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loisir le baron sur le sujet de son voyage; et non-seulement le baron lui témoigna le profond intérêt que lui inspirait cette affaire, il lui remit encore des lettres de recommandation pour divers amis puissants qu'il avait à la cour, et une même pour le roi. François, muni de ces pièces, se remit en route pour Paris, où il arriva le 22 janvier 1602.

Le président Favre, qui avait accompagné François dans son voyage à Paris, était appelé dans cette ville par la duchesse de Nemours qui voulait lui commettre le soin de régler son testament. Il passa neuf mois, soit dans cette capitale, soit à Fontainebleau. Sa réputation l'avait devancé en France, et la cour et la ville lui firent l'accueil le plus distingué 1.

CHAPITRE IV

Il est conduit par le nonce à une audience d'Henri IV, et présente plusieurs mémoires au ministre Villeroy.

La première visite du saint apôtre du Chablais fut au nonce du Pape, à qui il demanda sa protection auprès du monarque, après lui avoir fait connaitre les intérêts religieux qui l'attiraient à Paris. Le nonce le conduisit lui-même à l'audience du roi, et François, après avoir complimenté ce prince, et lui avoir présenté les lettres de l'évêque de Genève et du baron de Luz, lui exposa avec autant de précision que de tact le sujet de sa mission. Le monarque l'écouta avec une bienveillance marquée, lui promit d'accorder tout ce qui serait conforme à la justice, et désigna, pour examiner l'affaire, le ministre Villeroy, qu'il chargea de lui en faire son rapport, après en avoir conféré avec le coadjuteur de Genève. Mais ce ministre, chez qui le nonce conduisit encore François, se montra

'L'abbé de Baudry, Mémoires manuscrits, année 1602.

beaucoup moins favorable que Henri IV aux vœux du saint apôtre il combattit toutes les raisons que celui-ci put alléguer, puis il conclut en demandant un mémoire développé des prétentions de l'évêque de Genève avec les raisons à l'appui. Le zélé négociateur s'occupa sur-le-champ de cette rédaction, et, peu de jours après, il remettait son mémoire au ministre 1. Ses demandes se réduisaient à deux, motivées sur le troisième article de l'édit de Nantes, et il protestait ne vouloir autre chose sinon qu'on appliquât au pays de Gex les dispositions en vigueur dans tout le royaume 2. Ainsi d'abord il réclamait le libre exercice de la religion catholique en tous les lieux de ce bailliage où le catholicisme était pratiqué librement avant les troubles enfantés par le schisme et l'hérésie. « Personne, observait-il, ne pourrait se plaindre qu'on accordât au pays de Gex la même liberté de conscience qu'à toutes les autres provinces du royaume. Il ne serait point raisonnable que les prétendus réformés de ce pays fussent plus respectés que les autres, et que ce seul coin du royaume de France fût excepté de la règle générale de l'édit. Tous traités faits dans un sens contraire ont été cassés par les guerres ultérieures, et

1 Cette pièce a été insérée dans la collection des Euvres du Saint, sous ce titre Requête de saint François de Sales au roi Henri IV, en faveur de la religion et du bailliage de Ger, tome IV de l'édit. Migne, p. 27.

2 Voici cet article : « Ordonnons que la religion catholique, apostolique, romaine, sera remise et rétablie en tous les lieux et endroits d'icelui notre royaume et pays de notre obéissance, où l'exercice d'icelle a été intermis, pour y être paisiblement et librement exercée sans aucun trouble ou empêchement; défendant expressément à toutes personnes, de quelque état, qualité et condition qu'elles soient, sur les peines que dessus, de ne troubler, molester ni inquiéter les ecclésiastiques en célébration du divin service, jouissance et perception des dìmes, fruits et revenus d leurs bénefices, et tous autres droits et devoirs qui leur appartiennent; et que ceux qui durant les troubles se sont emparés des églises, maisons, biens et revenus appartenants auxdits ecclésiastiques, et qui les détiennent et occupent, leur en délaissent l'entière possession et paisible jouissance, en tels droits, libertés et sûretés qu'ils avaient auparavant qu'ils en fussent dessaisis: défendant aussi très-expressément à ceux de ladite religion prétendue réformée de faire prêche, ni aucun exercice de ladite religion ès églises, maisons et habitations desdits ecclésiastiques. »

l'exercice de la religion catholique y était autorisé, il y a peu d'années encore. Le traité de Nyon le stipulait expressément; mais les Genevois supprimèrent la liberté de ce pays par une violation flagrante du traité. » En second lieu, le saint coadjuteur demandait que les biens ecclésiastiques du pays de Gex fussent restitués par ceux qui s'en étaient emparés, en exceptant soit les biens qui avaient été aliénés par les Bernois, et qu'il ne demandait à recouvrer qu'en rendant leurs déboursés aux acheteurs, soit les biens que la république de Genève s'était appropriés à titre de souveraineté, et qu'il ne réclamait pas, puisqu'ils n'étaient point sous l'obéissance du roi. Qu'est-ce qui pourrait empêcher cette restitution? continuait le saint négociateur; serait-ce la crainte de la révolte? mais la révolte est impossible, n'ayant point de chef pour la diriger, puisque la noblesse presque entière est catholique, outre qu'il n'y a point de forteresse qui puisse servir de retraite aux rebelles. Serait-ce la crainte des Bernois et des Genevois? mais qui osera dire que Sa Majesté très-chrétienne doive faire vivre ses peuples selon les lois qu'il plaira aux étrangers d'imaginer? Et sera-t-il dit que le roi de France craint les menaces des Suisses et des Genevois, de ces peuples qui n'ont pas osé remuer, lorsque le duc de Savoie rétablissait la vraie foi dans les bailliages du Chablais, de Ternier et de Gaillard? »

