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Souvent en s'attachant à des fantômes vains,
Notre raison séduite avec plaisir s'égare;
Elle-même jouit des plaisirs qu'elle a feints;
Et cette illusion pour quelque temps répare
Le défaut des vrais biens que la nature avare
N'a pas accordés aux humains.

Le bel-esprit doit s'abstenir surtout de lutter contre le génie.

INSINUATION. Tour d'éloquence qui consiste à présenter à l'auditoire, au lieu de l'objet qu'on se propose, et pour lequel on sait qu'il a de la répugnance ou de l'éloignement, un autre objet qui l'intéresse, et qui, par ses rapports avec l'objet dont il s'agit, dispose d'abord les esprits à ne pas en être blessés, et les amène insensiblement à le voir d'un œil favorable. Cicéron recommande cette méthode toutes les fois que celui qui est en cause, ou la cause elle-même, présente un aspect odieux. Insinuatione utendum est quum animus auditoris infensus est. Et il indique les moyens d'user d'insinuation. Si causæ turpitudo contrahit offensionem; aut pro eo homine in quo offenditur, alium hominem, qui diligitur interponi oportet, aut pro aut pro re in qua offenditur, aliam rem quæ probatur; aut pro re hominem, aut pro homine rem; ut, ab eo quod odit, ad id quod diligit auditoris animus traducatur. Par exemple, il s'agit d'un fils dont l'im

prudence et la témérité ont besoin d'indulgence, et dont la défense directe révolterait les juges : on parle des vertus et des services de son père, et on le peint accablé de douleur de l'égarement de son fils. Il s'agit d'une action odieuse et punissable qu'un homme de mérite a commise dans quelque malheureux moment: on commence par rappeler les actions louables qui ont honoré le reste de sa vie, et l'on demande comment il est possible qu'un caractère honnête, un heureux naturel se soit tout à coup démenti? Deinde, quum jam mitior factus erit auditor, ingredi pedetentim in defensionem, et dicere, ea quæ indignantur adversarii, tibi quoque indigna videri: deinde quum lenieris eum qui audiet, demonstrare nihil eorum ad te pertinere.

Ce n'est pas seulement dans l'exorde de ses harangues que Cicéron emploie cet artifice; il y revient quand il s'agit d'émouvoir, de gagner les juges et on le voit dans ses péroraisons, tantôt se présenter lui-même à la place de l'accusé (pro Sextio, pro Plancio); tantôt faire parler l'accusé à sa place (pro Milone); tantôt introduire à la place de l'accusé ses parents, ses amis sa femme, ses enfants (pro Flacco, pro Coelio, pro Murena), ou quelque personne sacrée, comme la vestale dans la péroraison du plaidoyer pour Fonteius; tantôt appeler à son secours le peuple, les chevaliers, les centurions, les soldats, dont l'accusé a mérité l'estime, comme dans la péro

raison du plaidoyer pour Milon, où il épuise toutes les ressources de l'éloquence pathétique. Voyez PÉRORAISON.

Le discours de Phénix à Achille pour l'adoucir, au neuvième livre de l'Iliade, est rempli d'insinuation sa propre histoire, les leçons de Pélée lorsqu'il lui confia son fils, l'aventure de Méléagre, l'allégorie des Prières, sont autant de détours pour arriver au même but.

L'insinuation s'emploie de même à rejeter sur l'adversaire ce que la cause a d'odieux, et à détourner d'une partie à l'autre l'indignation de l'auditoire. Mais il faut y mettre, dit le même orateur, beaucoup de prudence et d'adresse, faire semblant de ne vouloir que se justifier soimême, et n'attaquer qu'avec beaucoup de précaution ceux à qui l'auditoire paraît s'intéresser. Negare te quidquam de adversariis esse dicturum ; ut neque aperte lædas eos qui diliguntur, et tamen id obscure faciens, quoad possis, alienes ab eis auditorum voluntatem.

On voit par-là que les raffinements de l'art de nuire ne sont pas nouveaux ; et dans les oraisons de Cicéron, nos gens de cour pourraient euxmêmes en trouver des exemples dont ils seraient jaloux. Mais il n'y en a pas un, dans le plus insinuant des orateurs, qui approche de celui que nous en a donné Racine, dans la scène de Narcisse avec Néron, au quatrième acte de Britan

nicus.

INTÉRÊT. Affection de l'ame qui lui est chère et qui l'attache à son objet. Dans un récit, dans une peinture, dans une scène, dans un ouvrage d'esprit en général, c'est l'attrait de l'émotion qu'il nous cause, ou le plaisir que nous éprouvons à en être ému de curiosité, d'inquiétude, de crainte, de pitié, d'admiration, etc.

J'ai déjà distingué ailleurs l'intérêt de l'art, et celui de la chose.

L'art nous attache, ou par le plaisir de nous trouver nous-mêmes assez éclairés, assez sensibles pour en saisir les finesses, pour en admirer les beautés, ou par le plaisir de voir dans nos semblables ces talents, cette ame, ce génie, ce don de plaire, d'émouvoir, d'instruire, de persuader, etc. Ce plaisir augmente à mesure que l'art présente plus de difficultés, et suppose plus de talents. Mais il s'affaiblirait bientôt, s'il n'était pas soutenu par l'intérêt de la chose; et tout seul, il est trop léger pour valoir la peine qu'il donne. Le poète aura donc soin de choisir des sujets qui, par leur agrément ou leur utilité, soient dignes d'exercer son génie; sans quoi l'abus du talent changerait en un froid dédain ce premier mouvement de surprise et d'admiration que la difficulté vaincue aurait causé.

L'intérêt de la chose n'est pas moins relatif à l'amour de nous-même, que l'intérêt de l'art.

Élém. de Littér. III.

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Soit que la poésie, par exemple, prenne pour objets des êtres comme nous, doués d'intelligence et de sentiment, ou des êtres sans vie et sans ame, c'est toujours par une relation qui nous est personnelle que ce sentiment nous saisit. Il est seulement plus ou moins vif, selon que le rapport qu'il suppose, de l'objet à nous, est plus

ou moins direct et sensible.

Le rapport des objets avec nous-mêmes est de ressemblance ou d'influence: de ressemblance, par les qualités qui les rapprochent de notre condition; d'influence, par l'idée du bien ou du mal qui peut nous en arriver, et d'où naît le désir bu la crainte. J'ai fait voir, en parlant des mouvements du style et des moyens de l'animer, comment la poésie nous met partout en société avec nos semblables, en attribuant à tout ce qui peut avoir quelque apparence de sensibilité, une ame pareille à la nôtre. Il n'est donc pas difficile de concevoir par quelle ressemblance, deux jeunes arbrisseaux qui étendent leurs branches. pour les entrelacer, deux ruisseaux qui, par mille détours, cherchent la pente qui les rapproche, participent à l'intérét que nous inspirent deux amants. Qu'on se demande à soi-même d'où naît le plaisir délicat et vif que nous fait le tableau de la belle saison, lorsque la terre est en amour, comme disent si bien les laboureurs; que l'on se demande d'où naît l'impression de mélancolie que fait sur nous l'image de l'automne, lorsque

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