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IDYLLE. Lorsque Despréaux a peint l'idylle comme une bergère en habit de fête, il l'a parfaitement définie telle que nous la concevons. Une simplicité élégante en fait le caractère; et c'est par cette élégance, ennoblie, qu'elle se distingue de l'églogue.

Chaque genre de poésie a son hypothèse distincte ; et c'est ce qui en fait la différence. Or l'hypothèse de l'églogue et celle de l'idylle ne sont pas la même.

Dans des temps et parmi des peuples où l'excessive inégalité des conditions et des fortunes n'avait pas mis encore entre les hommes cette différence inhumaine, à laquelle il est impossible de réfléchir sans s'attrister; dans des climats surtout où la beauté du ciel, la fertilité de la terre, faisaient de la campagne le plus délicieux séjour; où, d'un côté, l'heureuse ignorance des besoins du luxe, et, de l'autre, la facilité à vivre dans l'aisance avec peu de peine et de soin, rapprochaient si fort l'état des bergers de celui des rois, que l'un touchait à l'autre; l'églogue et l'idylle n'avaient pas deux hypothèses différentes, et ne devaient pas avoir deux noms.

Est venu le temps où dans la poésie champêtre il a fallu, non-seulement distinguer l'idylle de l'églogue, mais l'une et l'autre du genre villageois.

Les vices et les ridicules du peuple de la ville transmis au peuple des campagnes; les astuces de l'intérêt, les sottises de l'amour-propre et de la vanité, les intrigues de la galanterie, les duperies réciproques, et dans tout cela les mœurs paysannes combinées avec les mœurs bourgeoises, font le comique de Dancourt: rien ne ressemble moins à l'innocence et à la simplicité pastorale ; et les modèles de ce comique, on les rencontre à chaque pas dans les environs de Paris.

Mais pour trouver le sujet d'une églogue, il faut aller plus loin; encore sont-ils rares partout; et quant aux sujets de l'idylle, il n'en existe qu'en idée. Celles des idylles de Gesner qui ont quelque vérité sont de simples églogues; celles qui ont le plus de noblesse et d'élégance n'ont de modèle dans aucun pays.

Dans les idylles de madame Deshoulières, la scène est au village; mais la femme sensible et tendre qui parle aux fleurs, aux ruisseaux, aux moutons, n'est pas une de nos bergères ; c'est la maîtresse du château.

L'idylle ne peut donc être prise que dans le système fabuleux ou romanesque. Ce sont les bergers de Tempé, ou des bords du Lignon, que l'on y met en scène ; c'est le langage de l'Aminte,

ou du Pastor fido, que parlent ces bergers; et dans ce système, l'idylle a son merveilleux comme l'épopée; car elle est d'un temps où non-seulement les rois, mais les dieux mêmes, daignaient vivre avec les bergers:

Habitarunt di quoque silvas,

Dardaniusque Paris.

C'est ainsi que l'idylle, comme nous l'entendons, sans cesser d'être simple, doit être noble et élégante.

Telle, aimable en son air, mais humble dans son style,
Doit éclater sans pompe une élégante idylle.

Elle ne mêle point des diamants à sa parure, mais elle a un chapeau de fleurs. Voyez ÉGLOGUE.

En peinture, Teniers a fait des scènes paysannes; Berghem, des églogues; le Poussin, des idylles; et pour exceller dans ce genre, il ne manquait à celui-ci que de peindre les paysages comme les Breugles et le Lorrain.

ILLUSION. Dans les arts d'imitation la vérité n'est rien, la vraisemblance est tout ; et nonseulement on ne leur demande la réalité, mais on ne veut pas même que la feinte en soit l'exacte ressemblance.

1

pas

Dans la tragédie, on a très-bien observé que l'illusion n'est pas complète. 1° Elle ne peut pas l'être; 2° elle ne doit pas l'être. Elle ne peut pas

l'être, parce qu'il est impossible de faire pleinement abstraction du lieu réel de la représentation théâtrale et de ses irrégularités. On a beau avoir l'imagination préoccupée, les yeux avertissent qu'on est à Paris, tandis que la scène est à Rome; et la preuve qu'on n'oublie jamais l'acteur dans le personnage qu'il représente, c'est que dans l'instant même où l'on est le plus ému, on s'écrie: Ah! que c'est bien joué! On sait donc que cen'est qu'un jeu : on n'applaudirait pointAuguste, c'est donc Brisard qu'on applaudit.

Mais quand, par une ressemblance parfaite, il serait possible de faire une pleine illusion, l'art devrait l'éviter, comme la sculpture l'évite en ne colorant pas le marbre, de peur de le rendre effrayant.

Il y a tel spectacle dont l'illusion tempérée est agréable; et dont l'illusion pleine serait révoltante ou péniblement douloureuse. Combien de personnes soutiennent le meurtre de Camille ou de Zaïre, et les convulsions d'Inès empoisonnée, qui n'auraient pas la force de soutenir la vue d'une querelle sanglante ou d'une simple agonie? Il est donc hors de doute que le plaisir du spectacle tragique tient à cette réflexion tacite et confuse, qui nous avertit que ce n'est qu'une feinte, et qui par là modère l'impression de la terreur et de la pitié.

Je sais bien que l'échafaud est la tragédie de la populace, et que des nations entières se sont

amusées de combats de gladiateurs; mais cet exercice de la sensibilité serait trop violent pour des ames qu'une société douce et voluptueuse amollit, et qui demandent des plaisirs délicats comme leurs organes.

Ce ne sera que lorsque l'habitude de ces plaisirs en aura émoussé le goût et que les ames seront blasées, qu'on sera obligé d'employer, comme des liqueurs fortes, des moyens violents de réveiller en elles une sensibilité presque éteinte et c'est peut-être ainsi que, par la continuité des jouissances et la satiété qui les suit un peuple poli se déprave et retourne à la barbarie.

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Quoi qu'il en soit, il y a deux choses à distinguer dans l'imitation tragique, la vérité absolue de l'exemple, et la ressemblance imparfaite de l'imitation. Orosmane, dans la fureur de sa jalousie, tue Zaïre, et l'instant d'après se tue luimême de désespoir : voilà l'illusion qui ne doit pas être complète. Un amour jaloux et furieux peut rendre féroce et barbare un homme naturellement bon, sensible et généreux : voilà la vérité dont rien ne nous détrompe, et dont l'impression nous reste, lors même que l'illusion a

cessé.

Dans le comique, rien ne répugne à une pleine illusion; et l'impression du ridicule n'a pas besoin d'être tempérée comme celle du pathétique. Mais si dans le comique même l'illu

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