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son instrument pour l'exécution de ses volontés en cet endroit, a un zèle qui ne peut rien oublier, et une prudence qui ne saurait jamais rien gåter, qui est tout ce qui se peut désirer en une si digne et si importante affaire.» Les éloges que le saint apôtre donne ainsi au baron de Luz sont d'autant plus remarquables qu'il n'était pas sans avoir à se plaindre de la sorte de mollesse avec laquelle cet officier exécutait les ordres du roi, et si l'on se rappelle la récente disgrâce du gouverneur de la Bourgogne, on y verra un témoignage exquis de la délicatesse de l'auteur de la lettre, qui s'efforce de le maintenir dans les bonnes gråces de Henri IV.

C'est aussi à cette époque (commencement du mois de novembre 1602) que le nouvel évêque écrivit au Pape Clément VIII, pour lui rendre compte des démarches faites par lui durant neuf mois de séjour à Paris, et lui annoncer la mort de l'évêque Claude de Granier, dont il exalte le mérite et le zėle. Notre province, disait le saint apôtre, ne pouvait faire une perte plus considérable... Il a gouverné cette Eglise pendant vingt-cinq ans, et il s'est montré scrupuleusement fidèle à la loi divine de la résidence. » Le prélat, en effet, n'était sorti de son diocèse qu'une seule fois pour aller voir le duc de Savoie à Chambéry, et encore son absence n'excéda pas deux ou trois jours. Il a ramené au bercail, poursuit François, vingt-cinq mille brebis errantes; sa religion, sa piété, ses mœurs, sa constance, retraçaient l'image des évêques de la primitive Eglise; il est digne de l'immortalité, et il mérite que sa mémoire soit universellement en bénédiction... Il ne me reste, ajoute-t-il en terminant, qu'à me jeter entièrement, moi et tout ce qui me concerne, entre les bras de la divine Providence, et à rendre à Votre Sainteté mes actions de grâces pour les immenses bienfaits dont votre munificence apostolique m'a comblé non-seulement en m'accordant l'épiscopat, mais encore en me faisant remise de tout ce qu'on a coutume de

Vie de Claude de Granier, page 293.

payer au trésor apostolique. Je ne puis faire autre chose pour tant de bienveillance, que de consacrer sans réserve ma volonté aux ordres et aux moindres signes de Votre Sainteté. Je supplie le Souverain Rémunérateur de vous conserver pendant de longues années dans une heureuse santé pour le bien de son Eglise. Prosterné très-humblement aux pieds sacrés de Votre Sainteté, j'attends la bénédiction apostolique, afin que la consécration épiscopale que je dois recevoir au plus tôt, soit plus profitable et plus consolante pour moi et pour mon troupeau.

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François étant retourné en Savoie vers le milieu de novembre voulut se préparer à son sacre par une sainte retraite, et c'est pourquoi, au lieu de regagner directement Annecy, il se rendit au château de Sales, où il reçut, dès les premiers jours de son arrivée, les lettres de congratulation des syndics et conseillers de la ville d'Annecy, des chanoines de la cathédrale, et des magistrats de la plupart des villes du diocèse. Aux chanoines qui, en leur qualité de ses anciens collègues, se réjouissaient particulièrement de sa promotion, il répondit que s'ils y trouvaient un sujet de joie, lui n'en trouvait que dans l'amitié qu'ils lui portaient : « Je me confie néanmoins en la bonté de Dieu, disait-il, laquelle ne nous défaut jamais ès choses nécessaires, qu'il me donnera la grâce de sa sainte assistance pour vous rendre tous les services que vous devez attendre de moi. »

Le 22 de ce même mois de novembre, il écrivit une longue et fort remarquable lettre à des religieuses de Paris, dont la communauté, située dans la rue Saint-Denis, appartenait à l'ordre de Fontevrault fondé par le bienheureux Robert d'Arbrisselles. Comme ces religieuses qui suivaient la règle de Saint-Benoit, occupaient un monastère qu'avaient précédemment habité des religieuses établies par saint Louis pour desservir un hôpital, lesquelles avaient reçu pour cette raison le nom de Filles-Dieu, elles héritèrent de leur nom. François de Sales, durant son séjour à Paris, était allé diverses fois dans cette maison, et il n'y avait rien remarqué qui lui parût repré

hensible. Plus tard il apprit de la bouche d'une personne bien informée de la situation intérieure de cette communauté, que plusieurs religieuses touchaient des pensions particulières qui leur servaient à se procurer sans nécessité une nourriture plus délicate, des habits meilleurs, tandis que des sœurs malades ou infirmes qui ne possédaient pas les mêmes ressources étaient privées des adoucissements que réclamait leur triste état; enfin que les récréations et conversations ne conservaient pas toujours cet esprit de modestie et de recueillement que doivent porter partout des personnes consacrées à Dieu. Les sentiments d'estime et de sympathie dont le saint apôtre s'était vu l'objet chez ces religieuses lui firent espérer qu'un avis de sa part concernant les abus signalés, serait reçu avec déférence. On voit dans sa lettre avec quelle prudence et quel tact il savait disposer les esprits à goùter des vérités qui pourraient piquer l'amour-propre.

