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» Par ces moyens, ce faux éclat de grande vertu qu'a jeté la secte sera bientôt obscurci. >>

Fénélon ajoutait que le pape devait, dans la bulle qu'on lui demandait, décider clairement l'infaillibilité de l'Église sur les questions de fait; cette décision lui semblait nécessaire, comme base de la guerre qu'on ferait aux Jansénistes. C'était avouer qu'ils n'erraient pas dans la doctrine; or, était-ce un grand crime d'interpréter, d'une manière catholique, l'ouvrage d'un pieux évêque, mort dans le sein de l'Église? C'était pourtant dans le but de forcer à interpréter hérétiquement l'Augustinus que Fénélon et les Jésuites organisaient leur persécution sourde et violente. On comprend ce que Fénélon entendait par les peines canoniques que l'on devrait infliger aux relaps; selon les lois de l'Inquisition, qui étaient sacrées pour les Jésuites, on devait les livrer au bras séculier, ou, ce qui est la même chose, les emprisonner, les mettre à la question, les brûler.

Fénélon, cependant, était doux et aimable. Des hommes tristement célèbres par leurs violences avaient les même qualités. L'ambition et le fanatisme ont bientôt détruit les meilleures natures. Si Fénélon, pour son malheur, eût été mis à la tête du gouvernement, il serait placé, dans l'histoire, à côté du cruel et hypocrite Tellier. La cabale anti-janséniste le comprenait bien. Aussi Gaillande écrivait-il au P. Thimothée1: « C'étoit le seul du royaume qui pût faire revenir les esprits, et dont la haute vertu, les grandes qualités personnelles, le mérite et la science profonde pussent servir de rempart contre les ennemis de l'Église, d'autant plus que le roi devoit le faire revenir en cour incessamment, et que tout étoit disposé pour cela. C'est ce qui m'afflige à l'excès et me pénètre de douleur. »

Quand on connaît les désirs des Gaillande et autres serviteurs de Tellier, on regrette pour Fénélon qu'ils aient fondé sur lui de si grandes espérances.

Parmi les ouvrages religieux de Fénélon, nous indiquerons sa Démonstration de l'existence de Dieu par les preuves de la nature; sa Réfutation de Malebranche; quelques Opuscules de spiritualité; des Instructions pastorales sur le Cas de Conscience, la bulle Vineam Domini et la bulle Unigenitus; ses écrits polémiques

1 Lettre du 1.er février 1715 au P. Thimothée; Archives de Rome, Franc. Giansenismo. 2258.

sur le Quiétisme; sa correspondance. Nous n'avons point à parler de ses œuvres purement littéraires. Dans tous ses ouvrages, Fénélon se montre écrivain plein de goût et d'élégance; cependant, sa manière trop souvent emphatique est fatigante pour le lecteur. Malgré ce défaut, Fénélon mérite, sans contredit, une des premières places parmi nos littérateurs. Quant à ses connaissances théologiques, elles furent très superficielles. Sa facilité prodigieuse lui fit, sous ce rapport, illusion à lui-même. Il crut que sa brillante intelligence pouvait le dispenser de l'étude. Il se trompa. Aussi fit-il de l'esprit sur la théologie au lieu de faire de la science. On remarque surtout ce défaut de science dans ses traités du Ministère des Pasteurs et du Pouvoir du pape; ses Instructions sur le Jansénisme furent vivement relevées par le P. Quesnel, qui savait, comme Fénélon, revêtir les matières les plus abstraites d'un style élégant et pur, et qui, de plus, connaissait bien la Sainte-Ecriture et les ouvrages des Pères de l'Église.

Nous avons dit ailleurs ce que nous pensions de l'éducation du duc de Bourgogne1 et de la polémique sur le Quiétisme. Il faut dire, en terminant, pour être juste, que Fénélon, tout en demandant des rigueurs contre l'École de Port-Royal, ne persécuta point ceux qui, dans son diocèse, en faisaient partie. Il se montra plein de bonté et de douceur pour les grands comme pour les petits. Il mettait, selon Saint-Simon', une espèce de coquetterie à se faire aimer de tous. Aussi fut-il vivement regretté dans son diocèse.

