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ne dépend aucunement d'une telle hypothèse. Les êtres qui nous entourent ou bien naissent et périssent, ou bien n'ont pas en eux, quoique permanents, la raison suffisante de leur permanence. Leur nature, limitée, ne participant qu'une des modalités de l'être, ne le possède pas en propre et doit le recevoir d'autrui. Cet autrui ou bien est dans le même cas et nous oblige à remonter encore, ou bien est tel qu'il porte en soi la cause de sa nécessité et de son être, et c'est Dieu. J'abrège, mais l'on voit sans peine que le raisonnement en question est valable en toute hypothèse. Il ne s'occupe que du jour présent, et le passé, infini ou non, ne le trouble en rien. Il en est de même de la preuve dite par les degrés des êtres. De ce qu'il y a en ce monde du vrai, du bon, du parfait, et du plus ou du moins dans ces choses, on cherche à en conclure qu'il y a une suprême vérité, une suprême bonté, une perfection suprême. Quelle que soit la durée du monde, l'argument est de même valeur.

Enfin la preuve par la finalité manifeste, à l'égard de l'origine des temps, une égale indépendance. L'ordre du monde réclame un ordonnateur; la loi de progrès qu'on y constate ne peut être le fruit que d'une intention qui, incarnée dans les choses mêmes, sous la forme des propriétés et des lois, conduit l'univers au terme qu'une souveraine sagesse lui assigne. Que le progrès soit en ligne droite ou en cercle; que le monde ait commencé et doive finir, ou que son déroulement doive s'étendre, par vastes périodes toujours reprises, à travers l'infini des temps, il n'importe; la période que nous traversons suffit à l'argument; car elle fournit matière à une induction suffisante- l'idée d'un commencement n'y est donc pour rien.

Peut-être, ici, devrions-nous placer la preuve de saint Anselme; mais, malgré le génie de son auteur et tout ce qu'on a pu dire pour sa défense, nous ne pouvons y voir autre chose qu'un paralogisme. Et du reste, ceux qui se disent ses défenseurs n'auront aucune peine à accorder que moins que toute autre elle suppose la durée limitée du monde. Il ne reste donc que deux preuves, la preuve par le mouvement et la preuve par la cause efficiente, et la première pouvant être considérée

comme un cas particulier de la seconde, il suffira d'examiner cette dernière et de mettre en lumière ses vrais fondements.

La preuve par l'efficience est ainsi établie par les maîtres de la philosophie chrétienne. Nous constatons en ce monde des actions, des mouvements, des échanges de force et d'activité d'où résultent certains effets que nous attribuons à certaines causes. Et il y a un ordre entre ces causes, de sorte que tel effet devient à son tour une cause à l'égard d'un autre effet. Mais ce qui ne se rencontre point et ce qui est impossible, c'est qu'un être soit à lui-même sa cause; car il faudrait pour cela qu'il se précédât lui-même, je ne dis pas dans le temps, mais dans la possession de ce qui lui manque. Etre causé, en effet, c'est recevoir; causer, au contraire, c'est fournir; et il y a contradiction dans les termes à ce qu'un être qui doit recevoir soit en même temps et sous le même rapport en état de fournir. Et donc, tout être ou tout phénomène qui ne porte pas en soi la raison suffisante de son existence doit recevoir cette existence d'autrui. Cet autrui, s'il est dans le même cas, doit la recevoir d'un troisième et ainsi de suite. C'est la chaîne des êtres, qui se passent l'un à l'autre le bienfait de l'être et de l'activité.

