Obrazy na stronie
PDF
ePub

THEOLOGICAL SEMINARY,

NEW YOR

PRÉLIMINAIRES

CHAPITRE PREMIER

DÉFINITION ET DIVISION DE LA PHILOSOPHIE; SON
IMPORTANCE; SES RAPPORTS AVEC LA FOI

1. Définition. - On demandait un jour à Pythagore, le nom de la science qu'il professait avec tant d'éclat. « Je ne fais pas profession de rien savoir, répondit-il, mais seulement d'aimer la sagesse (1). » De là le nom de la philosophie (piλos copíz): c'est l'amour de la sagesse.

Cette définition nominale nous signale l'origine de la philosophie. Elle est née, comme toutes les sciences, de l'étonnement (de l'admiration) de l'esprit humain en face de l'inconnu et de l'ardent désir de savoir: elle est née surtout de l'amour suprême et persévérant de la vérité et du bien. C'est à ce point qu'il n'y a pas de vraie philosophie sans cet amour; et que cet amour est à lui seul toute une philosophie. La définition

(1) « At illum artem se scire nullam, sed esse philosophum » (Cic. I Tusc., 1, v, c. 3). Les philosophes n'ont pas toujours imité la modestie de Pythagore. Tertullien a pu définir le philosophe païen: un animal glorieux (animal gloria), plutôt qu'un animal raisonnable.

verbale nous conduit donc à la définition essentielle. La philosophie, c'est la sagesse humaine elle-même. C'est pourquoi l'on donnait justement aux premiers philosophes le nom de sages. Ils s'efforçaient de mériter ce titre; ils aimaient la sagesse, ce qui est le premier et le plus sûr moyen de l'acquérir, comme de la communiquer (1).

2. La philosophie est la science naturelle et supérieure des choses. Qu'est-ce donc que la sagesse, celle qu'ambitionnaient les fondateurs de la philosophie, ou plutôt qu'est-ce que la philosophie elle-même? - C'est la science naturelle et supérieure des choses. Cette définition résume les meilleures qu'on ait proposées (2).

Et d'abord la philosophie est une science, c'est-àdire un ensemble de connaissances et de conclusions rigoureusement enchaînées (v. science en général, I, 334). Elle n'est donc pas une vue quelconque sur l'inconnu, l'indéterminé (3), le mystère; elle n'est

(1) « A ceux qui demanderaient les raisons de la grande fortune qu'il a faite (le nom de philosophie) la meilleure réponse à donner, c'est que les hommes ont compris de bonne heure quels liens étroits enchainent la possession, de la vérité et l'amour de la vérité, d'une manière générale la pensée et l'amour (C. Charaux, De l'Esprit phil. p. 31).

(2) Sanseverino définit la philosophie : « Scientia supremorum principiorum, seu supremarum causarum tum cognitionis, tum rerum, quæ ratione humana cognosci possunt. » Liberatore « Scientia rerum per causas ultimas naturali lumine comparata. » — - Zigliara: « Scientia rerum per earum ultimas rationes, naturali lumine comparata. »>

(3) Cl. Bernard écrivait dans son Introduction à la médecine expérimentale (p. 387) : « Dans le sens restreint où j'entends la philosophie, l'indéterminé seul lui appartient,

[merged small][ocr errors]

pas non plus une réflexion plus ou moins soutenue, une recherche profonde ou curieuse, un doute motivé et même savant; elle ne consiste pas à soulever de grandes questions, à comparer des hypothèses et des solutions diverses, à mesurer les probabilités, à creuser maints problèmes sans jamais en résoudre; elle ne consiste pas davantage à donner des solutions provisoires, ou seulement approchées, approximatives : les considérations les plus élevées et d'ailleurs les plus philosophiques, si elles ne concluent pas et absolument, ne sont pas encore la philosophie. Celle-ci n'existe qu'autant qu'elle affirme en toute certitude un système plus ou moins complet de vérités absolues.