' Mémoires du duc de Saint-Simon, t. ix, ch. 12.

III.

Le régent.

Noailles à la tête du conseil de conscience.

Persécution apaisée. Afaire de la Faculté de théologie. Elle casse son acceptation forcée de la bulle 'nigenitus. Plusieurs Facultés l'imitent. - Colère de Rome. Refus de bulles. Brefs fulminants. Négociations inutiles. - Corps de doctrine. Conférences entre les évêques acceptants et les évèques opposants. Appel des quatre évêques. - Adhésions à l'appel. Appel du cardinal de Noailles. Déclaration royale sur le silence entre les deux partis. - Nouvelles négociations. Lettres Pastoralis officii. Appel comme d'abus du Parlement. Affaire des Bulles. Encore des négociations. ment. - Mort de Clément XI.

Accommode

1715-1720.

LE fils du duc de Bourgogne, encore enfant, succéda à Louis XIV sous le nom de Louis XV. Le duc d'Orléans, neveu du feu roi, fut déclaré régent. C'était un prince intelligent, mais paresseux et débauché. Ses orgies sont devenues trop célèbres. Sa fille, la duchesse de Berry, l'imitait, et poussait la débauche jusqu'à la crapule. Comme son père, elle avait ses soupers secrets, où le P. Riglet, Jésuite, se trouvait volontiers'. Le nonce Bentivoglio menait une vie digne du régent et de sa fille : « Les cheveux se dresseroient sur la tête, dit Saint-Simon2, à la lecture de la conduite véritable et journalière de Bentivoglio. » Il était intimement uni à Rohan et à Bissy, et ces trois personnages formaient comme un triumvirat contre Noailles. Le P. Tellier, intriguant avec eux, fut exilé à Amiens avec une pension de 4,000 livres. Il y fit de nouvelles intrigues, qui obligèrent de le reléguer à La Flèche, où il mourut misérablement, persécuté par les Jésuites eux-mêmes, qui furent, sans le vouloir, les vengeurs de l'Église opprimée par cet horrible religieux".

Au commencement de la régence, les constitutionnaires furent humiliés. Noailles fut placé à la tête du comité des affaires ecclésiastiques; l'archevêque de Bordeaux, l'abbé Pucelle, conseillerclerc au Parlement; d'Aguesseau, procureur-général; Joly de

1 Mémoires du duc de Saint-Simon, t. XIV, ch. 2.

⚫ Ibid, ch. 7.

* Ibid, t. XIII, ch. 28; t. xvn, ch. 19.

Fleury, avocat-général, composèrent ce comité, qui eut pour secrétaire l'abbé Dorsanne. « C'étoit, dit Saint-Simon', un saint prêtre et fort instruit qui, dans la place d'official de Paris, avoit mérité l'estime et l'approbation publique. Il s'acquitta très dignement de son nouvel emploi et fut toujours semblable à lui-même. Ses ennemis prétendirent que le cardinal puisoit dans ses lumières, et que Dorsanne le retenoit dans sa fermeté. Il mourut d'une manière fort prompte et fort singulière, qui ne fit pas honneur, dans l'opinion publique, à MM de la constitution. »

Le conseil des affaires ecclésiastiques, par le caractère des hommes qui le constituaient, ôtait aux fanatiques tout espoir de continuer leurs intrigues à la cour de France. Ils se réfugièrent dans les complots secrets et cherchèrent plus que jamais à pousser la cour de Rome dans la voie détestable où elle n'avait déjà que trop marché. Les Jésuites redoublèrent d'insolence dans leurs pamphlets. Les évêques de Metz et de Verdun furent obligés de les interdire 2. Noailles ôta les pouvoirs à ceux à qui il les avait rendus. Quatre seulement furent exceptés de l'interdit: Gaillard, Lignières, de La Rue et de Trévoux, confesseur du régent; ce dernier aurait pu se passer de pouvoirs, car son client l'occupait fort peu. Les Jésuites étaient d'autant plus furieux contre Noailles, qu'il leur avait fait perdre le confessionnal royal, dont ils avaient tant abusé. L'abbé Fleury, modeste et savant auteur de l'Histoire ecclésiastique, fut nommé confesseur du jeune roi. « Il avoit vécu à la cour, dit Saint-Simon, dans une grande retraite et dans une grande piété toute sa vie. Il n'avoit pris aucune part à la constitution, parce qu'il ne songea jamais à être évêque, et que, n'étant point en place qui l'y obligeât, il aima mieux demeurer en paix à ses études. Il eut peine à consentir à son choix, et ne s'y détermina que par l'âge du roi, où il n'y avoit rien à craindre, et par le sien, qui lui donneroit bientôt prétexte de se retirer, comme il le fit, en effet, avant qu'il put avoir lieu de craindre son ministère, pendant lequel il ne parut que par la pure nécessité. »>

