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doit prévaloir dans notre intelligence comme dans les faits, c'est la doctrine la plus simple, la religion la plus simple. Le dogme de la Trinité étonne moins mon esprit que ce monstrueux galimatias d'Hegel proclamant l'identité de l'être et du non être.

Je ne comprends pas les saints mystères, mais je m'agenouille et je prie, et plus je crois, plus je suis fort. Je ne comprends pas davantage les inventions des philosophes, mais comme ils me parlent, non pas au nom d'un Dieu que je dois adorer, mais au nom d'un orgueil que je méprise, je fuis les philosophes, parce qu'au lieu de me consoler ils m'assomment.

La religion vivifie, la philosophie stérilise.

La religion satisfait les âmes les plus simples et les âmes les plus cultivées; la philosophie corrompt les habiles et trompe les simples.

La religion crée dans les âmes l'ordre, la lumière et la paix; la philosophie désorganise, obscurcit, et trouble tout ce qu'elle touche.

Si bien que, quand même la religion (Dieu me garde d'un tel blasphème!) ne serait qu'une conception purement humaine, je dirais encore:

Puisque tout est erreur, puisqu'il n'est pas donné à l'homme d'acquérir la pleine certitude, qu'il choisisse au moins, entre toutes les illusions humaines, la plus haute, la plus consolante, la plus féconde.

Mais non, l'erreur ne saurait être féconde. Puisque l'affirmation catholique ne s'est pas démentie depuis tant de siècles et qu'elle a répandu sur l'existence humaine le trésor de toutes les bénédictions et de toutes les fécondités, la religion catholique est d'institution divine; c'est

la main de Dieu éternellement tendue à l'homme; c'est l'humanité consolée, pacifiée, heureuse par la croyance et par la simplicité du cœur.

Orgueilleux pédagogues, rentrez en vous-mêmes. Si jamais il y a eu dans vos cœurs, car vous êtes hommes après tout, quelque intime tendresse, si l'on peut retrouver dans vos âmes desséchées la source des pleurs, soyez tendres, soyez touchés, soyez grands, soyez bons et forts; au lieu d'ergoter, de subtiliser sur l'a b c d des choses; au lieu de comparer laborieusement des textes promis aux rats et aux vers, vos rivaux en érudition, adorez et priez; ne passez pas le peu de temps que vous avez à vivre à remplacer la vaillance par la ruse!

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Votre sottise me confond; votre infatuation me fait horreur; votre orgueil me dégoûte; votre duplicité m'épouvante!...

V

M. Renan proclame que les maximes de Jésus sont saintes; que sa vie est la plus belle qui jamais ait été donnée en exemple au monde; que sa morale est le dernier mot de la sagesse, et après toutes ces adorations, toutes ces génuflexions hypocrites, il déclare que Jésus n'est pas Dieu. Sur quoi donc se fonderait désormais, si l'on écoutait M. Renan, l'autorité de ces paroles qui ont traversé les âges? On peut le dire sans hyperbole, la vénération de M. Renan pour la personne du Sauveur est plus qu'un blasphème, c'est une trahison, Grandir l'homme pour détrôner le Dieu; s'armer contre le divin maître de respects mille fois plus perfides et plus lâches que ne le

fut Pilate lui-même se lavant les mains dans le prétoire, c'est donner aux fidèles indignés une seconde représentation du baiser de Judas. Judas vendit son Dieu pour trente écus; oh! que n'avait-il une chaire, ou, à défaut d'une chaire, la plume aiguisée des rhéteurs! il aurait vendu Jésus en faisant un gros livre; il l'aurait livré aux bêtes par écrit, et au lieu de trente écus pour une parole murmurée à l'oreille des puissants, il aurait eu, en échange de cinq cents pages, vingt mille francs bien comptés !...... Ce que c'est que le progrès ! Tout se paie plus cher aujourd'hui.

