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à leur propre grandeur, » et c'est l'unique moyen de venger la société qu'ils outragent par leur morgue et leur vanité. Si tout le monde les abandonnoit ainsi, à quelle extrémité seroient-ils réduits? ils ne seroient plus grands; ils ne seroient pas même des hommes, et ce seroit encore une grâce si l'on vouloit bien les compter au nombre des individus.

Fléchier parle ensuite de sa bonne foi, de sa patience, de son ambition, de son cœur, des devoirs de l'amitié, de ses exigences, de sa position dans la société, et finit par se consoler de n'être pas heureux pourvu que le public le juge digne de l'être. « Que de gens dédaignent cette espèce de consolation! ils ne se croient heureux qu'en bravant l'opinion publique. Mais le sontils réellement? Grand problème à résoudre! Ce n'est point, je crois, sur les échelons du mépris, de la haine et de l'animadversion publique que l'on parvient à la félicité. Quiconque pense autrement se fait illusion; un instant suffit pour dissiper le prestige. Mais voici un aveu qui découvre l'homme en entier et nous donne le droit de le juger sans crainte et sans appréhension : « Je n'envie point la gloire de personne, mais j'aime à jouir de la mienne; je n'ignore pas que la nature m'a doué de quelques talens, mais j'estime les talens des autres; aussi j'ai l'honneur qu'ils

donnent, sans faire souffrir aux autres les incommodités de l'orgueil. «< On trouve dans cet exposé de la franchise, et point de cette espèce de modestie qui dévoile une trop grande opinion de soimême. On sent que Fléchier aima les éloges, mais qu'il devoit abhorrer la flatterie. L'égoïsme, soit dans la vie privée, soit dans la carrière des lettres, est pour lui le plus hideux des vices. En effet, quand l'homme de lettres ne voit que lui, rapporte tout à lui, ne parle que de lui, peut-il, avec une telle dose d'amour-propre, être utile à la société? Ses talens n'ont fait que développer en lui un vice de plus; et si ce vice ne portoit pas avec lui-même sa punition en exposant au ridicule, il deviendroit un fléau d'autant plus dangereux que cette contagion se répandroit avec autant de rapidité que les miasmes de la peste, et que la république des lettres en seroit bientôt infectée. Heureusement le ridicule nous préserve de cette maladie; il est cependant des hommes qui s'obstinent à vouloir l'introduire dans le sanctuaire des Muses, et de nos jours le nombre en est assez considérable; tant pis pour eux, ils en seront les premières victimes.

On pourroit encore établir quelques comparaisons assez piquantes entre la littérature moderne et celle du grand siècle. Mais qu'est-il besoin de tout dire, et quel est le littérateur de

nos jours qui se hasarderoit à présenter avec franchise à la postérité le tableau exact de ses défauts et de ses qualités? Il n'y a que les hommes supérieurs capables d'un semblable effort; cet effort Fléchier osa le faire, et la postérité n'a point rejeté cette image qu'il traça de ses propres mains. Cet homme vraiment homme, ce pieux ecclésiastique, cet éloquent écrivain mourut comme il avoit vécu, le 16 février 1710. Son visage calme et serein, au moment où il alloit comparoitre devant le tribunal de l'Être suprême, annonçoit la tranquillité de son âme. Et pourquoi auroit-elle été agitée? Il parcouroit en idée tous les instans de sa vie, et sa conscience étoit calme: il n'avoit fait que le bien. Quand Fénelon apprit la mort de ce grand homme : Hélas! dit-il, nous avons perdu notre maître cette seule exclamation d'un homme tel que l'archevêque de Cambrai vaut toute l'oraison funèbre de l'abbé de Jarry. Il faut même l'avouer, nous aurions dù la mettre en tête de la Notice et garder le silence. Elle peint mieux Fléchier que toutes nos dissertations.

ORAISON FUNÈBRE

DE MADAME JULIE LUCINE D'ANGENNES

DE RAMBOUILLET,

DUCHESSE DE MONTAUSIER, DAME D'HONNEUR DE LA REINE;

Prononcée en présence de madame l'abbesse de Saint-Étienne de Reims, et de madame l'abbesse d'Hière, ses sœurs, de l'abbaye d'Hière, le 2 janvier 1672.

dans l'églisc

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