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l'Église est troublée et que la vérité chrétienne est affaiblie : nous, qui sommes établis par le Saint-Esprit pour gouverner selon la portion d'autorité qui nous a été confiée, l'Église de Dieu dans la vérité et dans la charité, sommes obligés d'avoir recours au remède que les besoins présents rendent aussi nécessaire, qu'il est en luimême certain et efficace.

» C'est pourquoi, en marchant sur les traces que nos pères nou、 ont marquées pour conserver la vérité et pour rétablir la paix de l'Église, nous déférons toute cette affaire au jugement de l'Église universelle, qui est le tribunal souverain de la puissance spirituelle, la colonne inébranlable de la vérité et le sanctuaire assuré de la paix et de la charité.

>> Bien loin que par là nous voulions faire aucun préjudice, ni déroger à l'honneur du Saint-Siége apostolique, à son autorité, à son unité; nous croyons, au contraire, suivant la tradition générale des Saints-Pères, que c'est le moyen le plus propre et le plus convenable pour les conserver et pour les défendre.

» Nous donc évêques soussignés, ayant recours au remède dudit appel, disons, mettons en avant et offrons de prouver en temps et lieu ce qui suit. »

Les quatre évêques entrent ici dans le détail des propositions condamnées par la bulle, et dont la censure, d'après eux, attaque les fondements de la hiérarchie ecclésiastique, les droits sacrés des évêques, les libertés de l'Église gallicane, le sentiment unanime des saints Pères et leur vraie doctrine, les véritables règles de la pénitence, les plus fermes fondements de la morale chrétienne. Ils sou tiennent que, dans la forme comme dans le fond, la constitution Unigenitus est illégale et contraire aux saines traditions ecclésiastiques et à la justice. Ils forment ensuite leur appel tant pour eux que pour leurs adhérents, non-seulement de la bulle, mais de toutes les mesures que le pape pourrait prendre contre eux, « après avoir fait préalablement des protestations expresses qu'ils n'entendoient jamais rien dire ou même penser de contraire à l'Église, une, sainte, catholique, apostolique et romaine, ni à l'autorité du Saint-Siége apostolique. »

La Faculté de théologie adhéra de cette manière à l'appel :

α

« La sacrée Faculté adhère à l'appel interjeté par les illustrissimes princes de l'Église, les seigneurs évêques de Mirepoix, de Senez, de Montpellier et de Boulogne, au concile général, de la constitution du souverain pontife Clément XI, commençant par le

mot Unigenitus, et de ce qui s'en est ensuivi et ensuivra, ensemble des griefs qui ont été ou qui seront portés par notredit saint Père le pape Clément XI; de son autorité ou de toute autre quelle qu'elle soit laquelle constitution, ladite Faculté a déclaré, par plusieurs conclusions, n'avoir point été acceptée par elle l'acte duquel appel a été lu dans l'assemblée générale de ladite Faculté, et copie lui en a été laissée, et toutes les choses contenues en icelui ont été par elle approuvées. La sacrée Faculté accorde acte auxdits seigneurs évêques de la présente adhésion, et est prête à se joindre partout et quand il sera besoin, pour la poursuite dudit appel, et à le poursuivre en son nom devant le concile général, qui sera assemblé librement et légitimement, et devant celui ou ceux qu'il appartiendra.

» Fait dans l'assemblée générale de ladite Faculté, en présence des seigneurs évêques ci-devant nommés, le 5 mars 1717. >>

:

Le régent, instruit de ce qui s'était passé en Sorbonne, convoqua au Palais-Royal une assemblée'où se trouvèrent les cardinaux de Rohan et de Bissy, le chancelier, le duc de Noailles, d'Huxelles, d'Effiat et Amelot. L'acte d'appel y fut lu; Rohan et Bissy y conseillèrent des mesures violentes contre les quatre évêques et leurs adhérents. Après les délibérations, on s'arrêta à ce qui suit le syndic Ravechet sera exilé à Lyon en vertu d'une lettre de cachet; d'Armenonville, secrétaire d'État, ira le lendemain chez les quatre évêques, pour leur dire de sortir de Paris dans les vingt-quatre heures; défense sera faite à la Faculté de théologie de s'assembler; le notaire Thouvenot, qui a la minute de l'appel, sera arrêté et conduit à La Bastille. Le chancelier d'Aguesseau fut d'avis qu'en adoptant ces mesures, il fallait respecter l'appel en lui-même, parce qu'il était légal et qu'on serait peutêtre obligé d'y avoir recours, si le pape continuait à tout refuser. On ne blama donc cet acte que comme intempestif et fait sans autorisation du régent. Les quatre évêques écrivirent à ce prince que leur seul crime était d'avoir eu recours aux voies canoniques contre une bulle qui mettait le trouble et la division dans le

Journal de l'abbé Dorsanne, ann. 1717.