Cette chaîne peut-elle être infinie ? En d'autres termes, l'existence d'un effet peut-elle dépendre actuellement d'une infinité de causes? Non. Car dans une série de causes, ordonnées et dépendantes l'une de l'autre dans leur exercice, c'est de la première que tout dépend; les intermédiaires ne sont que ses ministres. Quel que soit le nombre de ces intermédiaires, au point de vue où nous sommes, je puis les considérer comme ne faisant qu'un, et il n'y a au fond, dans ma série, que trois termes : A, la source de l'activité; B, l'intermédiaire, unique ou multiple; C, le résultat que produit cette activité. Multipliez B par l'infini: vous compliquez l'instrument, vous ne fabriquez pas une cause; vous allongez le canal, vous ne faites pas une source. Si A n'existe pas, B demeure impuissant et C ne saurait se produire, ou plutôt il n'y aura ni B ni C, c'est-à-dire que tout disparaît. Il faut donc supposer à la source de toute causalité une cause efficiente première, d'où dé– coule l'efficacité de toutes les autres. Cette cause première, nous l'appelons Dieu.

Il est facile de voir que la preuve ainsi construite ne s'appuie en aucune façon sur l'idée du commencement du monde. Que le monde ait commencé ou non, il s'y rencontre des effets qui dépendent de certaines causes, lesquelles, étant elles-mêmes dépendantes dans leur exercice même de cause, supposent l'intervention d'une cause nouvelle d'où leur influence dérive. Et, chose essentielle à remarquer, cette nouvelle cause, nous ne la recherchons pas dans le passé, nous la requérons dans le présent, ou plutôt nous ne nous occupons ni du passé ni du présent, nous ne considérons que la dépendance. Tel effet dépend de telle cause; cette cause à son tour, considérée comme telle, dépend d'une autre, et ainsi de suite. Et comme, pour la raison que nous venons de dire, on ne peut remonter ainsi à l'infini dans les causes qui dépendent l'une de l'autre, il faut arriver à une première cause qui est Dieu. Dieu est ainsi atteint non pas en remontant le cours des temps jusqu'au premier jour du monde, mais en interrogeant chacune des causes qui interviennent dans un effet donné, à partir de la cause prochaine jusqu'à la source première de toute causalité.

Prenons un exemple. Voici un animal. Qu'est-ce qui est cause de l'existence de cet animal? La question ainsi posée peut avoir un double sens. Ou bien il s'agit d'expliquer la venue dans l'être de l'animal en question, ou bien il s'agit d'expliquer son existence actuelle, autrement dit, sa permanence. Dans ce dernier cas, nous allons attribuer l'effet dont nous parlons à la constitution même de l'animal, à l'équilibre spécial et stable des susbtances qui le composent, sous la domination ou plutôt l'absorption complète de la forme vivante, l'âme. Telle est la cause prochaine du phénomène. Mais cette cause est elle-même un effet : car l'équilibre des substances qui composent l'animal et le jeu complexe de sa vie dépendent d'une foule de conditions extérieures : chaleur, pression, affinités, et une myriade d'autres difficiles à analyser, dont beaucoup sans doute sont inconnues, mais qui peuvent s'exprimer d'un mot les influences cosmiques. Or, si vous prenez à part chacune de ces influences, vous trouverez qu'elle est elle-même le résultat d'une série de causes ordonnées, et dépendant actuellement l'une de l'autre dans leur exercice, et cette série vous permettra de remonter, d'anneau en anneau, non pas dans le passé, mais dans le

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présent même, jusqu'à une source première de toute activité sans laquelle ni l'animal considéré, ni aucune des causes qui conditionnent son être ne sauraient subsister.

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Parlez-vous maintenant non plus de la permanence, mais de la venue au monde de notre animal? Le procédé est le même. Qu'est-ce qui est cause de ce devenir? C'est le générateur. Qu'est-ce qui est cause du générateur considéré comme tel, ou, en termes plus simples, qu'est-ce qui est cause de la génération par cet être ? C'est, d'une part, l'action propre de cet être ; c'est, d'autre part, la série d'influences que nous requérions tout à l'heure et qui est l'indispensable accompagnement de toute génération. Et, de nouveau, vous voilà mis en demeure, pour expliquer suffisamment soit l'action propre de l'animal, soit les influences extérieures qui se combinent avec elle, de remonter de cause en cause jusqu'à une première cause, actuellement en exercice, et dont l'influence explique tout.

