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de cette vieille rouille dont ils avoient été surchargés par la barbarie, la féodalité, la superstition et le despotisme. Je crois néanmoins que, malgré cette tendance universelle, on peut encore, avec quelque espoir de succès, porter ses regards sur un siècle qui semble nous avoir ouvert la carrière que nous parcourons. Nos réflexions sur l'état de la société à cette époque, et les modifications apportées à cet esprit par la marche graduelle et toujours croissante de notre amélioration sociale, me paroissent un point de vue sous lequel on n'a pas encore mis les deux tableaux; et, quoique l'on ait souvent parlé de ce siècle fameux, comparé par les uns aux siècles de Périclès, d'Auguste et de Léon X; trop souvent dénigré par des littérateurs qui, dédaignant l'école de nos premiers maîtres, vouloient en constituer une moins gênante pour les productions du génie, et moins coërcitive, le véritable philosophe, l'ami de l'humanité, le Français vraiment attaché à la religion de ses pères peut encore s'ouvrir une route nouvelle; et, tout en parlant d'un grand homme, présenter aux hommes quelques vues utiles, quelques pensées relatives au bonheur commun, à la prospérité publique.

Placés à une assez grande distance d'un siècle où tant de personnages illustres, tant d'écrivains distingués arrachèrent la France à son indiffé

rence littéraire, à cette naïveté qui souvent compromettoit et les mœurs et les lois et la marche du gouvernement, pour la placer à la tête des nations européennes auxquelles les progrès de la civilisation n'étoient pas indifférens, il nous est impossible de juger ces colosses comme les ont jugés leurs contemporains entraînés par l'enthousiasme de la reconnoissance, et séduits par les rayons brillans d'une lumière qui excitoit leur admiration. Les hommes frappés de cécité, qui par l'adresse d'un oculiste parviennent à recouvrer l'usage d'un sens si merveilleux, ne sont point capables de juger sainement de l'éclat du soleil; leur âme est trop fortement préoccupée de la majesté du spectacle. Nous nous garderons aussi d'imiter ces littérateurs ingrats qui, par morgue ou par vanité, répudièrent un si bel héritage, sous le ridicule prétexte que la philosophie n'avoit fait aucun progrès, et que des écrits dépourvus de cet esprit d'investigation, de recherche et de saine critique, ressemblent à ces météores qui brillent un instant et disparoissent presque aussitôt en nous plongeant encore dans les ténèbres qu'ils avoient momentanément dissipées.

Ainsi nous avons vu successivement Racine, Boileau, Molière, Fénelon, Fléchier, Bossuet, abandonnés d'abord et tristement relégués sur

les bancs poudreux des colléges, ressuscités par l'esprit de parti, quand le parti contraire déchut dans l'opinion publique par l'abus étrange qu'avoient fait quelques hommes perdus des maximes philosophiques du XVIIIe siècle. Aujourd'hui l'on voudroit encore replonger dans les abîmes de l'oubli les ouvrages de nos premiers académiciens, parce que leur système politique est trop étroit selon quelques littérateurs publicistes, ou parce que leur système religieux est en opposition avec celui que l'on cherche à introduire de nos jours chez les peuples catholiques, selon quelques théologiens séduits par les ouvrages de Le Maître et de La Mennais. Une nouvelle espèce d'ennemis s'élève encore contre eux; et, sans s'en apercevoir, ils sont les auxiliaires des précédens. Car comment pourroit - elle se soutenir cette nouvelle école, si elle ne parvenoit point à briser les grands modèles pour substituer dans le temple des muses ses grotesques caricatures?

Les orateurs sacrés sous le règne de Louis XIV payèrent tous le tribut à leur siècle : il est extrêmement difficile de s'exempter de cette imposition; tous les anciens écrivains de la Grèce et de Rome n'ont pu s'y soustraire.

Les orateurs sacrés du XVIIIe siècle remplirent leurs discours de traits d'esprit, de ces bluettes saillantes, de ces étincelles phosphoriques dont

étoient parsemées les poésies et les dissertations profanes; et les nôtres ne sont-ils pas politiques? Prononcent-ils un seul sermon sans allusion soit à nos discordes civiles, soit aux changemens opérés dans la forme du gouvernement monarchique? Lisons-nous un seul mandement sans invectives sur ces transactions entre les peuples et les souverains qui ne sont point du ressort spirituel?

L'homme impartial, presque étranger à toutes les discussions qui de nos jours font fermenter tant de têtes, rejette toutes ces censures émanées d'un cœur blessé dans ses affections ou dans ses jouissances. Si les orateurs du siècle de Louis XIV eurent tort d'approuver toutes les mesures politiques, administratives et réglémentaires de ce prince; si leurs emphatiques successeurs se portèrent à eux-mêmes des coups terribles et mortels, en introduisant dans la chaire évangélique ce langage maniéré, cette afféterie qui sembloient être en harmonie parfaite avec la licence et la corruption; nos orateurs modernes, instruits par ces funestes exemples, devroient-ils abandonner la morale et la sainte interprétation des Écritures, pour se livrer à de vagues déclamations sur des questions politiques auxquelles ils sont entièrement étrangers? Le danger est imminent pour eux, s'ils veulent un instant réfléchir aux vives. répliques que peuvent leur opposer des adver

saires plus instruits qu'eux dans les matières économiques de l'administration des États.

Au milieu de ces agitations qui troublent la paix de l'État et de l'Église, au milieu de ces secousses qui semblent diviser la France en deux camps prêts à se livrer bataille; au milieu des craintes qui la tourmentent; au souvenir des excès révolutionnaires dont elle frémit encore; à l'aspect de la superstition qui cherche à se glisser dans son sein, du fanatisme qui prend tous les masques et tous les costumes pour couvrir sa hideuse difformité, il me semble que rappeler à la mémoire du nouveau clergé ce qu'auroit fait à sa place un évêque digne des plus grands éloges par ses vertus, sa probité, sa modestie, sa tolérance, sou désintéressement, son érudition, son éloquence et ses talens littéraires, c'est tirer d'un discours préliminaire tout le fruit que nous nous sommes proposé de cueillir, en offrant au public cette nouvelle édition des œuvres de Fléchier. Il fut homme, et par conséquent il put se tromper; mais ses erreurs ne provinrent jamais. de l'insensibilité du cœur, ni de l'opiniâtreté de son esprit; elles appartiennent toutes aux circonstances dans lesquelles il se trouva placé. S'il fit quelques concessions aux préjugés populaires, jamais il ne s'en fit une arme pour opprimer l'innocence ou la bonne foi; digne émule de Fénelon

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