Le lieu de son exil fut depuis changé, et il partit pour Saint-Brieuc. I mourut en route, chez les Bénédictins de Saint-Mélaine de Rennes, après avoir reçu les Sacrements avec une piété qui édifia tous ceux qui furent témoins de cette action.

royaume, mais qu'ils n'en obéiraient pas moins à ses ordres; en effet, ils se retirèrent aux environs de Paris. Le surlendemain, l'évêque de Mirepoix eut ordre de partir incessamment pour son diocèse, et de n'en point sortir sans l'agrément du prince régent. Les trois autres évêques reçurent le même ordre quelque temps après.

Le 8 mars, le cardinal de Rohan assembla chez lui trente-cinq évêques acceptants, et l'on y délibéra sur une lettre d'une extrême vivacité, que l'on voulait envoyer au régent contre la Faculté de théologie, les parlements, les adhésions à l'appel et les ouvrages composés contre la bulle. Plusieurs évêques refusèrent de signer cette pièce. En même temps, le cardinal de Noailles et les évêques de Laon, Auxerre, Montauban, Condom et Agen se rendaient au Palais-Royal, pour faire au régent des représentations touchant les mesures prises contre les quatre évêques appelants, affirmant que leur conduite était légale et ne méritait aucune flétrissure. Ils se réunirent ensuite, et décidèrent que dans les circonstances graves où l'on se trouvait, ils devaient publier un mandement suspendant, dans leurs diocèses, l'effet de l'acceptation de la constitution.

Tandis qu'ils adoptaient cette mesure, d'autres évêques se prononçaient officiellement contre l'appel. Mailly, archevêque de Reims, un de ceux qui faisaient le plus de bruit depuis la publication de la bulle, lança une excommunication ipso facto contre tous ceux qui révoqueraient leur acceptation de la constitution et adhéreraient à l'appel. Cette menace n'empêcha pas les adhésions de l'Université de Reims, des chapitres de la cathédrale et de la collégiale de saint Symphorien et d'un grand nombre de particuliers. Les adhésions à l'appel étaient innombrables dans la plupart des diocèses, malgré les mesures rigoureuses adoptées par plusieurs évêques; et partout régnait le trouble et la confusion.

Le gouvernement était inquiet. Il entreprit d'entraver l'appel de l'Université de Paris et fut obligé de céder; craignant que la cour de Rome ne se portât à des extrémités, le régent écrivit au pape des lettres remplies de paroles pacifiques; le chancelier avertissait, de son côté, le cardinal de La Trémoille qu'il devrait protester si la lettre du régent ne portait pas ses fruits, et si la cour de Rome entreprenait sur les libertés de l'Église gallicane. Le pape hésita; il assembla les cardinaux à La Minerve; et, pendant qu'ils délibéraient, on alluma un énorme bûcher, rempli de matières propres à

répandre une puante et noire fumée; c'était pour brûler quelques opuscules où l'infaillibilité du pape n'était pas respectée. On se contentait jusqu'alors de brûler en secret au Saint-Office les livres hérétiques; mais il fallait plus d'appareil contre des opuscules gallicans. Le bon sens du peuple fit justice de cette exagération, et traduisit, selon son usage, par une pasquinade, son opinion. Marphorio y demandait à son voisin Pasquin ce que signifiait cette cérémonie : « C'est un feu de paille, répondait Pasquin, il passera vite; mais la constitution vient d'en allumer dans l'Eglise un qu'il ne sera pas si facile d'éteindre. »