Vous le voyez donc, la question des origines du monde n'est pour rien dans cette façon de présenter la preuve.

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Pour montrer Dieu, nous ne racontons pas l'histoire du passé, nous constatons le présent. Nous ne l'appelons pas comme un acteur destiné à ouvrir la scène du monde, nous le requérons comme l'anneau suprême auquel, aujourd'hui même, le monde est supendu; comme l'être premier, l'activité première d'où dérive, à toute heure. tout être et toute activité. Et, par conséquent, si l'on vient me dire Le monde a toujours existé, j'en conclurai simplement Dieu a toujours donné l'être au monde. Si l'on me dit: L'activité des êtres se déroule dans l'infini du temps, j'en conclurai Dieu éternel communique dès toujours l'énergie dont il est la source. Et ma preuve de Dieu subsiste tout entière; car ne prenant point son appui sur la nécessité d'un premier jour, elle n'a point à souffrir de ce qu'on recule jusqu'à l'infini ce point de départ prétendu des choses. Ce n'est pas dans le vide des temps qui ont précédé le monde que nous cherchons Dieu, c'est dans le jour présent, tout plein de sa richesse et des manifestations de

sa vie.

La démonstration que nous venons de fournir est-elle concluante ? Personne ne le nie, parmi les catholiques. J'omets à des

sein une jeune école, qui, plus généreuse dans ses tendances que bien informée peut-être en théologie, croit pouvoir faire peu de cas des démonstrations à base objective. On en reviendra, lorsque l'analyse troublante et peu sérieuse d'un Kant aura cessé de peser sur la pensée humaine. Quoi qu'il en soit, en tout respect je crois pouvoir dire que tout catholique sage et bien informé admet telle quelle la preuve de Dieu par l'efficience. Pourquoi donc ne pas la donner telle quelle ? La compliquer d'une idée dont la valeur est discutée, même entre catholiques, c'est l'affaiblir aux yeux de l'adversaire. Que sera-ce si cette idée est fausse, et si, par conséquent, elle est de nature non seulement à énerver, mais à détruire absolument la preuve ?

Or, c'est là ce que nous prétendons, et nous allons essayer de l'établir.

Reprenons l'exemple classique des générations successives. Le fils dépend du père, le père du grand-père, le grand-père de l'aïeul, et ainsi de suite. Or, dit-on, l'on ne peut ainsi remonter à l'infini, donc il faut un premier, et pour expliquer ce premier, il faut faire appel à une cause supérieure. Le point central de l'argument est bien toujours, ici, l'impossibilité de remonter à l'infini dans les causes; mais veuillez remarquer que le cas est très différent de celui que nous examinions tout à l'heure. Nous disions Il est impossible de remonter à l'infini dans les causes qui dépendent l'une de l'autre dans leur exercice; parce que l'influx dépensé par la dernière, n'ayant sa source ni en elle ni dans aucun des intermé-diaires, il faut en chercher l'origine dans une cause première et indépendante. Mais ici le raisonnement ne s'appplique plus. L'influx dépensé par le dernier générateur ne dépend pas du précédent considéré comme tel. Le fils dépend de son père dans son propre devenir; il n'en dépend déjà plus dans sa permanence, à plus forte raison n'en dépend-il pas dans les actes générateurs qu'à son tour il pourra produire. L'existence qu'il a reçue de son père est bien, en fait, la condition de sa paternité; elle n'en est pas le principe. Il est acidentel au père d'être fils, de sorte que la série ainsi construite le fils, le père, le grand-père, l'aïeul, n'est pas, à proprement parler, une série de causes. C'est une série d'êtres dont chacun est ou plutôt fut cause par rapport au suivant ; mais dont l'ensemble ne concourt pas à un même effet par la communica

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