Il débute par protester de son estime et de son affection pour leur maison, puis il démontre que les abus qui l'affligent sont absolument contraires à la perfection religieuse, et doivent être réformés et retranchés dès leur naissance, sous peine de les voir causer les plus grands maux en devenant incurables; que les pensions particulières étaient contraires au vœu de pauvreté et constituaient un abus que ne pouvait en aucune façon légitimer la permission de la supérieure. « C'est déjà un mauvais mot que celui de permission, ajoutet-il, parmi des personnes qui font profession de la vie parfaite. Il vaut mieux vivre sous la règle que d'avoir des exemptions sans nécessité, et bien souvent les supérieures permettent ce qu'elles ne peuvent empêcher, agissant ainsi comme Moïse, pour la dureté des cœurs 1... Les permissions n'entrent jamais que par grâce dans les monastères; mais y ayant pris pied, on les y voit demeurer par force, et elles n'en sortent que par rigueur... Peut-être, ajoute le saint apôtre,

4 MATTH. XIX, 8.

l'affection que vous ressentez pour votre maison vous portera à croire qu'elle n'a pas besoin de réforme; mais prenez garde, l'amour-propre est rusé, il se fourre partout, et nous fait accroire que ce n'est pas lui. L'amour vrai de nos maisons doit nous rendre jaloux de leur perfection réelle, et non de leur réputation seulement 1. Rien de si constant qui ne périsse; rien de si pur qui ne recueille à la fin quelque poussière. Votre maison est belle et vertueuse, mais la longueur des années a un peu altéré son teint: pourquoi ne lui redonneriez-vous pas ses couleurs par une sainte réforme? Peut-être m'objecterez-vous que votre maison a besoin de ces pensions, parce qu'elle est pauvre; moi, je dis, au contraire, que votre maison est pauvre parce qu'elle a ces pensions : la richesse des particuliers empêche celle du public; pauvres en particulier, vous seriez riches en commun. D'ailleurs, Dieu veut qu'on se fie en lui, chacun selon sa vocation; or, votre vocation est de vivre en communauté sans pensions particulières. Probablement d'autres vous ont déjà parlé de cette réforme, mais sans assez de ménagements, et vous ne les avez pas écoutés. Ne laissez pas pour cela de vous réformer le bon conseil doit être reçu trempé au fiel comme confit au miel. »

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Mais afin que ses reproches et ses conseils soient plus volontiers écoutés, le Saint sait les tempérer par l'éloge de ce qu'il a remarqué de bien. « J'estime votre charité si grande, dit-il, que vous ne mépriserez point mon avis, et crois que le bon Jésus ne m'a pas donné tant d'amour et de confiance en votre endroit, qu'il ne vous ait donné une affection réciproque de prendre en bonne part ce que je vous propose pour le service de votre maison, laquelle je prise et honore à l'égard de toute autre, et l'estime une des bonnes que j'ai vues. C'est

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1 On reconnaît que c'est ici, mais appliqué aux congrégations et asso

ciations, le même mot que saint François appli
après l'examen qu'il soutint devant le Souv
casion de sa promotion à la coadjutorer
nous sommes devant Dieu. >>

x hommes isolés à Rome, à l'oc

e ce que

cela qui m'a fait désirer qu'elle soit meilleure et parfaite. Il me fâche de voir de si grandes qualités, comme sont celles de votre maison, esclaves sous les menues imperfections, et, comme parle l'Ecriture, de voir votre vertu réduite en captivité, et votre beauté spirituelle entre les mains des ennemis. C'est pitié de voir une précieuse liqueur perdre son prix par le mélange d'une petite souillure, et un vin exquis par le mélange de l'eau. Ton vin, dit un prophète, est mêlé d'eau *. »

Nous ferons remarquer encore avec quelle délicatesse et quelle humilité il termine en se recommandant aux charitables prières des personnes à qui il s'adresse : « Je me promets l'assistance de vos oraisons pour toute ma vie, et plus particulièrement pour cette entrée que je fais en la laborieuse et dangereuse charge d'évêque, afin que prêchant le salut aux autres, je ne sois pas moi-même réprouvé 3. » Quels cœurs insensibles eussent repoussé un si touchant langage?

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CHAPITRE XI

Son sacre et son entrée solennelle à Annecy. Son zèle redouble dans l'exercice des fonctions épiscopales. Dispositions pastorales et liturgiques adoptées par le nouveau prélat. Ses AVIS AUX CONFESSEURS et le RITUEL. Le saint évêque vu dans son intérieur.

Cependant, François avait mandé au château de Sales le père Forrier, Jésuite de Thonon, car c'était sous la direction. de ce saint religieux qu'il voulait faire sa retraite de vingt jours qu'il commença le 23 novembre. Dans la vue de se purifier de plus en plus, il préluda par une confession générale; il sanctifia tout le temps de sa retraite par une continuelle prière, la pratique du jeune et d'autres exercices de

1 PSAL. LXXVII, 61.

ISA. II, 22.

1 COR. IX, 27.

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