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mathématique car, loin d'exclure les causes finales, elle les admet et les réalise. En mathématiques appliquées, en mécanique par exemple, on aboutit d'ordinaire à des fins, par la méthode mathématique » (1). A cela nous répondons: En mathématiques, on ne démontre rien par les causes finales. Les mathématiques ne prouvent pas qu'il n'y a pas, ou qu'il ne peut pas y avoir de causes finales; mais pour elles, les causes finales n'existent pas. « Le caractère propre de la méthode mathématique, c'est en effet l'exclusion des causes finales, la considération unique des essences et de leurs propriétés » (2). Nous ne prétendons pas non plus que les mathématiques ou la géométrie ne tendent pas à une finalité ou n'aboutissent pas à des fins; bien au contraire car tout : ce qui existe a une cause efficiente et une cause finale; mais la méthode mathématique n'emploie ni la cause efficiente, ni la cause finale, comme source d'arguments; ce ne sont pas, selon la manière de voir mathématique, des éléments de preuve. C'est donc avec raison que saint Thomas d'Aquin dit : « Licet igitur ea, quæ sunt mathematica, habeant causam agentem (on peut dire la même chose pour la cause finale); non tamen secundum habitudinem quam habent ad causam agentem (vel finalem) cadunt sub consideratione mathematici. Et ideo in scientiis mathematicis non demonstratur aliquid per causam agentem (vel finalem) » (3). Or, si l'on se rappelle que pour Spinoza, le rationnel et l'ontologique sont identiques, que les éléments de preuve, selon la conception mathématique, sont les choses ellesmêmes, les choses réelles dans la nature, il est clair que les causes finales ne peuvent pas plus exister dans le monde, qu'elles ne servent à la démonstration mathématique.

L'emploi de cette méthode, chez Spinoza, rend la liberté impossible, et a pour conséquence le fatalisme absolu. Les conséquences mathématiques ont le caractère d'une stricte et incontestable nécessité, elles découlent des données fondamentales, avec une nécessité immuable. De sorte que (comme c'est le cas dans le système de Spinoza), si la conséquence mathématique, nécessaire, est en même temps le devenir et l'ordre des choses dans la nature,

(1) Op. cit., p. 373.

(2) BRUNSCHVICG, op. cit., p. 51.

(3) S. Theol., P. I, q. 44, a 1, ad 3.

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il ne peut être question, naturellement, de liberté. Aussi, selon Spinoza, tout ce qui arrive est nécessaire, tout de même que les angles du triangle sont nécessairement équivalents à deux droits. Voici d'ailleurs ses propres expressions : « In rerum natura nihil datur contingens, sed omnia ex necessitate divinæ naturæ determinata sunt ad certo modo existendum et operandum » (1). · Voluntas non potest vocari causa libera, sed tantum necessaria » (2). — « Quidquid concipimus in Dei potestate esse, id necessario est » (3). La conscience de la liberté n'est que le fruit de l'ignorance: « Ex his enim sequitur, quod homines se liberos esse opinantur, quandoquidem suarum volitionum suique appetitus sunt conscii, et de causis, a quibus disponuntur ad appetendum et volendum, quia earum sunt ignari, ne per somnium cogitant» (4).

La notion de la liberté présuppose les notions de cause efficiente, de cause finale, d'activité, de manifestation de force, et de disposition de soi; mais, par suite de la méthode mathématique, ces notions sont en dehors du système de Spinoza. Il n'existe que la conséquence mathématique et nécessaire : ce qui exclut la liberté, ce qui fonde le fatalisme. Les mathématiques ne connaissent que la cause formelle; par conséquent, les causes efficiente et for-melle étant rejetées, Dieu devient la cause formelle: d'où le panthéisme. Donc, si l'on dit que Spinoza a appliqué la méthode strictement mathématique à sa pensée philosophique, et qu'il est arrivé par là au panthéisme et au fatalisme, nous répondons : c'est là précisément qu'est la faute logique de ce philosophe; il n'est rien comme la méthode pour déterminer un système.

