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SERMON

POUR LE SECOND

DIMANCHE DE L'AVENT,

PRONONCÉ DEVANT LA REINE, DANS LA CHAPELLE DE SAINT-GERMAIN.

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Beatus qui non fuerit scandalisatus in me.

Heureux celui qui ne sera point scandalisé de moi. Matth. 11.

QUELLE espèce de terrible beatitude Jésus-Christ annonce-t-il aujourd'hui aux hommes, ou plutôt quelle sentence prononce-t-il aujourd'hui contre eux? Il est venu leur enseigner lui-même la vérité, la confirmer par la sainteté de sa vie, la soutenir par des marques visibles de sa puissance, la persuader par la force intérieure de sa grâce. Cependant ils ont écouté sans respect les oracles de sa bouche sacrée ; ils ont vu sans admiration l'éclat de ses vertus et de ses exemples; ils ont soupçonné sans raison la vérité de ses miracles; ils ont reçu ses bienfaits sans amour ni reconnoissance; rien n'a pu les instruire, rien n'a pu les toucher. Tels étoient autrefois les juifs; tels sont aujourd'hui les chrétiens; et c'est à bon droit

que Jésus-Christ, voyant le peu de reconnoissance des uns, le peu de foi des autres, la présomption de ceux-ci, la timidité de ceux-là, peut redire ces mêmes paroles: Heureux, je ne dis pas qui m'aime; où trouve-t-on de la charité? ni qui croit en moi; il n'y a presque plus de foi en Israël : ni qui m'écoute; l'endurcissement est venu jusqu'à fermer l'oreille à la vérité : ni qui me suit; personne ne veut plus porter sa croix heureux donc celui qui ne se scandalise pas de moi ! C'est beaucoup pour moi de n'être pas méprisé d'eux, et c'est beaucoup pour eux de ne me pas désavouer.

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Mais quel zèle m'emporte, madame? grâces à Jésus-Christ de qui je parle, et que j'ai fait parler ainsi, votre majesté attentive à sa parole, sensible à ses exemples, soumise à ses volontés, fidèle à sa grâce, nous fait assez voir tous les jours qu'il reste encore des âmes chrétiennes, et que le monde, tout perverti qu'il est, tient encore à Dieu par quelquesunes de ses plus nobles parties. La gloire d'une auguste naissance, l'éclat d'une brillante couronne attirent moins sur vous les yeux et la vénération des peuples que les pratiques édifiantes d'une piété constante et solide; élevée sur le trône, et plus souvent prosternée au pied des autels, vous rendez à Jésus-Christ, que vous adorez, de grands hommages, et vous donnez aux hommes, qui vous admirent, de grands exemples. La grandeur, qui ne sert d'ordinaire qu'à entretenir le faste et à donner" plus de liberté aux passions, ne vous sert que pour

donner plus d'étendue à la vertu et plus de crédit à la religion les jours entiers suffisent à peine à la ferveur de vos oraisons, et, toujours occupée du dé→ sir d'être humble et fidèle chrétienne, vous n'avez presque pas le temps de penser que vous êtes reine. Dans les temples sacrés, où vous demeurez plus long-temps que dans vos palais, quelles grâces n'attirez-vous pas sur vous, quelles prospérités n'attirezvous pas tous les ans sur les armes triomphantes du roi votre époux, lorsque la gloire vous l'enlève et le conduit à ses expéditions militaires! Ces larmes que vous versez au pied des autels, font croître ces lauriers si frais dont Dieu le couronne. Vous préparez, par vos prières, les victoires qu'il gagne par sa valeur et par sa prudence, et le ciel bénissant et vos souhaits et ses desseins au même temps, vous avez à peine achevé de former vos vœux, qu'il vous oblige à lui rendre vos actions de grâces. Ces considérations ne me font pas quitter le sujet où l'Évangile m'engage aujourd'hui, et je viens devant votre majesté, qui se loue et se glorifie de Jésus-Christ, apprendre à mes auditeurs qui sont ceux qui s'en scandalisent. J'ai besoin des puissantes intercessions de cette Vierge qui le conçut dans son sein par l'opération du SaintEsprit, lorsqu'elle ouït ces paroles de l'ange : Ave Maria, etc.

Il y a trois sortes de personnes qui se scandalisent de Jésus-Christ; c'est-à-dire qui méconnoissent, qui désavouent, qui abandonnent Jésus-Christ, ou par défaut de lumière, ou par dépravation de moeurs,

et se font une occasion de chute et de réprobation de ce qui devoit être la cause ou la matière de leur salut. Les uns s'offensent de sa foi et de sa doctrine, et la regardent ou comme fausse, ou comme incommode; les autres s'offensent de ses exemples, et n'osent les imiter plusieurs s'offensent de sa mort et de sa croix, et ne veulent avoir aucune part à ses souffrances. Je veux vous faire connoître aujourd'hui qui sont ces hommes incrédules, ces hommes timides, ces hommes délicats, qui ne croient pas la vérité de Jésus-Christ et de sa parole; qui craignent de suivre la pureté de sa religion, parce qu'elle est contraire aux règles du monde, et qui négligent sa rédemption, parce qu'il leur en coûteroit quelques peines. Voilà tout le sujet de ce discours, si vous m'honorez de vos attentions.

PREMIER POINT.

Les juifs ont été les premiers qui se sont scandalisés de Jésus-Christ : du mépris de sa personne, ils ont tombés dans le mépris de sa doctrine, et ils n'ont pas voulu recevoir pour maître celui qu'ils n'étoient pas résolus de reconnoître pour le Messie. Accoutumés à des miracles éclatans, et remplis des magnifiques idées d'une grandeur extérieure, ils attendoient un libérateur, qui, par la force des armes, s'assujettît les nations étrangères, qui mît aux fers les tyrans d'Israël et les fit gémir à leur tour sous une dure servitude, et qui régnât enfin, après ces grands événemens, dans la paix et dans l'abondance,

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comblé de gloire et de prospérités mondaines. Cette vaine espérance, dont ils étoient si prévenus, leur faisoit demander à Jésus-Christ même quand le règne de Dieu viendroit? Quando venit regnum Dei? Et quoiqu'il leur eût répondu que le règne de Dieu ne viendroit point avec apparence: Non venit regnum Dei cum observatione; ils cherchoient le Messie dans le Messie; l'obscurité de sa naissance et l'humilité de sa vie leur étoit comme un voile impénétrable qui leur cachoit sa sagesse et sa vérité : Scandalisabantur in eo, dit l'Évangile ainsi s'accomplissoit ce terrible mystère de la réprobation des juifs, dont parle saint Paul; le plus grand de tous les moyens leur devenoit le plus grand de tous les obstacles; le Médiateur étoit lui-même la cause innocente de leur perte; sa réconciliation étoit d'autant plus méprisée qu'elle étoit abondante; et l'ignominie de sa mort achevant de les rebuter, ils aimèrent mieux renoncer au Père que de croire au Fils, et se révolter contre toutes les lumières de la loi, que de se soumettre à l'Évangile. Alors s'accomplit ce qu'avoit prédit un de leurs prophètes : Qui erit vobis in sanctificationem, et in petram scandali, et in ruinam habitantibus Jerusalem; que celui qui seroit leur sanctification seroit aussi une pierre de scandale pour eux, et une occasion de ruine à tous les habitans de Jérusalem.

La source de leur erreur fut qu'ils ne comprirent pas la différence de la loi nouvelle d'avec l'ancienne : l'une est une loi de chair, l'autre est une loi d'es

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