Obrazy na stronie
PDF
ePub

sédaient des bibliothèques publiques, car Aulu-Gelle parle de la bibliothèque de Tibur. Quelquefois ces établissements étaient dus à la munificence de quelque particulier, comme la bibliothèque que Pline le Jeune fonda à Côme. « Vous avez vu, écrit-il à Pompeius Saturninus, le discours dont j'accompagnai la fondation que j'ai faite d'une bibliothèque en faveur de mes compatriotes. » Une inscription découverte à Milan, et publiée par Orelli, mentionne une somme de 100,000 sesterces (environ 25,000 francs), donnée par le même écrivain pour la réparation ou l'entretien de cette bibliothèque.

D'après un passage d'Aulu-Gelle, on peut conjecturer qu'il était permis aux personnes studieuses d'emprunter des livres aux bibliothèques publiques. « Pendant les ardeurs de l'été, dit-il, j'avais cherché un abri dans une maison, propriété d'un ami riche, dans la campagne de Tibur. Nous étions là réunis plusieurs amis du même âge et cultivant tous l'éloquence ou la philosophie. Nous avions avec nous un péripatéticien, homme excellent, très savant et singulièrement passionné pour Aristote. Nous buvions de l'eau de neige en grande quantité; il nous en empêchait, nous gourmandait, nous citait l'autorité des plus célèbres médecins, et surtout d'Aristote, qui savait tout... Comme cependant on ne discontinuait pàs de boire, il va à la Bibliothèque de Tibur, alors dans le temple d'Hercule, et assez bien fournie, il en tire un exemplaire d'Aristote et nous l'apporte... Nous y lumes en effet que l'eau de neige était une boisson très-malsaine1. »

Imitant l'exemple que leur avait donné Lucullus, les riches particuliers se faisaient une gloire d'amasser une

Nuits attiques, 1. XIX, c. v.

nombreuse bibliothèque, même quand leur ignorance les mettait hors d'état de s'en servir. C'est ce qu'on a vu se renouveler de nos jours. Le luxe des livres et des bibliothèques fut, sous les empereurs, poussé au plus haut degré et excita la bile de Sénèque, qui a écrit contre les bibliomanes de son siècle la boutade suivante : «Que me font, dit-il, ces livres innombrables, dont le maître pourrait à peine lire les titres s'il y consacrait toute sa vie? La quantité accable l'esprit et ne l'instruit pas; il vaut mieux s'attacher à un petit nombre d'auteurs que s'égarer avec des milliers. Alexandrie vit brûler quatre cent mille volumes, superbe monument de l'opulence des rois. Que d'autres le vantent avec Tite-Live, qui dit que ce fut une œuvre de goût et de sollicitude royale! Pour moi, je n'y vois ni goût ni sollicitude, mais un luxe scientifique. Que dis-je, scientifique? Ce n'était pas pour la science, c'était pour en faire parade qu'on rassembla ces collections. C'est ainsi que bien des gens qui n'ont pas même autant de littérature que les esclaves ont des livres, non comme objets d'études, mais pour en orner leurs salles à manger. Qu'on n'achète pas de livres plus qu'il n'en faut, jamais par ostentation. Mon argent, dis-tu, sera plus utilement employé à ces dépenses qu'en vases de Corinthe ou en tableaux. En toute chose, l'excès est un vice. Qu`y a-t-il donc qui te rende si indulgent pour un homme qui s'attache aux armoires de cèdre et d'ivoire, qui fait des collections d'auteurs inconnus ou méprisés, bâille au milieu de cette foule de livres, et n'apprécie, dans tous ces volumes, que le dos et les titres? Ainsi, c'est chez les hommes les plus paresseux que tu trouveras tout ce qu'il y a d'orateurs et d'historiens, et des rayons élevés jusqu'aux toits. Car aujourd'hui même, dans les bains, dans les thermes, on trouve une bibliothèque, orne

ment obligé de toute maison. Je le pardonnerais sans doute si cela venait d'un excès de zèle pour l'étude. Mais à présent on ne recherche ces beaux génies, on n'achète leurs œuvres admirables, ornées de leurs portraits, que pour la décoration et l'embellissement des murailles1. »

Souvent les ignorants propriétaires de ces riches collections gardaient précieusement pour eux seuls les trésors dont ils ne pouvaient faire aucun usage, et ils en refusaient la jouissance au public. « Tu n'as jamais prêté un livre à personne, s'écrie Lucien (en terminant sa satire contre l'ignorant), et tu ressembles au chien qui, couché dans l'écurie, empêche le cheval de toucher à l'orge, dont lui-même toutefois ne peut pas se nourrir. »

Au nombre des particuliers qui amassèrent des bibliothèques considérables, nous citerons Cicéron et son ami Atticus, Jules Martial, Pline le Jeune, Silius Italicus, le grammairien Épaphrodite, qui vint à Rome du temps de Senèque, et, au dire de Suidas, rassembla jusqu'à trente mille volumes de choix. Jules Capitolin raconte que Sérénus Sammonicus, précepteur de Gordien le Jeune, qu'il chérissait tendrement, légua à son élève sa bibliothèque, qui passait pour être composée de soixante-deux mille volumes.

