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de grands sentiments de piété à Seyssel, le 14 décembre 1668. François fit ensuite une autre visite aux religieux de Talloires celle-ci avait pour objet la translation des reliques de saint Germain. Elles avaient reposé jusqu'alors dans la chapelle de l'ermitage où ce serviteur de Dieu avait fini ses jours; mais elles étaient dans un tombeau, au milieu de la nef, et François jugeait qu'un dépôt si précieux devait être placé dans le grand autel. En conséquence il avait invité le Père Nicolas de Coëx, prieur de Talloires, à faire, en réparant l'église, tous les préparatifs nécessaires pour cette translation. Tout étant disposé, il fit officier solennellement l'évêque de Chalcédoine qui bénit l'église et l'autel. Pour lui, pendant la cérémonie, il demeura immobile et ravi dans une délicieuse extase, près de l'ancienne châsse qui renfermait les reliques du saint. Il dit ensuite au Père de Coëx que depuis longtemps il n'avait éprouvé autant de consolations intérieures. Après la messe il ouvrit la châsse, montra au peuple les ossements sacrés, y fit toucher les chapelets qu'on lui présenta, et plaça ces reliques dans une nouvelle châsse fort bien ornée, garnie en dedans d'une riche étoffe de soie. Puis, les deux frères évêques, revêtus de leurs habits pontificaux, prirent sur leurs épaules ce saint fardeau, et le portèrent processionnellement autour de l'ermitage, dont il arrosait la terre de ses larmes continuelles. Enfin les reliques furent déposées sous l'autel, puis l'évêque de Genève montant en chaire, prononça sur l'honneur qu'on doit aux saints et à leurs reliques en général, et sur les vertus de saint Germain en particulier, un discours pathétique qui fit partager à son nombreux auditoire la ferveur et l'attendrissement dont son cœur débordait.

Après la cérémonie, il entretint en particulier le Père de Coëx: « Je suis plus résolu que jamais, lui dit-il, à laisser l'administration du diocèse à l'évêque de Chalcédoine et à me retirer ici, avec l'autorisation de nos princes. Hæc requies mea; hic habitabo, quoniam elegi cam 1. C'est ici le lieu de mon 1 PSAL. CXXXI, 14.

TOME II.

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repos; c'est ici que j'habiterai, parce que je l'ai choisi pour ma demeure. Puis, ouvrant une fenêtre du côté du nord, qui donnait sur le lac et la ville d'Annecy, et admirant la beauté du paysage, il ajouta : « Quelle perspective ravissante! il nous faudra laisser à notre coadjuteur le poids du jour et la chaleur, tandis qu'avec notre chapelet et notre plume, nous servirons ici Dieu et son Eglise. Voyez-vous, père prieur, ici les grandes et belles conceptions nous tomberont aussi dru et menu que les flocons de neige qui y tombent en hiver. » Et il le chargea de construire quelques cellules pour son habitation.

Outre la rédaction d'ouvrages utiles au bien des âmes, le saint prélat avait encore en vue l'éducation d'un de ses neveux, Charles-Auguste, fils de Louis de Sales. Ce neveu qui, comme il nous l'apprend lui-même, avait reçu la bénédiction de l'homme de Dieu dès le sein de sa mère, montra dès son âge le plus tendre les plus heureuses dispositions, et François le nommait son bien-aimé Jacob, parce qu'un accident causé par la négligence de sa nourrice l'avait rendu boiteux 1. Né le 1er janvier 1606, l'enfant perdit de bonne heure sa mère et son aïeule, Mme de Boisy, et le progrès de son éducation en fut un peu retardé, parce que son père détourné ailleurs par des occupations multipliées, se vit obligé de le confier à quelques domestiques vertueux. La mère de Chantal le prit en particulière affection, et lorsqu'il eut atteint l'âge de huit ans, elle dit à l'évêque de Genève qu'elle croyait le moment venu de lui faire apprendre le latin. Le jeune Charles-Auguste avait un penchant si prononcé pour l'étude qu'après s'être fait enseigner l'alphabet et donner les premières notions par une servante, il s'était appliqué à lire et relire sans cesse l'Introduction à la vie dévote, qu'il finit par savoir presque tout entière par cœur. Le prélat s'empressa de concerter avec son frère les moyens de cultiver cette plante qui promettait les plus beaux fruits, et Charles-Auguste fut confié à d'excellents maîtres sous lesquels il fit les plus rapides progrès dans la 'Jacob claudicabat pede. (GENES., XXVII, 28.)

