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I.ER MÉMOIRE

Sur les difficultés qu'éprouvoit Bossuet, de la part du chancelier,

Présenté à SA MAJESTÉ, le 2 novembre 1702.

L'ÉVÊQUE de Meaux se croit obligé de représenter très-humblement à sa majesté le nouveau traitement qu'on lui fait, au sujet d'un livre qu'il se croit obligé d'imprimer contre la version et les notes du nouveau Testament de Trévoux.

Cette version et ces notes sont pernicieuses, et tendent à l'entière subversion de la religion; et la censure de M. le cardinal de Noailles ne pouvoit être ni plus juste ni plus nécessaire.

L'ouvrage de l'évêque de Meaux donne aussi des instructions très-nécessaires sur cette nouvelle version, et explique les erreurs de ce livre, d'une manière encore plus particulière que ne peut faire

une censure.

Cependant on lui fait des incidens, sur lesquels il ne croit pas devoir passer outre, sans les avoir exposés à sa majesté, en toute humilité et respect. Cet évêque écrit depuis trente à quarante ans pour la défense de l'Eglise contre toutes sortes d'erreurs; et cinq chanceliers de France consécutifs, depuis M. Séguier, y compris celui qui remplit si bien aujourd'hui cette charge, lui ont toujours fait

expédier le privilége, sans le soumettre jamais à

aucun examen.

Cette confiance qu'on lui a marquée doit être attribuée, premièrement à son caractère d'évêque; secondement, à ce que sa doctrine a été connue, nonseulement dans tout le royaume, mais encore, s'il ose le dire, dans toute la chrétienté, sans jamais avoir reçu aucune atteinte; et au contraire elle a été approuvée, non-seulement par tout le clergé de France, mais encore par les papes: en troisième lieu, à l'honneur que lui a fait sa majesté de lui confier l'instruction de monseigneur le dauphin, et de le tenir toujours en divers emplois près de sa personne, ce qui est le plus certain témoignage d'une doctrine irréprochable.

C'est aussi ce qui a donné lieu à M. le chancelier d'aujourd'hui de lui accorder un privilége général.

Il en usoit de bonne foi, en découvrant les erreurs de ce livre pernicieux, quand au commencement de ce mois il est venu un ordre de M. le chancelier de porter le manuscrit de cet évêque à M. Pirot, pour en subir l'examen.

Quoique jamais l'évêque de Meaux n'ait été assujetti à rien de pareil; comme en de semblables rencontres, il a pris ordinairement de lui-même le conseil de ce docteur, il lui a tout remis; et M. Pirot donne sans hésiter son témoignage.

Il est encore venu un nouvel ordre et réglement de M. le chancelier, pour faire imprimer à la tête du pri vilége l'attestation du docteur; ce qui seroit un témoignage public de l'assujettissement des évêques à la censure des doct eurs.

C'est ce que cet évêque croit tout-à-fait opposé à son honneur, et à celui de son caractère

Premièrement, parce que cela n'a jamais été pratiqué à son égard. Il a imprimé, même sous M. le chancelier d'aujourd'hui, en 1700 et 1701, deux livres pour l'instruction des nouveaux catholiques, sans qu'il y ait paru rien de semblable.

Secondement, non-seulement cela n'a jamais été pratiqué à son égard, mais encore ne l'a jamais été à l'égard d'aucun ouvrage imprimé par les évêques, et même par leur ordre. Il y en a un exemple bien récent dans un livre imprimé par ordre de M. l'évêque de Montpellier, le 6 juillet dernier, sans qu'il y paroisse rien de pareil.

Troisièmement, il n'est pas besoin d'entrer dans les réglemens qu'on a pu faire sur les examens des livres à imprimer, puisqu'on a toujours distingué les évêques dans l'exécution des réglemens les plus généraux; paroissant tout-à-fait extraordinaire qu'eux, qui ont reçu de Jésus-Christ le dépôt de la doctrine, ne la puissent enseigner que dépendamment des prêtres qui leur sont soumis de droit divin.

Quatrièmement, cette nouvelle formalité dans les ouvrages de l'évêque de Meaux, fera dire que sa doctrine commence à devenir suspecte, et il aura bientôt à essuyer sur ce sujet le reproche des protestans.

Cinquièmement, cette précaution extraordinaire, qu'on prend à l'occasion d'un livre si justement flétri par M. le cardinal de Noailles, sera bien remarquée, et fera dire à tout le monde qu'on lui a voulu donner de l'appui; ce qui est d'une périlleuse conséquence.

Sixièmement, cet auteur fut déjà flétri par l'arrêt du conseil d'en-haut, le 19 juin 1678, signé COLBert, où son livre intitulé: Histoire critique du vieux Testament, fut supprimé, avec défenses de le réimprimer, même sous prétexte de changer de titre, ou de corrections. Le lieutenant de police, à qui l'exécution de l'arrêt fut renvoyée, étoit alors M. de la Reynie, qui pourroit, en cas de besoin, rendre compte à sa majesté de ce qu'on craignoit alors de ce dangereux auteur.

Pour ces considérations, et en attendant que sa majesté ait fait justice aux évêques, sur le droit qui leur est donné par leur caractère d'être les premiers docteurs de la vérité dans l'Eglise ; l'évêque de Meaux espère de la bonté et de la justice de sa majesté, qu'elle voudra bien ordonner que le livre en question passe comme ses autres ouvrages, sans qu'il soit rien innové dans la manière de l'imprimer et débiter, afin de laisser la réputation saine et entière à un évêque qui a blanchi dans la défense de la vraie foi, et dans le service de sa majesté, en des emplois d'une si grande confiance.

LETTRE

A M. LE CARDINAL DE NOAILLES.

Il lui représente combien il est injurieux aux évêques d'exiger que l'attestation d'un censeur soit mise à la tête de leurs ouvrages sur la doctrine, et exhorte le cardinal à soutenir la cause de l'épiscopat.

COMME je crois, monseigneur, votre éminence présentement de retour de ses visites, et que le moment approche où elle verra le roi, il est temps que j'aie l'honneur de lui parler sur le traitement qu'on me fait. J'ai dissimulé la première injure, de me donner un examinateur; ce que cinq chanceliers de suite, à commencer par M. Séguier, n'ont jamais songé : j'ai, dis-je, dissimulé dans le dessein d'avancer l'impression. Elle est achevée ; cela va bien de ce côté-là: mais on passe à une autre injure de vouloir que l'attestation de l'examinateur soit à la tête. C'est, monseigneur, à quoi je ne consentirai jamais; parce que c'est une injure à tous les évêques, qu'on veut mettre par-là sous le joug, dans le point qui les touche le plus, dans l'essentiel de leur ministère, qui est la foi.

En vérité, monseigneur, s'il ne s'agissoit que de moi, je pourrois encore m'y soumettre, dans l'es

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