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des anciens diacres de l'église, ordonner qu'on fléchît les genoux, et qu'on se tût devant la majesté présente qui, pour être cachée, n'en étoit pas moins redoutable.

Y eut-il jamais d'adoration plus spirituelle et plus véritable que celle qu'il rendoit à Dieu? Il le reconnoissoit comme sa fin et son origine; et, quoiqu'il eût pour lui cet amour de préférence qui lui donnoit un empire absolu sur ses volontés, il se reprochoit de n'avoir pas pour lui toute la tendresse et toute la sensibilité qu'il ressentoit pour ses amis. Avec quelle effusion de cœur lui exprimoit-il ses nécessités spirituelles, et celles de sa famille, dans ces prières pures et tendres qu'il avoit composées lui-même pour implorer ses miséricordes, ou pour lui offrir ses vœux

et ses reconnoissances!

D'où puisoit-il toutes ces lumières ? de la loi, qui en est la source éternelle. Il avoit lu cent treize fois le Nouveau Testament de Jésus-Christ avec application et avec respect. Ministres de sa parole, destinés à la dispenser à ses peuples, l'avons-nous lue, l'avons-nous méditée si souvent? Les premiers chrétiens faisoient autrefois enterrer avec eux les livres des Évangiles, portant jusque dans le tombeau le trésor de leur foi, et le gage de leur résurrection éternelle; et celui que nous louons aujourd'hui les tint jusqu'à sa mort entre ses mains, et voulut expirer, pour ainsi dire, dans le sein de la vérité et de la miséricorde de Jésus-Christ.

C'est ici, messieurs, l'endroit sensible de mon dis

cours. Ne craignez pas pourtant que je me livre à ma douleur. J'ai vu cette grande miséricorde que Dieu lui avoit réservée, et j'ai pour moi toutes les consolations de la foi et de l'espérance des Écritures, dans la gloire d'une réputation, qu'une vertu consommée lui avoit acquise, et que l'envie n'osoit plus lui disputer. Dans une vigueur d'esprit et de corps, que l'âge et les maladies sembloient avoir jusque-là respectée, il tombe tout à coup dans ces ennuyeuses douleurs où l'on souffre sans secours et sans intervalle. La respiration qui nous fait vivre le fait mourir à tous momens. Les nuits, plus tristes que les jours, lui ôtent la douceur de la compagnie, et ne Jui donnent pas celle du repos. Il ne peut ni s'étendre sur sa croix, ni trouver de situation, ni de remède qui le soulage. Quels furent ses sentimens de piété dans ce temps de langueur et de patience?

Quel mépris du monde et de ses vanités ! il comptoit ses prospérités temporelles, dont il avoit toujours senti et le néant et le danger, et s'écrioit en soupirant: Seroit-il possible, mon Dieu, que ce fûtlà ma récompense? Quelle horreur! mais quel repentir du péché! Il repassoit les années de sa vie dans l'amertume de son âme, et se réveillant dans ses réflexions de pénitence: Quatre-vingts ans, disoit-il, quatre-vingts ans, Seigneur, passés à vous offenser! Quelquefois se défiant de son propre cœur, et craignant qu'il ne fût pas assez profondément touché, il disoit : Vous m'avez appris dans vos Écritures que le cœur de l'homme est impénétrable; le mien n'auroit

il de pli et de repli que pour vous? vous tromperoisje, me tromperois-je ? ô mon Dieu! Une sainte frayeur des jugemens divins le saisissoit. On voyoit sa foi dans ses yeux et dans ses paroles. La confiance chrétienne venant au secours : J'approche, ajoutoitil, du trône de votre grâce, je vous amène un pécheur qui ne mérite point de pardon, mais vous m'ordonnez de le demander; la miséricorde en vous est au-dessus du jugement, le sang de votre fils n'est-il pas répandu pour moi, et n'est-ce pas sa fonction d'effacer les péchés du monde ?

Dans cette ferveur de piété les heures fatales s'avancent. Encore un coup, divine providence ; étois-je attendu ? étois-je destiné à être le témoin et comme le ministre de son sacrifice? Je vis ce visage que la crainte de la mort ne fit point pâlir, ces yeux qui cherchèrent la croix de Jésus-Christ, et ces lèvres qui la baisèrent. Je vis un cœur brisé de douleur dans le tribunal de la pénitence, pénétré de reconnoissance et d'amour à la vue du saint viatique, touché des saintes onctions et des prières de l'Église. Je vis un Isaac, levant avec peine ses mains paternelles pour bénir une fille que la nature et la piété ont attachée à tous ses devoirs, aussi estimable par la tendresse qu'elle eut pour lui que par l'attachement qu'il eut pour elle, et des enfans qui firent sa joie et qui feront un jour sa gloire. Je vis enfin comment meurt un chrétien qui a bien vécu.

Que vous dirois-je, messieurs, dans une cérémonie aussi lugubre et aussi édifiante que celle-ci ? Je vous

avertirai que le monde est une figure trompeuse qui passe, et que vos richesses, vos plaisirs, vos honneurs passent avec lui. Si la réputation et la vertu pouvoient dispenser d'une loi commune, l'illustre et vertueuse Julie vivroit encore avec son époux. Ce peu de terre que nous voyons dans cette chapelle couvre ces grands noms et ces grands mérites. Quel tombeau renferma jamais de si précieuses dépouilles? La mort a rejoint ce qu'elle avoit séparé. L'époux et l'épouse ne sont plus qu'une même cendre; et, tandis que leurs âmes teintes du sang de Jésus-Christ reposent dans le sein de la paix, j'ose le présumer ainsi de son infinie miséricorde; leurs ossemens humiliés dans la poussière du sépulcre, selon le langage de l'Écriture, se rejouissent dans l'espérance de leur entière réunion et de leur résurrection éternelle.

Offrez pourtant pour eux, prêtre du Dieu vivant, vos vœux et vos sacrifices; et vous, chastes épouses de Jésus-Christ, gardez religieusement ce dépôt sacré, arrosez-le des larmes de votre pénitence; attirez sur lui quelques regards de l'agneau sans tache que vous suivez, quand il va s'immoler sur tous ces autels; afin qu'étant purifiés par cette divine oblation, des restes des fragilités humaines, ils chantent dans le ciel avec vous les miséricordes éternelles.

FIN DU PREMIER VOLUME.

CONTENUES

DANS CE PREMIER VOLUME.

NOTICE Sur Fléchier. . .
Oraison funèbre de madame Julie Lucine d'Angennes de Ram-
bouillet, duchesse de Montausier, dame d'honneur de la
reine, prononcée en présence de madame l'abbesse de Saint-
Étienue de Reims, et de madame l'abbesse d'Hières, ses
sœurs, dans l'église de l'abbaye d'Hière, le 2 janvier 1672.
Oraison funèbre de madame Marie de Wignerod, duchesse
d'Aiguillon, pair de France, prononcée dans l'église des Car-
mélites de la rue Chapon, le 12 août 1675..
Oraison funèbre de très-haut et très-puissant prince Henri de
La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal général
des camps et armées du roi, colonel général de la cavalerie
légère, gouverneur du Haut et Bas - Limosin, prononcée à
Paris dans l'église de Saint-Eustache, le 10 janvier 1676.
Oraison funèbre de M. le premier président de Lamoignon,
prononcée à Paris dans l'église de Saint-Nicolas du Chardon-
net, le 18 février 1679.

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