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chée à son hérésie. dans laquelle elle semblait s'obstiner d'une manière d'autant plus incurable qu'elle trouvait dans sa fausse science des arguments sophistiques qui lui semblaient plus convaincants que toutes les raisons des savants controversistes avec lesquels elle avait conféré. Mme de Perdrauville, c'était son nom, eut la curiosité d'entendre le prédicateur dont l'éloge retentissait partout, et elle se rendit le premier lundi du carême à son sermon. Le saint coadjuteur avait pris pour texte de son discours l'évangile de ce jour où se trouve décrit le jugement dernier. Il peignit avec des traits si persuasifs le bonheur de ceux qui seront à la droite et le malheur de ceux qui seront à la gauche, que l'opiniâtre calviniste ne put résister à l'émotion générale. Comprenant qu'une erreur dans le choix de sa religion l'exposait à un malheur irréparable, elle alla, après le sermon, trouver l'homme de Dieu, et lui exprima le désir de l'entendre exposer le faible et le faux des doctrines protestantes, ainsi que les preuves de la doctrine catholique. Le saint apôtre eut avec elle diverses conférences qui amenèrent non-seulement la conversion de Mme de Perdrauville, mais celle de toute sa famille. Il est à remarquer que le sermon qui fut la cause première de ces conversions ne contenait point un seul mot de controverse. Plus tard il rappelait ce fait comme une preuve que lorsque le cœur est touché, l'esprit est bientôt convaincu. « J'ai toujours cru depuis, écrivait longtemps après le saint apôtre, dans une lettre à Mme la baronne de Chantal, que qui prêche avec amour, prèche assez contre les hérétiques, quoiqu'il ne dise pas un seul mot de dispute contre eux 1. » L'adresse de François à prendre les hérétiques par le cœur était telle en effet que le célèbre Duperron disait de lui : « Dieu a donné à M. de Genève la clef des cœurs; quand il ne s'agira que de convaincre, amenez-moi tous les hérétiques, je réponds d'en venir à bout : mais s'il faut les convertir, menez-les à M. de Genève.

1 Lettre du 2 décembre 1609.

Ha

bert prétend, dans sa Vie du cardinal de Bérulle, que Duperron ajoutait «S'il faut les convaincre et les convertir tout ensemble, envoyez-les à M. de Bérulle. Ce dernier trait, dit l'abbé de Baudry, n'est rapporté que par ce seul biographe, et il ne nous paraît pas d'une autorité incontestable.

Mme de Perdrauville ne fut pas la seule prise dans les saints filets de ce nouveau pêcheur des âmes. Mme de Raconis, d'une des familles les plus distinguées de la capitale, étant venue, par le même motif qui poussa d'abord Mme de Perdrauville, c'est-à-dire par un simple mouvement de curiosité, entendre un sermon de l'homme de Dieu sur la gloire du Paradis et les peines de l'enfer, en fut si touchée qu'elle déclara que Dieu lui avait parlé par la voix du saint apôtre, et elle songea sérieusement à se convertir. Mais les combats qui se livrèrent dans son cœur entre les idées qui avaient été les siennes jusqu'alors et les sentiments nouveaux que la grâce lui suggérait, en l'incitant à abandonner les erreurs du calvinisme, l'agitèrent tellement qu'elle tomba malade. Ayant été informé de l'état de cette dame par la vénérable Mme Acarie, François se rendit à l'instant auprès d'elle, dissipa tous ses doutes et l'instruisit si bien elle et toute sa famille.que tous abjurèrent l'hérésie. De ses quatre filles deux se firent religieuses, l'une étant entrée dans l'ordre des Carmélites, l'autre dans celui des Récollettes. Son fils unique entra dans l'ordre des Capucins, et, après s'être signalé par son zèle pour la conversion des hérétiques, il mourut à Paris en 1650, laissant plusieurs ouvrages de controverse estimés 1.

Au nombre des personnes qui, attirées par la bonne odeur des vertus du zélé missionnaire, demandaient à lui parler, se trouva un Turc qui s'était fixé à Paris, et qui voulut l'entretenir sur le mystère de la très-sainte Trinité. François déféra

1 Charles-Auguste, liv. V, page 261; le père Philibert de Bonneville, chap. 10, page 100; l'abbé de Baudry, Mémoires manuscrits, année 1602.

à ce désir avec sa mansuétude ordinaire. Le musulman se retira si pleinement satisfait que tous ceux qui le connaissaient conjecturaient qu'il allait se convertir: on ignore s'il accomplit effectivement ce grand acte.

CHAPITRE VI

La bienheureuse Marie de l'Incarnation (Mme Acarie) prend l'apôtre du Chablais pour son confesseur.