Villeroy répondit au saint apôtre que les deux demandes qui formaient la matière de sa requête nécessitaient une mûre réflexion, qu'il désirait beaucoup le succès des vœux de l'évèque de Genève, mais qu'il fallait éviter aussi de rendre odieux le gouvernement du roi; qu'il examinerait l'affaire avec le plus grand soin, et qu'il en ferait ensuite un rapport fidèle au monarque qui déciderait dans sa sagesse 1. Sans rien perdre de sa patience, le coadjuteur se remit à la tâche; pour corroborer le premier mémoire, il en écrivit de nouveaux, et

1 De Cambis, tome I, pages 392, 393.

TOME II.

présenta ainsi jusqu'à cinq mémoires, où rien de ce qui pouvait faire le plus ressortir la justice de sa cause n'était omis. Aux efforts multipliés de l'homme de Dieu, le président Favre unit les siens, et il appuya de tout son crédit la négociation qui se traitait. Cependant Villeroy persistait à montrer la même froideur, et les deux nobles amis s'en affligeaient, car ils savaient que tout le succès de l'affaire dépendait du ministre dont la puissance se fondait sur l'attachement du roi et les sympathies de l'opinion publique. C'est qu'en effet, quoiqu'il passât pour être assez étranger aux lettres, on le regardait comme un homme d'un si grand sens, qu'on l'excusait volontiers de n'avoir pas lu tous les traités relatifs aux théories politiques, et qu'on disait même de lui que c'était un grand dommage que la science de Villeroy'ne se trouvât point dans les livres. Henri IV, personnellement, le prisait tant qu'il disait souvent qu'il ne savait laquelle des deux vies, la sienne, ou celle de M. de Villeroy, était plus nécessaire au bien de l'Etat.

Tandis que l'affaire traînait ainsi en longueur, Henri IV partit pour Fontainebleau, afin d'y résider une partie de l'année, ce qui en recula encore le dénouement. Le saint apôtre, se voyant obligé de prolonger son séjour à Paris au delà de ses prévisions, voulut qu'au moins les loisirs qui lui étaient imposés fussent appliqués tout entiers aux soins du salut des âmes et à la propagation de la parole de Dieu.

CHAPITRE V

François prêche le carême au Louvre. Mesdames de Perdrauville et de Raconis abjurent entre ses mains l'hérésie calviniste. Un Turc sollicite de lui une entrevue.

Un des premiers soins de François à son arrivée à Paris avait été de rendre visite à la princesse Marie de Luxembourg

duchesse de Mercœur, dont la famille avait un attachement héréditaire pour la maison de Sales. Cette princesse, sincère admiratrice des travaux du saint apôtre, l'avait secondé de tout son crédit auprès des personnages influents avec qui il se mettait en rapport, et elle ne cessait de répéter en toutes rencontres les louanges du coadjuteur de Genève. Elle exaltait en lui le prélat incomparable, et « jamais on n'avait vu réunis tant de vertu et tant de talent dans un seul homme. » Sur ces entrefaites le prédicateur sur lequel on comptait pour prêcher la station du carême à la cour ayant fait défaut par une raison qui nous est inconnue, la duchesse de Longueville fut chargée par la reine Marie de Médicis de pourvoir à la chaire de la chapelle royale; elle pensa que ce ministère ne pouvait être mieux rempli que par le prélat dont la duchesse de Mercœur vantait tant les vertus aimables et le mérite éminent. N'étaitce pas la Providence elle-même qui lui désignait ce prédicateur comme l'homme qu'il fallait pour opposer les solides maximes du christianisme au luxe et à la licence des cours? Elle offrit donc la station du carême au saint apôtre qui l'accepta et s'acquitta de sa nouvelle fonction de manière à surpasser toutes les espérances qu'il avait fait concevoir1. Le prédicateur commença le mercredi des Cendres, 20 février, et, dès les premiers jours qui suivirent, la chapelle ne put suffire à contenir le nombre des auditeurs. Outre les princes et les courtisans, une foule d'ecclésiastiques et de docteurs de Sorbonne accouraient au pied de sa chaire, et ils ne pouvaient se lasser d'admirer l'éloquence pleine d'onction et de dignité avec laquelle il annonçait aux grands de la terre les vérités du ciel 2. Une foule de conversions opérées parmi les pécheurs comme dans les rangs des hérétiques acheva de démontrer que c'était l'Esprit de Dieu qui parlait par sa bouche.

Il y avait alors à Paris une calviniste, singulièrement atta

1 Charles-Auguste, liv. V, page 260.

L'abbé de Baudry, Mémoires manuscrits, année 1602.

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