L'archevêque de Reims ayant rendu des ordonnances contre les appelants, ceux-ci eurent recours au Parlement. Joly de Fleury, procureur-général, proposa de déclarer que, vu l'acte d'appel au futur concile, il n'empêchait pas qu'il fût fait défense de passer outre aux ordonnances de l'archevêque. Cet arrêt effraya les chefs des acceptants, et ils en comprirent toute la portée. Les appelants avaient, par là, un refuge contre toutes les rigueurs que l'on voudrait exercer contre eux, et ils laissaient supposer que la constitution Unigenitus, malgré l'enregistrement fait par les ordres du feu roi, n'était pas considérée comme loi de l'Etat. Ils parvinrent à faire changer, dans l'arrêt, les mots qui ne leur convenaient pas, quoiqu'il eût été adopté par la majorité; le régent suivait, en tout cela, un systême de bascule vraiment déplorable; voulant ménager tous les partis, il donnait raison tantôt aux uns, tantôt aux autres, favorisait quelques appelants, et donnait contre les autres des lettres de cachet, lorsqu'elles étaient sollicitées par certains personnages. Il entretenait ainsi la guerre, tout en protestant de son désir de la paix. Quelque temps après, le Parlement, dans l'affaire de Reims, reconnut positivement l'appel comme légal. Il rendit plusieurs autres arrêts du même genre, qui irritèrent la cour de Rome et les acceptants. Le 11 avril, le régent réunit au Palais-Royal plusieurs conseillers, pour délibérer s'il ne serait pas urgent de prescrire, par une déclaration royale, le silence le plus absolu touchant la bulle; s'il fallait fonder la déclaration du silence sur l'appel des quatre évêques, ou seulement sur les troubles excités par la constitution. On ne prit aucune résolution ce jour-là.

Quelques jours auparavant, c'est-à-dire le 3 avril, le cardinal de Noailles avait mis sur les registres du secrétariat de son archevêché un acte par lequel il appelait de la constitution Unigenitus au pape mieux informé et au futur concile général. Les évêques d'Agen,

de Condom, de Châlons et de Saint-Malo adhérèrent à cet appel le 23 du même mois. Dans le même temps, les évêques de Verdun et de Pamiers adhérèrent à l'appel des quatre évêques.

On fut effrayé à Rome d'une si redoutable opposition; et le pape écrivit au cardinal de Noailles un bref, dans lequel il le suppliait très affectueusement de recevoir la constitution, afin de mettre un terme à « cette funeste division, qui croissait de jour en jour dans le royaume de France, au grand désavantage de la tranquillité publique, à l'avilissement de l'ordre ecclésiastique, au mépris de l'autorité apostolique et au danger évident de la religion catholique.» On regarda ce bref comme un effet d'un mémoire très solide que présenta à Clément XI le cardinal de La Trémoille. Cependant, la majorité du conseil fut d'avis qu'il ne fallait pas se laisser prendre aux doucereuses paroles du pape ; et plusieurs évêques acceptants favorisaient cette défiance en répandant le bruit que le bref n'était, sous une forme polie, qu'une monition canonique adressée à Noailles. Il est plus exact de dire que le pape, effrayé des suites qu'il prévoyait, tentait une première avance auprès d'un prélat qu'il ne pouvait s'empêcher d'estimer à cause de ses vertus, et avec lequel il se serait entendu plus tôt s'il n'eût été sous l'influence d'une cabale infâme, qui trafiquait, à son profit, des maux de l'Église. Sous cette impression, Clément XI demanda au régent une déclaration qui imposât purement et simplement le silence, promettant de le garder de son côté. On trouva des difficultés en France à une déclaration ainsi conçue, parce qu'elle laissait les choses sans solution, et qu'à la première occasion le pape agirait en conséquence d'actes antérieurs non révoqués, ce qui renouvellerait nécessairement les appels et la division qu'on voulait éviter. Le cardinal de Noailles répondit au pape avec tant de douceur et d'exactitude, que les plus farouches Ultramontains furent obligés de lui rendre justice. Il exposait au pape que sa bulle avait excité de grands troubles; qu'on en avait abusé pour lui attribuer beaucoup d'erreurs; qu'il désirait vivement voir finir ce scandale par les explications que le pape voudrait bien donner, afin de confondre ceux qui lui attribuaient des opinions hétérodoxes.

On comprit enfin à Rome que c'était là le vrai moyen de mettre

Lettre de l'abbé Chevalier au chancelier d'Aguesseau, en date du 21 avril 1717.

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