Les anciens renfermaient leurs bibliothèques dans des armoires adossées aux murs, comme elles le sont habituellement chez nous, ou bien placées au milieu des salles, de façon que l'on pût tourner autour, dis

Senèque, De tranquilla anima, c. ix, traduction de la collection Dubochet.

* Suivant quelques commentateurs, Atticus exerçait la profession de libraire, et sa riche collection de livres, qui faisait tant envie à Cicéron, n'était qu'un fonds de librairie.

position qui subsiste encore dans les bibliothèques de quelques universités allemandes, ainsi que nous l'avons vu à Bonn. A Herculanum, au milieu d'un cabinet d'environ trente mètres carrés, où furent trouvés les manuscrits, il y avait une armoire isolée, et les murs étaient garnis d'autres armoires qui s'élevaient seulement à hauteur d'homme.

Ces armoires étaient souvent en bois précieux, avec des ornements en ivoire et en verre. Le marbre et même l'or étaient employés pour décorer les salles où elles étaient placées. « Les habiles architectes, dit Isidore de Séville, ne dorent pas les plafonds des bibliothèques, parce que l'éclat de l'or peut nuire aux yeux; ils les pavent en marbre vert, couleur qui est salutaire i la vue. »

Dans les bibliothèques un peu considérables, les armoires étaient numérotées et les livres catalogués. Nous avons déjà parlé des cases où l'on plaçait les volumes. « Les armoires destinées aux livres carrés, dit Géraud, renfermaient des rayons à rebord formant plusieurs étages de plans inclinés, sur lesquels les livres étaient placés à plat, à côté les uns des autres, occupant ainsi une place égale à leur largeur. Celle de leurs tablettes sur laquelle le titre était écrit se trouvait ordinairement en dessus, exposée aux yeux1. »

Pour décorer les bibliothèques, on y plaçait aussi les portraits et les statues des hommes célèbres. « Je ne dois pas, dit Pline l'Ancien, omettre ici une invention moderne. Depuis quelque temps, on consacre dans les bibliothèques, en or, en argent, ou du moins en airain,

Pour se former une idée exacte d'une bibliothèque chez les anciens, on peut voir les dessins donnés par Pancirol, dans la Notice des dignités de l'Empire, fol. 109 et 110, et par Schwarz, dans son traité De re libraria.

[ocr errors]

les bustes des grands hommes dont la voix immortelle retentit dans ces lieux; et même, quand leur image ne nous a pas été transmise, nos regrets y substituent les traits que notre imagination leur prête. C'est ce qui est arrivé pour Homère, et, certes, je ne conçois pas de plus grand bonheur pour un mortel que ce désir qu'éprouvent des hommes de tous les siècles de savoir quels ont été ses traits. L'usage dont je parle fut établi à Rome par Asinius Pollion, qui, le premier, ouvrant une bibliothèque publique, rendit le génie des grands hommes le patrimoine des nations. Je ne pourrais dire si les rois d'Alexandrie et de Pergame, qui se disputèrent la gloire de fonder des bibliothèques, n'ont pas fait la même chose avant nous'. »

Nous ne possédons que peu de renseignements sur les bibliothèques qui devaient exister dans les différentes parties de l'Orient. Nul doute pourtant qu'elles ne fussent très-considérables.

Au deuxième siècle avant Jésus-Christ, la bibliothèque de Ninive était célèbre, et Valarsès, roi d'Arménie, députa à cette époque, vers son frère Arsace, roi des Parthes, Maribas de Catinha, le plus ancien historien d'Arménie, qui, ayant obtenu la permission de fouiller dans les archives de Ninive, y trouva des manuscrits enlevés à l'Arménie, lorsque cette contrée avait été conquise par Alexandre le Grand. « Maribas, dit Moïse de Khoren, rencontra, en parcourant tous les livres, un certain volume écrit en grec, et qui, suivant lui, portait l'inscription suivante: « Ce livre a été traduit du «< chaldéen en grec par ordre d'Alexandre le Grand. Il << contient l'histoire des temps passés, commençant à Zé« ruane, Titane et Apetosthe, histoire où ces princes et

1 Hist. natur., 1. XXXV, c. 11, traduction de M. Guéroult.

« PoprzedniaDalej »