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science et la piété, ce qui donnait une sainte joie au prélat : • Souvenez-vous, mon cher enfant, lui disait-il, que Dieu vous a choisi pour être un vase d'élection, et que si vous vous rendez fidèle à suivre son attrait, il vous emploiera beaucoup à son service. François s'étant bien assuré de la vocation de son neveu, lui conféra la tonsure avec la confirmation, le 14 mars 1620, et après la cérémonie, il dit au père du jeune homme « Si Dieu veut que Charles-Auguste, qui est votre fils par la nature et le mien par l'affection, vive longtemps, je désire verser dans sa tête tout ce que Dieu m'a fait la grâce de mettre dans la mienne. Que sa sainte volonté s'accomplisse sur cet enfant, qui est un enfant de choix et d'élection ! » Le zélé prélat s'affermit encore dans cette pensée lorsqu'il l'eut vu remplir, dans une tragédie de collége, le personnage d'un courtisan converti qui déplore le temps qu'il a perdu dans les vanités et les folies mondaines. Lui qui connaissait si bien le langage de l'âme, il avait reconnu dans les paroles de l'enfant l'accent de la conviction la plus intime : « En vérité, dit-il à ceux qui se trouvaient près de lui, mon neveu parle du fond du cœur, et montre qu'il est bien convaincu du néant des choses de ce monde. Le soir, il lui dit en le bénissant, que lorsqu'une fois on a eu le bonheur de se donner à Dieu, ce serait une action bien lâche et bien indigne d'un homme d'honneur de quitter son service pour quoi que ce fùt. Conformément à la promesse qu'il en avait faite à son frère, François prit Charles-Auguste auprès de lui, au commencement de l'an 1622, pour le former lui-même à la science des saints, et il se proposait de l'amener dans sa future retraite de Talloires. Hélas! le bonheur du disciple bien-aimé devait être de courte durée, car la mort allait, avant la fin de l'année, rompre tous ces desseins. Du moins l'élève resta constamment fidèle aux traditions de son glorieux maitre, à l'imitation duquel il convertit, et plusieurs fois au péril imminent de sa vie, un grand nombre d'hérétiques. On lui doit un récit détaillé de la vie de son saint oncle, et son travail, tout insuffisant qu'il soit devenu

pour nous, est encore aujourd'hui consulté avec fruit par les biographes et les historiens.

Ayant quitté l'abbaye, après le diner, le saint apôtre descendit à pied la montagne, sans vouloir se servir du cheval qu'on lui avait préparé, et, arrivé à l'église paroissiale de Talloires, il monta une seconde fois en chaire pour instruire le peuple sur le culte rendu aux saints dans tous les temps et sur le mode employé autrefois et de nos jours pour leur canonisation. Il termina son exhortation en recommandant au peuple une dévotion spéciale au saint anachorète dont on venait d'honorer les restes précieux. Depuis ce temps il s'est toujours fait un grand concours de peuple à l'ermitage et à l'église de Saint-Germain, surtout le lundi de Pâques, le jour de la Pentecôte et celui de la Toussaint.

François, traversant ensuite le lac, se rendit au bourg de Derée où résidait une dame avancée en âge, la baronne de Chevron. Dans un entretien avec cette dame, après quelques paroles sur la vanité du monde, il lui dit : « Madame, nous nous faisons vieux; c'est pourquoi il est temps de penser sérieusement à la vie future. Il est vrai, monseigneur, répondit la pieuse baronne, que je suis vieille, et qu'il ne me reste plus que de penser à mourir. Je suis âgée de 72 ans, et suis d'ailleurs fort inutile dans ce monde. Mais vous, monseigneur, vous êtes encore jeune; vous êtes nécessaire à l'Eglise, et Dieu vous conservera de longues années. Détrompez-vous, madame, repartit le saint apôtre, je partirai le premier, et vous ne tarderez pas à me suivre. » Ces paroles prophétiques s'accomplirent à la lettre.

Dès lors l'évêque de Genève commença à souffrir de grandes douleurs dans les jambes. Il ne laissa pas de se rendre à Thonon où l'appelaient des affaires importantes, et à son retour il passa au château de Brens en Chablais pour rendre visite à son cousin Gaspard de Sales de La Feuge. Mais il pouvait à peine se soutenir, et malgré le soin avec lequel il s'efforçait de maîtriser la douleur, car il souffrait aussi beaucoup de la

tète, de la poitrine et de l'estomac, on ne pouvait voir son air d'abattement sans compassion. «Je sens ici, disait-il en mettant la main sur sa poitrine, quelque chose qui me dit que je n'ai plus longtemps à vivre. Les habits qu'il portait sous sa soutane étaient presque tous déchirés : néanmoins il ne voulut point qu'on lui en fit d'autres pour l'hiver, sans doute en vue de sa mort prochaine. Il endura donc le froid pendant cette rigoureuse saison, satisfaisant ainsi son amour pour la mortification et la pauvreté, et se donnant par là le moyen de faire des aumônes plus abondantes dans un temps où l'on éprouva une véritable disette, parce que la récolte de l'année 1621 avait été très-mauvaise et que la Savoie était surchargée de troupes.

CHAPITRE XIV

Premières années de l'ordre de la Visitation. Les Lettres de saint François de Sales. Le livre des Entretiens spirituels.

Il est temps de revenir à sainte Chantal et de raconter la suite des travaux qu'elle entreprit de concert avec le saint évêque de Genève pour fonder l'ordre de la Visitation. Nous avons vu qu'avant de quitter Dijon à la fin de la station du carème de 1604, il avait fait connaitre à cette pieuse veuve le projet formé par Mme de Boisy sa mère de faire un pèlerinage à Saint-Claude, où la baronne souhaitait aussi de se rendre. Mme de Boisy ayant pris ses arrangements pour ce voyage, François, conformément à sa promesse, en donna avis à Mme de Chantal, qui partit aussitôt pour s'y trouver en même temps. que les illustres pèlerins. Elle y arriva le 21 août, en compagnie de la présidente Brulart, et y demeura jusqu'au 28. La baronne, dès le soir même de son arrivée, entretint à fond son directeur de ce qui s'était passé dans son âme depuis leur séparation. Le saint prélat, après avoir tout écouté avec la plus grande attention, la quitta, en l'exhortant à tout abandonner à Dieu, et il alla passer la nuit en prières. De grand matin, le lende

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