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berté d'incroyance que le savant parlant en son propre nom. Si l'Etat aujourd'hui ne professe aucune religion, il doit et veut les protéger toutes; s'il n'a plus le devoir de les affirmer, il a toujours celui de les respecter. Il ne pouvait permettre surtout qu'à propos d'un cours d'hébreu, cours uniquement linguistique, M. Renan s'attaquât aux croyances de l'immense majorité des Français.>>

XII

On ne peut pas mieux dire.

Après de telles paroles, M. Renan est expliqué. Toutes ses contradictions, toutes ses subtilités, tous ses doutes, toutes ses précautions, n'ont plus de secret pour nous.

Que ce philosophe, tout en affectant de nous prémunir contre la physiologie récente qui cherche à voir dans toute supériorité une folie et une maladie, nous dépeigne le Christ comme un pauvre homme ivre de mysticité;

Que ce raisonneur à double face, tout en refusant de s'associer avec franchise aux grossières interprétations de la science médicale des Lélut1, qui ne voient qu'hallucination et vertige dans tout ce qui les dépasse, — insinue néanmoins que Jésus fut un Macaire convaincu, un Mesmer de bonne foi, un malade à la façon de Mahomet (hysteria muscularis), ou plutôt un de ces médiums qui ne veulent faire parler les tables qu'à condition qu'on y croie;

1 On sait que l'infortuné docteur Lélut, collègue de M. Renan à l'Institut, est devenu fou lui-même, quoiqu'il ne fût pas un grand homme, à force de chercher dans l'organisation des grands hommes un principe de folie, un cas rédhibitoire.

Que ce fin politique, tout en cherchant à séparer en Jésus-Christ le fondateur de religion du simple thaumaturge, ménage assez habilement la chèvre et le chou pour donner à entendre aux esprits subtils qu'il y a eu dans les actes de Jésus une part de vérité, une part de mensonge et de fourberie pieuse;

Que ce froid analyste s'écrie à la fin d'un chapitre, probablement pour y placer ce point d'exclamation qui est l'étoile des Mages des écrivains sans style:

« Pouvoir divin de l'amour! moments sacrés où la passion d'une hallucinée donne au monde un Dieu ressuscité! >>

Que ce naturaliste empêtré d'idéalisme éclectique essaye de nous faire croire à son impartialité en nous invitant au respect des œuvres sublimes qu'il rabaisse ;

Que ce matois compagnon, fidèle à la méthode des esprits sans grandeur, s'applique à expliquer par des motifs vils ou médiocres les actions les plus hautes;

Rien de tout cela ne nous étonne, et nous n'y voyons

que

le signe manifeste du trouble profond dans lequel se débat sa pauvre âme.

Jésus-Christ l'a dit : « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi. » On ne peut pas en même temps croire et ne pas croire; on ne peut pas, en dehors et à côté de l'Eglise, fonder je ne sais quelle Eglise de beaux esprits.

M. Renan est de ces faux délicats pour qui la religion catholique, apostolique et romaine n'est pas assez belle. Il prétend constituer un petit cercle religieux de lettrés mystiques, une coterie de libres penseurs finassiers, gens acharnés à tout comprendre, à tout expliquer, et qui, en

définitive, ne parviennent à être maîtres ni de rien, ni d'eux-mêmes.

XIII

M. Renan est, à sa manière, un Messie, mais un Messie chinois. Il inaugure cette sagesse sénile que la folie de notre âge prétend substituer aux croyances les plus généreuses, aux plus nobles instincts de l'homme.

On ne peut pas refuser à ces gens-là une certaine puissance de dissolution. Quand ils auront tué toute naïveté et toute force; quand leur esprit et leurs maximes auront été inoculés au monde comme un chancre; quand, du sein de la société pourrie et décomposée, surgiront des milliers de sectes, des milliers de petites Eglises; lorsque les philosophes et les politiqueurs pulluleront comme les mouches dans une cuisine de collége, et que l'innombrable armée des pédants, organisée en mandarinats, aura conquis définitivement la puissance de rétrécir tout élan, d'opprimer tout héroisme, de persécuter ou de livrer au mépris les grandes âmes; lorsque le siècle, délivré à jamais de l'importune vision de Dieu, digérera, satisfait et repu, sa voluptueuse ignominie; alors tout sera dit, et nous aurons ici-bas le gouvernement des parleurs, des oisifs, des curieux, des commentateurs et des exégètes, en d'autres termes, le paradis de M. Sainte-Beuve, collègue de M. Renan à l'Institut.

XIV

Ne nous y trompons pas. Malgré ses regrets hypocrites, malgré l'habileté avec laquelle M. Renan se pose

en victime de notre étroitesse sociale, il ne se dissimule pas à lui-même qu'en interprétant avec sa dangereuse finesse la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il l'a signalé comme un homme d'une grandeur inquiétante. Et s'il se propose de le continuer, voire de le remplacer, il fait vœu de se faire pardonner son génie à force de politesse, de mesure, de discrétion. Il n'insultera pas les pharisiens; il respectera l'ordre; il sera plein de déférence pour les banquiers juifs et les saint-simoniens. C'est un novateur que M. Renan, mais un novateur prudent. Il se propose au Pouvoir comme un intermédiaire entre l'indiscrète âpreté de Jésus et le pharisaïsme officiel; il se révèle aux politiques comme un révolutionnaire conservateur, assez fin et assez savant pour faire prévaloir les ennemis de l'Eglise dans les conseils du gouvernement.

Eh bien le livre de M. Renan est sans valeur au point de vue de l'Eglise comme au point de vue de la Révolution.

C'est un livre de juste milieu qui aurait peut-être satisfait Louis-Philippe. Le temps a marché. Il faut être aujourd'hui croyant ou révolutionnaire. Souffler le chaud et le froid; chercher entre deux selles un centre de gravité chimérique; porter sur ses épaules la tête de l'âne de Buridan; c'est se perdre en voulant se sauver; c'est attirer sur soi le mépris de cette infaillible mino. rité qui se refuse encore à s'abaisser au niveau de la platitude universelle.

XV

Les lauriers des parvenus universitaires empêcheraient-ils M. Renan de dormir?

Eh bien! Renan, tu seras roi; tu seras mandarin à globule d'or; tu seras Kouang-Lou-Ta-Fou!

Cela suffit-il à ton ambition?

Mais il faut premièrement te faire des amis!

Et où donc M. Renan trouvera-t-il des amis? Ira-t-il les chercher parmi les athées? Hélas! les athées souriront de son mysticisme.

Ira-t-il les chercher parmi les croyants? Hélas! les croyants lui fermeront la porte au nez.

Ira-t-il chercher des amis parmi les éclectiques? Les éclectiques maintenant ont bien d'autres soins! Et puis ils n'aiment pas le scandale.

Ira-t-il chercher des amis dans les régions gouvernementales? Mais là plus qu'ailleurs on professe le respect de la religion révélée.

Où donc M. Renan trouvera-t-il des amis?...

Il en avait naguère, mais il les a scandalisés tous, même les plus tendres, témoin l'honnête, le pieux M. de Sacy.

En dépit de cette inviolable aménité qui, dans ses luttes pour l'Eglise, semble avoir été la règle de sa vie, M. de Sacy, troublé dans sa conscience de chrétien, violenté dans ses habitudes pacifiques, n'a pu s'empêcher de jeter cette parole éloquente, échappée à son indignation:

<<< Rien ne serait plus insoutenable, plus odieux, plus

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