M. Renan doute que Judas, son aïeul, se soit pendu. Il a mis au service de ce noir coquin deux ou trois de ces fameux « peut-être, » qui sont le stigmate et l'ulcère de son livre. Mais si la pendaison de Judas est, pour parler comme M. Renan, une simple légende, j'aime mieux la légende qui pend les fourbes, que la réalité qui les engraisse !...

VI

Non, quoi qu'en dise M. Renan, l'humanité ne gagne rien à voir diminuer, sous prétexte d'exactitude historique, ces figures augustes qui ont fondé sa gloire et prouvé sa grandeur. Le sens populaire, sur lequel M. Renan s'appuie d'une façon si étrange, met toutes choses à leur place. Il n'entend pas tant de finesses. Quand le peuple interprète les grands faits de l'histoire, il les ramène, en des formules simples, à leur plus haute signification; il les résume avec une autorité qui dépasse de beaucoup celle des professeurs. Il a sur eux la supériorité qu'aura toujours l'action sur le bavardage.

L'histoire de Dieu fait homme, racontée par ces évangélistes, que M. Renan accuse avec tant de hauteur, d'étroitesse ou d'inintelligence, parle bien autrement à nos âmes que cette ingénieuse, mais mortelle dissertation.

Qui ne se souvient de l'histoire de la Passion, si sublime et si entraînante dans le récit des évangélistes, si froide, si compassée, si terne dans le récit de M. Renan?...

La sécheresse et la dureté de cœur de ce philosophe sont révoltantes; pas un cri, pas une larme, pas un mot éloquent.

Par-ci, par-là, quelques morceaux d'une rhétorique flasque; morceaux qui me rappellent les « effets » appris et notés dans les écoles de cabotinage.

VII

Et pourtant cet homme s'est promené sur la terre sacrée; il a vu Gethsémani, il a vu Bethléem, il a vu Nazareth. Il a vu le lac où se sont posés les pieds de Jésus, ce ciel qu'il a montré aux hommes comme leur véritable patrie. Il pouvait en revenir apôtre et soldat de la foi; il est revenu comme il était parti, pauvre de cœur et riche de babil.

- << Chez nous, dit-il, avec une sagacité qui ressemble à l'éloquence comme le plaidoyer d'un méchant avocat ressemble à la Bible; «chez nous, le souffle de Dieu est enchaîné par les liens de fer d'une société mesquine et condamnée à une irrémédiable médiocrité. »

A qui la faute, M. Renan? La faute en est à vous et à vos pareils, dont toute l'œuvre pourrait se définir « la chasse aux grands hommes. >>

La critique moderne, à force de vouloir se rendre compte de tout, expliquer tout à elle-même et à son temps, n'aboutit qu'à réconcilier le vulgaire avec sa propre bassesse. Il vaut mieux dire « Jésus est Dieu,» que d'analyser ses actes et de pressurer ses paroles, dans le but très-médiocre de les rendre naturels, vraisemblables. Besogne impossible! Si habiles que soient les sophistes à fouiller les bouquins pour y déterrer des contradictions qui réjouissent leur orgueil; si rusées que soient leurs investigations; ils ne prévaudront pas contre la clarté que Dieu a mise dans les cœurs droits, dans les consciences pures.

VIII

Ni croyant, ni philosophe, ni religieux, ni athée avoué, voilà M. Renan!

C'était bien la peine de passer sa vie à tendre des piéges à la foi, à détruire en soi et dans les autres le sens du divin, pour arriver tout simplement à des négations qui n'ont même pas le prestige de l'audace et encore moins celui de la nouveauté!

Tout croire ou tout comprendre, voilà les deux termes de la sagesse humaine.

Or, qu'est-ce que M. Renan, qui, voulant nous empêcher de croire, ne nous fait rien comprendre? Les incrédules le trouvent naïf; les croyants le prendront en pitié. Ainsi, ridiculisé par les philosophes déterminés, méprisé par les esprits sincères, tel est désormais le lot de M. Renan. Heureusement qu'il n'est pas fier!

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