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passer aux Juifs et aux Chrétiens que pour s'y corrompre et s'y perdre. Nous ne sommes donc pas plus avancés. Jusqu'ici, rien de certain. Je resterai dans le doute jusqu'à ce qu'il plaise à Dieu de m'en retirer.

CADI. Le doute permanent est une chose anormale, un état violent dans l'homme. Dieu n'a pas déposé en son âme la soif de la vérité pour la laisser s'étioler dans l'ignorance; il ne lui a pas donné le jugement pour vivre dans le doute.

DZIRI. Vous avez l'air, Messieurs, de vous constituer mes juges, et vous ne prenez pas garde qu'à votre jugement même, le doute est le seul parti raisonnable. La raison n'est pas un guide qui nous mette à l'abri de l'erreur; les livres, dits révélés, sont faux ou dénaturés. Vous, Messieurs les docteurs, mis en demeure de m'éclairer, vous gardez le silence, ou ne répondez rien de satisfaisant. Vous n'en savez pas plus que moi. Ce que vous avez de mieux à faire, c'est de vous réfugier avec moi dans le doute. Abstenons-nous de tout jugement en matière de religion. Si dans cet état nous ne pouvons aspirer à la récompense attachée à la profession de la véritable doctrine, Dieu n'aura pas à nous infliger le châtiment attaché à

l'erreur.

DIALOGUE III.

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SUJET: Le prêtre reprend le dziri d'avoir prématurément indiqué pour guide la religion d'Abraham. Il retire le dziri du doute par une autre voie.— Au lieu de rejeter entièrement le Coran, il suffit d'en compléter quelques passages par l'Évangile.-C'est alors que ces passages, réduits dans le Coran à l'état de lettre morte, ont un sens. La plupart des dogmes chrétiens et des sacrements renfermés en principe dans le Coran.- Les vertus du Coran perfectionnées par celles de l'Évangile.

SI.

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PRÊTRE. Messieurs, s'il y a un temps pour écouter, il y a un temps pour parler. Je me hâte de repousser la complicité que vous me donnez à vos égarements, et de vous tendre la main pour vous ramener, si Dieu le veut, au sentier de la vérité. Absent hier de votre conversation, j'ignore par quel chemin vous êtes arrivés au point où vous vous trouvez; mais ce que je puis vous dire, c'est que vous avez fait fausse route. Il ne valait pas la peine de tant courir, pour entrer dans une impasse.

Tu es à plaindre, ô dziri! En te séparant de

toute révélation, tu es tombé dans le doute, comme la pierre détachée du sommet de la montagne roule dans l'abîme. Tu es à plaindre, mais tu n'es pas le plus coupable. Le plus coupable, que le cadi me le pardonne, c'est lui : il ne convenait de détruire qu'à la condition de réédifier. Pour le faire, au lieu d'avoir si vite recours à la religion d'Abraham, de laquelle il n'a pu en temps inopportun tirer un parti salutaire, il devait commencer par employer les décombres du Coran.

Ami de la vérité, je dois à tous la vérité. Je vous la dirai donc, Messieurs, avec franchise : vous vous êtes montrés injustes à l'égard de Mahomet et de son livre. Si, pour mille raisons, vous ne pouvez reconnaître votre législateur pour prophète, ne trouvez-vous rien en lui qui convienne à un sage? Examinez de sang-froid son œuvre, dans quelles circonstances il l'a accomplie, et les moyens qu'il a employés.

Mahomet se trouvait entouré d'idolâtres, de Juifs et de Chrétiens : d'idolâtres qui ignoraient l'unité de Dieu; de Juifs obstinés dans leurs égarements relatifs au Messie; de Chrétiens qui avaient dévié de la vraie route. Réunir sous le même drapeau, en les réunissant dans la même croyance, ces populations diverses et réciproquement exclusives, telle a été l'entreprise. Pour y parvenir, le législateur a su accorder à chacun ce qu'il ne pouvait lui refuser sans courir le danger de se rendre impossible. A chacun il a su faire oublier ou adopter ce qu'il fallait pour opérer la fusion.

Au polythéisme il substitue l'unité de Dieu,

dogme commun aux Juifs et aux Chrétiens. Mais, d'un autre côté, il remplace le pèlerinage de Jérusalem par celui de la Mecque, y compris les sacrifices, la vénération pour la Caaba, la pierre noire, la pierre blanche; usages d'où, après de longues tentatives, il n'a pu parvenir à détourner les idolâtres. Il consacre le divorce et la polygamie. Ceci devait plaire aux Juifs, et était une amélioration pour les Arabes, chez qui le nombre des concubines était jusque-là illimité. Mais les Juifs devaient à leur tour admettre la venue du Messie. Ceci devait plaire aux Chrétiens hétérodoxes, et leur devait paraître suffisant, à eux qui n'avaient du Messie une idée guère plus exacte que ceile qu'en donne le Coran.

Par cette combinaison, Mahomet a d'abord fait ses affaires; il a fait celles des idolâtres en les initiant à la connaissance de Dieu; il a fait celles des Juifs en les détournant de la vaine attente de ce qui est déjà arrivé; il a fait celles des faux Chrétiens en posant l'unité de Dieu comme point d'arrêt dans leurs égarements. Mahomet enfin a constitué un peuple: premier titre de sagesse.

Moïse avait été envoyé pour donner une loi préparatoire; Jésus, pour apporter le complément à cette loi. Le fils d'Abdallah vient douze cent quinze ans après Moïse, cinq cent soixante-treize après Jésus. Il trouve un peuple qui, loin d'être mûr pour la loi de l'Évangile, a, en partie, l'ignorance et la grossièreté du peuple hébreu au temps de Moïse, en partie l'obstination dans l'erreur, plaie à quelques égards pire que l'idolâtrie. Le nouveau législa

teur donne aux siens une loi à la fois préparatoire par les éléments empruntés de la loi de Moïse, et renfermant en germe les éléments de la loi évangélique, comme s'il laissait à Dieu et au temps de marquer l'heure du passage des éléments préparatoires à la vérité complète. C'est ainsi que Mahomet, postérieur dans l'ordre des temps à Moïse et à Jésus, s'est placé, dans l'ordre des idées, contemporain du premier et précurseur du second : deuxième titre de sagesse.

Mahomet a rétabli l'unité entre la Bible et l'Évangile, unité rompue par les juifs. Le Coran a même, par son côté vrai, plus de rapports avec ces deux livres, que certaines de ses parties n'en ont entre elles.

Il paraît, Messieurs, qu'après avoir découvert dans ce livre des contradictions et des erreurs : contradictions entre versets et versets, entre préceptes et préceptes; erreurs en histoire, erreurs en physique, erreurs en astronomie, erreurs au point de vue de toutes les sciences, vous avez conclu contre la divinité du Coran. Je ne prétends point m'inscrire en faux contre votre jugement; mais le Coran n'en demeure pas moins un livre digne de notre attention. Il s'identifie presque avec la Bible par les pratiques légales, par les institutions domestiques et civiles, par la partie historique, sauf les changements introduits à dessein par l'auteur. Un côté théologique et quelques idées saines du Coran forment, peut-on dire, une belle préface, et le livre que cette préface attend, c'est l'Évangile troisième titre de sagesse.

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