Fleury était un de ces chrétiens sincères qui ne font trafic ni de la vérité, ni de leur conscience. Pénétré de la science de l'anti

1 Mémoires du duc de Saint-Simon, t. xIII, ch. 16.

2 Ibid., t. XIII, ch. 28.

3 Journal de l'abbé Dorsanne, année 1715; Mémoires du duc de SaintSimon, t. XIV, ch. 17.

quité chrétienne, il était, par ses mœurs, une image parfaite d'un prêtre de l'Église primitive; sa modestie, sa piété, sa douceur, son désintéressement l'élevaient bien au-dessus de toutes les intrigues de l'ambition. Il vécut à la cour, et dans l'éducation des princes, comme Paulin de Nole ou Sulpice-Sévère dans leur solitude. Il mérita l'estime de tous les vrais Catholiques, et, ce qui n'est pas moins flatteur pour lui, les injures des Ultramontains 1.

Les Jésuites et leurs amis se plaignirent vivement au pape du discrédit où ils se trouvaient. Ce fut alors, surtout, que furent vraies ces paroles du duc de Saint-Simon touchant leur correspondance secrète : « On y verra, dit cet auteur, des horreurs à faire dresser les cheveux à la tête, du nonce Bentivoglio, des cardinaux de Rohan et de Bissy et des principaux athlètes de cette déplorable lutte, athlètes de tout ordre et de toute espèce, avec une suite, une exactitude, une précision qui ôtent tout moyen de s'inscrire en faux contre la moindre circonstance de tant de faits secrets et profonds, et presque tous plus scélérats et plus abominables les uns que les

autres. >>

Ces gens horribles ont voulu attribuer à Noailles les fourberies dont ils étaient coupables; mais si l'histoire a droit de reprocher à cel archevêque ses indécisions et ses faiblesses, son devoir est de rendre hommage à son angélique vertu, à sa candeur, à son amour de la vérité et de l'Église; car s'il fit à la réception de la bulle Unigenitus une opposition directe, on doit lui rendre cette justice, qu'il n'a agi que par des motifs nobles et désintéressés. On

M. l'abbé Rhorbacher s'en est rendu l'écho dans le lourd et insipide pamphlet qu'il a intitulé: Histoire de l'Église catholique. Il lui a reproché d'avoir reçu du roi le prieuré d'Argenteuil, qu'il n'accepta qu'après s'être démis du bénéfice qu'il possédait auparavant. A la même époque, Bissy, outre son évêché et bien d'autres bénéfices, recevait l'opulente abbaye de SaintGermain-des-Prés, une énorme persion de la cour, etc., Rohan et tant d'autres en faisaient autant, et M. l'abbé Rhorbacher se garde bien d'en faire la remarque. Voilà comment un Ultramontain est impartial.

Le même écrivain, parlant de l'éducation du due de Bourgogne, cite de longs fragments de mythologie dans son Histoire ecclésiastique, parce qu'ils sont de Fénélon; mais il n'a pas trouvé la plus petite place pour les monuments de l'éducation dirigée par Bossuet. Le Discours sur l'Histoire universelle, la Connaissance de Dicu et de soi-même, la Politique tirée de Écriture Sainte, ne valent pas les Dialogues des Morts, aux yeux de M. Rhorbacher. C'est ainsi que les Ultramontains font de l'histoire.

Mémoires du duc de Saint-Simon, t. XVI, ch. 20.

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