celles-ci, on pourrait citer maintes définitions proposées par les philosophes les plus célèbres et l'on constaterait que chacune d'elles reflète, comme un miroir fidèle, avec ses qualités et ses défauts, tout le système philosophique dont elle est le premier principe et la dernière conclusion.

Non moins insuffisantes que les précédentes sont les définitions données par les positivistes, notamment par Littré. La philosophie n'est pas l'ensemble des connaissances, ni« une classification systématique des sciences et l'exposition des principes les plus géné. raux que renferme chaque science « (1). Parmi les spiritualistes contemporains, M. Rabier réunit sous le nom de philosophie la métaphysique et la psychologie (2). Mais la philosophie est plus vaste que ces deux sciences, quelque étendue qu'on leur donne.

est objective; la philosophie est subjective, au moins immédiatement; elle est objective médiatement » (Revue phil. févr. 1893). Cette définition tendrait à tout absorber dans la logique. Mais la philosophie n'est pas seulement la science de la pensée; elle est encore une métaphysique et une morale elle est donc objective, réelle, pratique, sociale.

(1) Conservation, révolution, positivisme, p. 65. (2) Leçons de phil. T. I, p. 11.

M. Charles paraît mieux se rendre compte de l'universalité de la philosophie, quand il écrit : « La philosophie est donc un ensemble de sciences ». Or, il vient d'énumérer la métaphysique, les sciences psychologiques et morales, l'esthétique, la science du langage, l'histoire de la philosophie et la philosophie de l'histoire, etc. Un peu plus loin, il ajoute : « Définie par les objets qu'elle embrasse, elle est l'étude de l'homme et de Dieu, des rapports de l'un avec l'autre, et de tous les deux avec l'univers » (1).

5. Objets matériel et formel de la philosophie. En résumé, pour bien définir la philosophie, il faut reconnaître que son objet (l'objet matériel des scolastiques) est universel, et préciser en même temps le côté supérieur des choses et le point de vue vraiment philosophique (objet formel). La philosophie s'étend à tout, mais c'est pour chercher partout les suprêmes réalités (objet formel quod) à la lumière des premiers principes (objet formel quo). Il appartient au philosophe, disent saint Thomas et Aristote, de considérer les causes les plus élevées: Sapientis est altissimas causas considerare (2).

6. Division de la philosophie.

Déjà Platon, au témoignage de Cicéron, divisait la philosophie en trois parties: 1o la philosophie morale; 2o la philosophie réelle, celle de la nature et des choses les plus générales; 3o la philosophie rationnelle (3). Nous dirons plus brièvement que la philosophie comprend trois sciences principales: la logique, la métaphy

(1) Eléments de phil. T. I, p. 22, 23.

(2) Summa phil. 1. I, c. 1.

(3) « Fuit jam a Platone accepta philosophandi ratio tri

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