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grâcieux et de tableaux terribles, de situations douces et de situations fortes, de scènes tendres et touchantes et de scènes passionnées, de clair et de sombre dans ses couleurs et dans ses tons, de pastoral et d'héroïque dans son action et dans ses caractères; qu'un genre susceptible d'un merveilleux décent et de fêtes bien amenées, est en même temps le plus favorable à la musique, et le plus susceptible de toutes les beautés que peut réunir un spectacle fait pour enchanter tous les sens. M. Piccini en a fait deux essais. On a contesté d'abord le succès d'Atys', celui de Roland est incontestable. (Celui d'Atys n'a pas été moins décidé à diverses reprises.) Et qu'avec son style enchanteur cet homme célèbre et ses pareils aient le courage de s'exercer dans le même genre, le temps décidera si ce n'est pas celui qui nous convient le mieux.

L'opéra ne s'est pas borné aux sujets tragiques et merveilleux. La galanterie noble, la pastorale, la bergerie, le comique, le bouffon même, sont embellis par la musique. Mais tout cela demande un naturel très animé; le mouvement en est la vie, la variété en fait le charme, le gracieux même doit être mêlé du vif et du piquant. Le comique surtout, par ses mouvements, ses saillies, ses traits naïfs, ses peintures vivantes, donne à la musique un jeu et un essor que les Italiens nous ont fait connaître, et dont, avant la Serva padrona, L'on ne se doutait point en France.

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Mais les arts connaissent-ils la différence des climats? leur patrie est par tout où l'on sait les goûter. Les beautés de l'opéra italien seront celles du nôtre quand nous le voudrons bien. Déjà, dans le comique, nous avons réussi : en élevant ce genre au-dessus du bouffon, nous en avons étendu la sphère. Il dépend de nous, en donnant à Quinault plus d'énergie et de mouvement dans les situations pathétiques, et des formes lyriques qu'il ne pouvait connaître, de faire de ses beaux poèmes l'objet de l'émulation des plus célèbres compositeurs. Laissons aux voix brillantes et légères que l'Italie admire, les ariettes qui, dans ses opéra, déparent les scènes les plus touchantes; et tâchons d'imiter ces accents si vrais, si sensibles, ces accords si simples et si expressifs, ces modulations dont le dessin est si pur et si beau, enfin ce chant, qui, pour émouvoir, n'a presque pas besoin d'être chanté, et qui, avec un clavecin et une voix faible, a le pouvoir d'arracher des larmes. Mais gardons-nous de renoncer à ce beau genre de Quinault: encourageons les jeunes poètes à l'accommoder au goût d'une musique dont il est si digne; et n'allons pas croire que, dans ce nouveau genre, le récitatif, quelque bien fait qu'il soit et de quelque harmonie que son expression soit soutenue, ait seul assez d'attraits et assez de charmes pour nous. La période musicale, le chant mélodieux, dessiné, arrondi, décrivant son cercle avec grâce, l'air enfin

une fois connu, fera partout, et dans tous les temps, les délices de l'oreille; et jamais des phrases tronquées, des mouvements rompus, des desseins avortés, un chant heurté ou mutilé ne satisfera pleinement. Les Italiens le disent, et l'on doit les en croire : l'excellence de la musique est dans le chant, et la mélodie en est l'âme.

A l'égard des fêtes et des danses, évitons avec soin de les amener sans raison et en dépit de la vraisemblance; mais gardons-nous aussi de les trop négliger et d'en dépouiller ce spectacle. Ce ne sera point au moment où la désolation régnera dans le lieu de la scène, que les Satyres et les Dryades viendront célébrer la fête du dieu Pan, comme dans l'opéra de Callirhoé ; ce ne sera point lorsqu'un amant furieux, courant à l'autel où l'on veut immoler sa maîtresse, dira:

Le bûcher brûle; et moi j'éteins sa flamme impie
Dans le sang du cruel qui veut vous immoler...
J'attaquerai vos Dieux, je briserai leur temple,
Dût leur ruine m'accabler.

ce ne sera point alors que les bergers des coteaux voisins viendront danser et chanter gaiement autour de celle qui doit être immolée. Mais les amants qui viendront s'enivrer à la fontaine de l'amour formeront par leurs danses un contraste agréable avec la douleur d'Angélique. Quinault, par un trait de sentiment, donne la leçon aux poètes, lorsque Renaud dit aux Plaisirs qui viennent le distraire de ses ennuis :

Allez, éloignez-vous de moi,

Doux Plaisirs, attendez qu'Armide vous ramène.

Ce créateur de la scène lyrique est encore celui qui a le mieux connu l'art d'amener les fêtes. La pastorale de Roland fut son chef-d'œuvre dans ce genre; et lorsque je remis au théâtre cet opéra charmant, j'eus grand soin de la conserver mais à la dernière répétition, une troupe de gens ameutés pour faire tomber cet essai de la musique italienne, cherchant dans le poème quelque endroit à reprendre, s'avisèrent de trouver ridicule la scène de la pastorale, et firent tant par leurs clameurs, que les directeurs effrayés vinrent me conjurer d'en retrancher ces vers de ⚫ situation que les cabaleurs attaquaient.

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Quand le festin fut prêt, il fallut les chercher.

BÉLISE.

Ils étaient enchantés dans ces belles retraites.

CORIDON.

On eut peine à les arracher

De ce lieu charmant où vous êtes.

ROLAND.

Où suis-je? juste ciel ! où suis-je, malheureux !

Je résistai long-temps, comme on peut croire; mais il fallut céder, pour ne pas entendre huer le lendemain ce qui avait fait les plaisirs de la cour de Louis XIV et l'admiration de Voltaire.

Je me permets ce petit détail, non-seulement pour me disculper de cette indigne mutilation, mais pour faire voir de quels juges les arts ont quelquefois le malheur de dépendre.

ORAISON FUNÈBRE. Le sentiment d'intérêt qui attache l'homme à l'opinion de la postérité, et qui le fait jouir d'avance du souvenir qui restera de lui quand il ne sera plus, l'émulation qu'inspirent aux vivants les éloges qu'on donne aux morts, et l'impression que font sur les ames de grands exemples retracés avec une vive éloquence, sont les principes d'utilité sur lesquels a été fondé dans tous les temps l'usage des oraisons funèbres: il fut institué chez les Grecs par Solon; chez les Romains, par Valérius Publicola.

L'éloge funèbre, en Égypte, était personnel

comme il le fut à Rome. Dans la Grèce il fut consacré à la gloire commune des citoyens qui avaient péri dans les combats pour la défense de la patrie. Cette institution le rendait en même temps plus pur, plus juste, et plus utile: plus pur, parce qu'il était exempt de l'adulation personnelle, à laquelle ne manque pas de donner lieu, même à l'égard des morts, la complaisance pour les vivants; plus juste, en ce qu'il embrassait tous ceux qui l'avaient mérité; plus utile, en ce que l'exemple de la vertu et de la gloire regardait tous les citoyens, et pouvait être également pour tous

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