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parce que Le Camus y faisait enseigner une morale vraiment chrétienne, et y formait des prêtres sévères, qui devaient un jour combattre leur influence et leurs nouvelles doctrines. Après avoir confié à Arnauld leurs intrigues, l'évêque de Grenoble s'épanchait dans son sein avec une confiance bien honorable pour le savant et humble docteur: « Les évêques, lui disait-il, sont fort à plaindre dans les villes de parlement, lorsqu'il y a de toutes sortes de religieux qui se révoltent incessamment, et qu'on ne trouve point à la cour Ja protection qu'on y espéroit; au contraire, qu'on est exposé aux méchants offices du confesseur du roi. »

Ces détails, donnés dans l'intimité d'une correspondance, expliquent mieux que les actes publics eux-mêmes, l'état de luttes où se trouvaient les évêques à l'égard des religieux. Nous avons remarqué que, dans toutes ses assemblées générales, le clergé élevait des plaintes contre les usurpations de juridiction dont les religieux se rendaient coupables. Dans les réunions de 1670 et 1675*, on trouve des plaintes nouvelles qui justifient pleinement ce que l'évêque de Grenoble confiait à Arnauld, et qui prouvent que les mêmes abus avaient lieu dans la plupart des diocèses.

Fidèles à leur système, les religienx et surtout les Jésuites cherchèrent à détourner l'attention de ces désordres, en provoquant d'autres questions. Depuis que la paix avait été officiellement promulguée par l'édit de Louis XIV, ils n'avaient pas osé soulever ouvertement la question du jansénisme; mais tous leurs efforts tendaient à la ressusciter. C'était dans ce but qu'un Jésuite, nommé Estrix, avait dénaturé tous les faits relatifs à la conclusion de la paix dans un livre publié en 1673. Quelques docteurs ayant voulu en provoquer la censure, Louis XIV écrivit à la Faculté pour lui défendre de faire cette censure, sous prétexte qu'on ferait ainsi du bruit sur des questions heureusement terminées 3. Le livre d'Estrix inspira à Varet, vicaire-général de Sens, la pensée de composer l'Histoire de la paix de l'Église; il avait été instruit des circonstances de ce grand événement par Gondrin lui-même, qui avait été un des médiateurs. Les Jésuites furent instruits des projets de Varet, et s'imaginèrent que l'ouvrage était déjà sous presse. Compre

1 Lettre de Le Camus à Arnauld, après la 290.e de la correspondance de ce dernier.

2 V. les Procès-verbaux de ces assemblées au t. v de la Collection générale. Lettre de l'archevêque de Sens au marquis de Pomponne, secrétaire d'État; V. la lettre du roi à la Faculté aux Archives, sect. hist. L. 11.

nant qu'un tel livre serait un obstacle puissant à leurs desseins, le P. de La Chaise fut chargé de se plaindre au roi de la prétendue impression, comme d'un acte inspiré à l'archevêque de Sens dans le but de leur nuire et de troubler la paix de l'Eglise. De Pomponne fut chargé par Louis XIV d'en écrire à Gondrin, qui répondit par une fort belle lettre, dans laquelle il prouvait que. les ennemis de la paix n'étaient pas ceux qu'on accusait de jansénisme, mais bien ceux qui les en accusaient.

Gondrin mourut le jour même où il écrivit cette lettre. De Pontchâteau ayant envoyé le récit des derniers moments de ce prélat à l'évêque de Grenoble, celui-ci lui répondit 1:

« Ce sont de grandes leçons pour ceux qui vivent; il faut tâcher d'en faire son profit et de vivre dans les mêmes dispositions dans lesquelles il est mort. Les religieux ont fait courir tant de bruits ridicules sur son sujet, que cela fait la plus grande compassion du monde. Si l'on cherchoit des avantages temporels ou de la réputation dans l'épiscopat, il y auroit, au temps où nous sommes, de grandes mesures à garder avec eux; mais qui ne cherche que Jésus-Christ et le salut des peuples, ne se met pas beaucoup en peine de prendre les devants là-dessus. >>

Gondrin avait été l'adversaire indomptable des Jésuites, et leur avait retiré tout pouvoir d'exercer dans son diocèse les fonctions ecclésiastiques. Il eut pour successeur de Montpezat, évêque de cour, dévoué au P. de La Chaise et aux Jésuites, qu'il se hâta de rétablir, en arrivant dans son diocèse.