Nous ajoutons que la philosophie est une science naturelle, c'est-à-dire acquise par les seules forces de la nature, les seuls principes et les seules lumières de la raison. Il est des vérités révélées, qui sont le point de départ de recherches raisonnées; mais ces vérités, sur lesquelles est fondée la théologie sacrée, ne sauraient comme telles servir de principes à la philosophie. Il n'est donc pas permis de confondre ces deux sciences, malgré leurs étroites relations. La philosophie et, avec elle, la philosophie chrétienne, affirme tous ses principes et toutes ses conclusions au nom de l'évidence, jamais au nom de l'autorité; elle ne laisse

le déterminé tombant incessamment dans le domaine scientifique. » Mais le même savant a écrit ces paroles qui corrigent les premières : « Je n'admets donc pas la philosophie qui voudrait assigner des bornes à la science, pas plus que la science qui voudrait supprimer les vérités philosophiques qui sont hors de son propre domaine. >> Jouffroy avait connu déjà les mêmes hésitations et fait le même aveu. (Cf. Paul Janet, Introd. à la science phil. Revue phil.. juin 1888.)

pas que d'être humaine, même en devenant la science du divin (1).

Enfin, la philosophie est la science supérieure des choses. Ce dernier caractère la distingue de toutes les autres connaissances. Tandis que celles-ci ont un objet limité, la philosophie s'étend à tout et d'une manière supérieure ; elle cherche les premières causes, les derniers pourquoi; elle s'élève aux lois les plus générales, s'éclaire des plus hauts principes et envisage l'être sous ses principales formes. Il n'est pas de science dont le point de vue soit aussi élevé ; il n'en est pas dont le domaine soit comme le sien, sans limites. Chaque science traite de certains êtres ou de certaines propriétés et de certains phénomènes : la botanique traite des plantes; la zoologie, des animaux; la minéralogie, des minéraux ; la géologie, de la terre; l'astronomie, du ciel; les mathématiques, des rapports des quantités; la philologie, des signes parlés ou écrits de la pensée humaine, etc. Mais la philosophie traite de toute la nature et de l'homme tout entier, âme et corps, et de Dieu lui-même. L'individu et la société, les lois de la nature et celles des mœurs, l'histoire, les arts, les lettres, rien n'échappe à son regard; la philosophie est présente à chaque science en particulier et à toutes les sciences à la fois son objet est universel (2). Mais elle ne le touche que

(1) Littré ne devait donc pas écrire dans son Dictionnaire : << Philosophie chrétienne, philosophie fondée sur les croyances du christianisme. » (Art. Philosophie, no 8.)

(2) M. Paul Janet reconnait cette universalité : « Sans doute, à mesure que les sciences spéciales faisaient des progrès, elles devenaient trop considérables pour rester liées à leur centre, c'est-à-dire à la philosophie; elles ont dû se

d'une manière supérieure, ce qui empêche de la confondre avec l'ensemble des sciences particulières. Elle n'est donc pas le savoir universel, bien que son objet soit universel; elle n'est pas l'encyclopédie des sciences, bien qu'il lui appartienne de fixer le plan de cette encyclopédie (v. le xvir chap.). En un mot, elle est une (1), tout en étant universelle.

3. Universalité et unité de la philosophie. Objets qui lui sont réservés. On a contesté cette universalité et cette unité, en disant que les sciences sont nées de la philosophie; elles auraient donc hérité d'une partie de son domaine et menaceraient même de la faire disparaître. Mais ici les positivistes interprètent mal le fait qu'ils invoquent; car les sciences sont nées de la philosophie sans la diminuer, sans restreindre son objet, et leur multiplication même contribue beaucoup à son développement. Il est vrai qu'à l'origine on entendait, sous le nom de philosophie, l'universalité de la connaissance; les sciences particulières naquirent une à

détacher en vertu de la division du travail; et, en se détachant, elles s'opposèrent à la science totale, mais non pas comme le clair s'oppose à l'obscur, le déterminé à l'indéterminé, mais comme le spécial s'oppose à l'universel... La philosophie ne renonçait pas à son caractère primitif, qui est l'universalité. En effet, en quoi la philosophie de Schelling et de Hegel... d'Herbert Spencer est-elle moins encyclopédique... que la philosophie de Thalès ou même de Platon et d'Aristote? (Loc., cit., p. 580.)

(1) M. Janet s'efforce, de son côté, de maintenir cette unité (Revue phil. févr. 1893). M. de Vorges, au contraire, a paru en douter (Annales de phil. chr. mars 1893, p. 582). Ce qui est contestable c'est le raisonnement de M. Janet, mais non sa conclusion.

« PoprzedniaDalej »