Il est vrai que si l'on fait de la méthode mathématique la méthode universelle des sciences, si l'on identifie la conception des mathématiques avec la pensée philosophique, alors la connexion des conséquences de la méthode mathématique devient la connexion et l'ordre des choses dans la nature; alors aussi l'on aboutit à des résultats pareils à ceux de Spinoza. Mais cette façon de procéder sous-entend un paralogisme logique,

(1) Eth. P. I. Prop. 29.
(2) Eth. P. I, Prop. 32.
(3) Eth. P. I, Prop. 35.
(4) Eth. P. I, Appendix.

une pétition de principe. On suppose simplement ce qui serait à prouver, et pompeusement, à l'aide de la méthode géométrique, on en déduit des propositions déjà contenues dans les prémisses. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le système de Spinoza est manqué, au point de vue de la logique formelle, et c'est bien le cas de dire avec Bacon: « Error est in digestione prima D.

La seconde partie de notre travail aura trait à l'application de la méthode géométrique dans le système de Spinoza.

Fr. LEO MICHEL, O. P.,

Professeur de Philosophie à l'Université de Fribourg.

LES ÉCRITS PHILOSOPHIQUES

DE DOMINICUS GUNDISSALINUS

Comme l'entrée en scène de Socrate divise l'histoire de la Philosophie grecque, ainsi le fait de la connaissance de l'ensemble des œuvres d'Aristote et des philosophes arabes en Occident divise l'histoire de la philosophie du moyen âge latin. Mais aussi, de même qu'on trouve chez les devanciers de Socrate les premiers linéaments des doctrines de Platon et d'Aristote, pareillement nous constatons au moyen âge une dépendance analogue entre le nouveau mouvement philosophique et son développement antérieur. En effet, on connaissait déjà alors non seulement les théories logiques d'Aristote contenues dans l'Organon, qu'on possédait dans sa forme originale; mais encore, et cela surtout par l'intermédiaire de Boëce, le plus important des idées d'Aristote en cosmologie, psychologie et métaphysique', bien qu'on les combattît partiellement. Pareillement encore, on était arrivé spontanément à bon nombre de théories déjà abordées par les néoplatoniciens et les aristotéliciens arabes, à raison d'une similitude de circonstances matérielles et littéraires. Les deux périodes de la philosophie latine du moyen âge ne sont donc pas séparées par une lacune. Elles ne se distinguent pas, par exemple, comme deux époques de civilisation dans un pays occupé successivement par deux peuples d'origine différente. Il existe, au contraire, des liens nombreux et persistants de développement inté– rieur qui rattachent une période à l'autre. Cependant tout en

accentuant cette dépendance trop souvent oubliée, nous ne devons pas méconnaître qu'avec l'accroissement des matériaux originaux, le caractère général de la philosophie médiévale devient tout autre. Le goût de la discussion des problèmes purement dialectiques passe alors au second plan. La philosophie de la nature et la psychologie ne se contentent plus de définitions verbales, souvent imaginaires, elles tendent à des exposés rigoureusement clairs et autant que possible par le procédé déductif. La métaphysique, qui jusqu'alors mérite plutôt le nom de philosophie spéculative de la foi, se constitue en science systématiquement rationnelle. Enfin, si nous constatons qu'au x siècle les directions intellectuelles diverses doivent leur caractère à la prédominance de l'influence de saint Augustin ou d'Aristote, ce changement au point de vue des groupements établit clairement l'importance de l'action exercée par le nouveau matériel littéraire dans le développement intellectuel de l'Occident.

Ce n'est donc pas une question sans intérêt que de se demander quel est l'auteur qui, le premier, a largement utilisé pour ses écrits les nouvelles sources scientifiques.

L'opinion courante dans les travaux d'histoire désigne particulièrement le célèbre évêque de Paris, Guillaume d'Auvergne, et place à côté de lui Alexandre de Hales. Cependant longtemps avant Guillaume, cette entreprise avait été tentée par un autenr qui jouit d'une certaine réputation comme traducteur, bien qu'elle ne soit pas incontestée, et dont l'œuvre philosophique est entièrement tombée dans l'oubli Il s'agit de Dominique Gundisalvi ou, selon la plupart des manuscrits, Gundissalinus (1), archidiacre de Ségovie, que nous trouvons à Tolède au temps de

(1) Au sujet du nom, cf. PAUL CORRENS, Die dem Boethius fälschlich zugeschriebene Abhanlundg des Dominicus Gundisalvi: De unitate, Münster, 1891. (Baeumker und von Hertling: Beiträe zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, I Heft, 31.

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