Vers le même temps, les Jésuites reçurent un nouveau renfort contre leurs adversaires dans la personne de François de Harlai, qui passa du siége de Rouen à celui de Paris, après la mort de Péréfixe.

Harlai avait de l'instruction et de l'éloquence. C'était un habile politique et un homme du monde fort aimable, mais un triste évêque. Ses mauvaises mœurs étaient connues de tout le monde2; il ménageait les Jésuites parce que le roi les aimait; mais en même temps il essayait de s'attacher Port-Royal, et ne sévissait contre lui que lorsqu'il le croyait nécessaire pour ne pas perdre son crédit à la cour. L'intérêt privé était son unique morale, et la vertu ne fut

1 V. cette lettre dans la correspondance d'Arnauld, après la lettre 280.e. D'Aguesseau, Mémoires historiques sur les affaires de l'Église de France; Mémoires du duc de Saint-Simon, t. 11, ch. 30; Édit. du marq. de Saint-Simon.

jamais pour lui qu'un mot. Aussi sa vie ne fut-elle qu'un tissu de contradictions; cherchant la paix par caractère, et se prêtant aux préjugés et à la passion, lorsqu'il le croyait utile pour lui. Il avait été un des plus zélés pour faire décréter la signature du formulaire, comme nous l'avons vu; puis il avait travaillé à la paix, et nous avons cité sa lettre au cardinal Rospigliosi, dans laquelle il se range à la doctrine des quatre évêques et des évêques médiateurs, touchant la distinction du fait et du droit. En montant sur le siége de Paris, il se prononça si hautement pour la paix, qu'Arnauld luimême y fut trompé. Le 10 avril 1671, ce docteur écrivait à l'évêque d'Aleth1: « Notre nouvel archevêque paroît fort bien disposé pour entretenir la paix.... ayant déclaré qu'il ne vouloit point mettre de distinction entre les gens de bien de son diocèse, et qu'il se vouloit servir indifféremment de tous. >>

Arnauld crut à ces dispositions jusqu'en 1674, que Feydeau, docteur de Sorbonne et théologien de Beauvais, fut exilé pour n'avoir pas signé le formulaire purement et simplement.

Harlai avait d'abord promis de parler au roi et d'apaiser la tempête; mais on vit bientôt qu'il en était lui-même l'auteur, et que, sous le nom du roi, il voulait s'imposer en tyran à l'Église de France 2.

Cependant, il usa auprès d'Arnauld de tant d'artifices, qu'il crut lui avoir persuadé qu'il voulait toujours la paix. Il l'engagea même à lui dénoncer les infractions fréquentes qu'y faisaient les ennemis de Port-Royal.

Nous trouvons, à ce sujet, dans la correspondance d'Arnauld, deux lettres qui donnent des renseignements pleins d'intérêt. Dans la première, Arnauld s'exprime en ces tecmes 3:

« J'obéis, Monseigneur, à l'ordre que vous m'avez donné la dernière fois que j'eus l'honneur de vous voir, de vous rendre compte de tout ce que j'apprendrois que l'on feroit au préjudice de la paix, à l'affermissement de laquelle je suis témoin que vous avez travaillé avec tant de zèle, pour ôter tout ce qui pourroit être une occasion de renouveler les disputes.

» Vous pouvez, Monseigneur, vous souvenir de ce que je vous

1 Arnauld, Lettre 255.c.

2 Ibid., Lettre 274.e.

Ibid., Lettre 285...

dis de M. Chamillard le jeune. Il n'y a rien de plus certain que le sujet de la plainte que je vous en fis, et j'en eus encore hier une nouvelle assurance, car il n'oseroit nier qu'il n'ait donné à des jeunes filles un papier qui a pour titre : Les maximes du Jansenisme, recueillies de l'information faite contre l'abbé de SaintCyran, qui est un recueil d'impostures qui a été réfuté il y a plus de trente ans, par un livre imprimé qui est demeuré sans réplique 1, et qu'il ne le leur ait donné dans le dessein de les persuader que le Jansénisme étoit une secte subsistante qui tenoit effectivement toutes les hérésies de cet extrait, comme qu'il n'y a plus d'Église, que le Concile de Trente n'est pas un concile œcuménique, que le pape n'est pas chef de l'Eglise, etc. J'avoue, Monseigneur, que je ne comprends pas comment un Docteur qui fait profession de piété, se croit en état de dire tous les jours la messe, en calomniant son prochain d'une manière si inexcusable; et c'est plus son intérêt que le nôtre qui m'a porté à vous en faire des plaintes, dans l'espérance que votre justice et votre charité vous engageroient à lui faire connoître sa faute et l'obligation qu'il a de la réparer par le désaveu de ses calomnies, sans quoi, comme dit un ancien auteur, saint Pierre même n'a pas reçu le pouvoir de lui en donner l'absolution.