Nous avons nommé tout à l'heure une illustre servante de Dieu, Mme Acarie, qui se fit plus tard carmélite, sous le nom de sœur Marie de l'Incarnation. Cette dame, qui était ellemême l'oracle et le conseil d'un grand nombre de personnes de piété, se confessa souvent au saint apôtre pendant les six mois qu'il passa à Paris, et elle apprit de la bouche de l'homme de Dieu un point de morale qui avait échappé jusqu'alors à son attention, à savoir, que les imperfections involontaires ne sont point des péchés, et ne peuvent donc fournir matière à l'absolution, qui ne peut s'appliquer qu'à des fautes commises de propos délibéré. Eclairée à cet égard, elle s'efforçait de trouver dans sa conduite quelque manquement auquel elle reconnaîtrait le caractère d'un péché véniel, et elle n'y pouvait parvenir. Elle se trouvait ainsi, chaque fois qu'elle voulait recevoir la grâce de l'absolution, dans l'heureuse nécessité de réitérer l'accusation de quelque faute ancienne 1.

François avait pour cette grande âme l'estime la plus profonde; il ne pouvait l'entendre parler de Dieu sans en éprouver un plaisir incomparable et sans se sentir de plus en plus le cœur embrasé du feu de l'amour divin. Aussi, quoiqu'il y eût plus d'une lieue de la rue Saint-Jacques, où il demeurait, jusqu'à la maison de Mme Acarie, il ne manqua jamais un

1 Entretiens spirituels de saint François de Sales, XXIIe entretien.

seul jour de franchir à pied cette distance, bravant la pluie et les boues de l'hiver, les chaleurs de l'été, pour aller chercher un nouvel accroissement de ferveur auprès de la sainte. Voici ce que raconte à ce sujet un des historiens les mieux informés de la vie de notre Saint: « Je lui demandai quelques mois avant qu'il mourût, dit le père Jean de Saint-François 1, s'il avait eu quelque connaissance particulière des grâces que Dieu communiquait à cette sainte âme, autres que celles dont les historiens de sa vie ont fait mention. Il me répondit que non, parce que, ajouta-t-il, lorsque j'approchais d'elle, elle m'inspirait un si grand respect pour sa vertu que je n'eus jamais la hardiesse de l'interroger sur ce qui se passait en elle, et je n'ai voulu savoir de son intérieur rien de plus que ce qu'elle a bien voulu me communiquer de son propre mouvement, sans aucune invitation de ma part; or certainement elle parlait plus volontiers de ses fautes que des grâces qu'elle recevait; et je ne la regardais pas comme ma pénitente, mais comme un vaisseau que le Saint-Esprit a consacré à son usage... Oh! que je me reproche de n'être pas entré plus avant dans la connaissance de ce que l'Esprit de Dieu opérait en elle, car elle m'eût volontiers communiqué toute son âme!... »

Les termes dans lesquels s'exprime le saint apôtre du Chablais en parlant dans ses lettres de la servante de Dieu témoignent quelles traces profondes avait laissées dans son cœur l'exemple d'une vertu si éminente: « Je ne pense jamais à votre bienheureuse mère, écrivait-il dix-huit ans plus tard à une carmélite, que je n'en ressente un grand profit spirituel.» Ayant reçu de M. de Marillac, en 1621, un portrait de la sœur Marie de l'Incarnation: « Je ne pouvais, lui répond-il en le remerciant de cet envoi, rien recevoir de plus agréable et de plus utile à mon âme, puisque d'un côté j'ai un amour si plein de révérence pour cette sainte personne, et de l'autre une si

1 Vie de saint François de Sales, par dom Jean de Saint-François, liv. II, pages 164, 165; Charles-Auguste, liv. V, pages 267, 268.

grande nécessité de renouveler souvent en mon esprit les pieuses affections que sa vue et sa très-sainte conversation ont excitées autrefois en moi 1... »

CHAPITRE VII

Nouveau trait de désintéressement. Louanges données à François par Henri IV. Le saint missionnaire prononce l'oraison funèbre du duc de Mercœur.

C'est au milieu de toutes ces saintes occupations que François de Sales acheva sa station de carême. La duchesse de Longueville lui fit porter, à titres d'honoraires, par son maîtred'hôtel, une bourse magnifique pleine d'écus d'or, en accompagnant ce don des paroles les plus obligeantes. Le saint missionnaire, aussi troublé de l'éloge que du présent, répondit au gentilhomme porteur du message: «Je vous prie de dire à madame la princesse que c'est moi qui suis son obligé, parce qu'elle m'a honoré dans cette circonstance bien au delà de mes mérites. Elle me trouvera toujours prêt à lui obéir, même dans les choses les plus difficiles; je suis seulement fâché de n'avoir pas répondu à ce que demandaient la dignité de l'auditoire et la célébrité de la chaire, mais il ne faut l'attribuer qu'à l'incapacité de mon esprit et à la rudesse de mon langage, et non point à ma diligence et à ma bonne volonté. Dites-lui que je la supplie de trouver bon que je n'accepte pas son présent, m'étant fait une loi de donner gratuitement ce que j'ai reçu gratuitement, et n'attendant d'autre récompense de mes travaux que celle qui est réservée dans le ciel à ceux qui cultivent la vigne du Seigneur 2. »

D

Cet acte de désintéressement augmenta encore la sympathie

1621.

Lettres de saint François de Sales, de janvier 1620, et du 24 avril

2 Charles-Auguste, liv. V, pages 261, 262; Maupas du Tour, page 175.

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