>> On sait aussi qu'il a menacé de refuser l'absolution à des personnes qui se confessoient à lui, parce qu'elles lisoient le livre de la Fréquente communion, et qu'il les a contraintes, sur ce refus, de lui promettre de ne le plus lire. Et vous jugez sans doute, Monseigneur, que c'est un renversement manifeste de l'ordre et de la discipline de l'Eglise, et un abus visible du ministère des clés, qu'un particulier comme M. Chamillard ait prétendu avoir droit de défendre aux fidèles, sous peine d'être exclus de l'absolution, la lecture d'un ouvrage approuvé par tant d'évêques, et auquel tout le crédit de ceux qui l'ont combattu avec tant de passion, n'a jamais pu faire donner la moindre atteinte.

» Il n'y a rien non plus, Monseigneur, de plus certain que ce que je vous ait dit d'un frère de la doctrine chrétienne, de la maison de Saint-Charles, nommé le P. Ricard. Il y a environ six semaines, qu'un dimanche, après vêpres, faisant le grand catéchisme dans leur église, il dit en propres termes : « Que les Jansé>> nistes soutenoient que tout ce qui se faisoit, lorsqu'on est en état

1 Arnauld fait allusion ici à son Apologie pour M. de Saint-Cyran.

» de péché, étoit péché. » En quoi, sans doute, il ne peut être excusé d'avoir commis deux grands excès : l'un, d'abuser de la chaire pour entretenir le peuple dans cette fausse opinion, qu'il y a une secte d'hérétiques dont il se faut garder, en contrevenant ainsi formellement à l'ordre du roi, qui a défendu expressément de se servir de ces noms de secte et de parti; l'autre, en imputant très-faussement à ceux qu'il a marqués par ce nom, une erreur damnable, que l'on a réfutée par plusieurs ouvrages, et entre autres, dans le dernier chapitre de la Fréquente communion. On a fait avertir charitablement ce Père de cet excès; on lui a marqué les endroits où cette calomnie était réfutée; et cependant, on n'a pas ouï dire qu'il en ait fait aucune réparation, quoiqu'il continue de dire la messe et d'administrer les sacrements.

» Il y a encore une autre chose, Monseigneur, dont je vous dois rendre compte, quoique je n'en sois pas tout à fait si assuré. C'est qu'au lieu que vous avez eu la bonté de me témoigner que vous n'aviez jamais cru que nous eussions aucune part à ces libelles scandaleux que l'on fait courir, et que le roi ne nous en imputoit rien, on m'a dit que M. l'abbé Du Plessis 1, votre grand-vicaire, faisoit entendre tout le contraire à plusieurs personnes, en les assurant que vous aviez fait de grandes plaintes contre nous sur le sujet de ces libelles, et que le roi en étoit demeuré étrangement irrité contre tous ceux qu'on tâche toujours de rendre odieux par des noms de secte et de parti. Je ne suis pas en peine, Monseigneur, de la chose en elle-même, ne pouvant pas douter que tout cela ne soit faux, après ce que vous m'avez fait la grâce de me dire d'une manière si pleine de bonté et d'affection. Mais cela n'empêche pas que de semblables discours ne nous fassent beaucoup de tort, s'il est vrai qu'une personne de la qualité de M. l'abbé Du Plessis les ait tenus, parce qu'on a de la peine à croire qu'il ne soit pas bien informé de ce qu'il dit, et que rien ne nous expose plus aux médisances des personnes prévenues ou passionnées contre nous que l'opinion qu'on entretient par là dans le monde, que le roi n'est pas satisfait de notre conduite. »

Les libelles, dont parle Arnauld à la fin de cette lettre, avaient pour auteur l'abbé Le Noir, théologal de Sécz. C'était un prêtre de mœurs austères et plein de zèle pour la discipline de l'Église; mais son zèle n'était pas selon la science, et il avait plus d'érudition que

1 Du Plessis de la Brunetière, qui mourut évêque de Saintes.

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