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Littré, qui cite également cette explication, dans son grand dictionnaire, ne semble pas la recommander : il en donne une seconde qu'il qualifié de plus probable. Il insinue formellement la parenté de Helquin, chef de la Maisnie, avec les héros du théâtre de Guignol. « Hellequin, dit-il, Herlequin et même Arlequin, ne sont autre chose que l'Arlequin Italien » Voilà ce nous semble, une affirmation catégorique; mais, ajoute Littré, « pour qu'elle fût sûre, il faudrait des textes qui pûssent servir d'intermédiaire. »

En effet, comment légitimer l'application de ce nom d'Arlequin au personnage de la scène? On a donné plusieurs explications.

Le lecteur n'a pas oublié qu'Odin, après l'introduction du christianisme, est devenu, pour les populations du Nord, le Diable en personne, et la Maisnie d'Helquin, le cortégo de Satan. Arlequin est donc le démon : et Dante aurait fait allusion à cette tradition populaire en nommant le diable Alicino dans son poëme. C'est ce qui a fait penser à Littré, après Genin, que ce personnage mythologique, hantant les campagnes à grand bruit avec sa bande infernale ou maisnie, entra assez avant dans les idées populaires pour devenir un héros de comédie.

Ampère donne une autre interprétation: il cherche des analogies dans un détail du costume d'Arlequin. On sait qu'il porte un masque noir, et cela depuis son introduction sur la scène. Déjà, sur l'ancien théâtre italien, il avait la face noircie : vraisemblablement parce qu'un esclave africain fournit le premier type. Cette tradition se perpétua; et, de nos jours encore, le masque noir est de rigueur dans l'accoutrement d'Arlequin. Ampère croit y voir la raison de son nom. « C'est le visage noir du Bergamasque, dit-il, qui a fourni le motif de le baptiser ainsi. »

Ces arguments, on le voit, ne sont rien moins que probants; nous croyons d'ailleurs, avec Littré, que la parenté de l'Helquin mythologique et du personnage de comedie est jusqu'à présent difficile à démontrer avec une entière certitude. Il faudrait des textes et une tradition plus explicite à ce sujet : jusque là, toutes les raisons qu'on alléguera, fondées sur le plus ou moins de convenance du rapprochement, ne peuvent prétendre qu'à une degré plus ou moins grand de probabilité. C'est aussi la conclusion à laquelle nous nous arrêtons.

Exposer les résultats de la critique, indiquer sommairement l'état actuel de la question, et recueillir en faisceau les données éparses que nous avons pu glaner çà et là sur la matière, telle a été notre intention. Le lecteur, nous l'espérons, ne s'y sera point mépris, et ne nous accusera pas d'avoir déçu son attente en ne lui donnant pas davantage.

Nous serions satisfait, si nous avions pu lui montrer comment les usages, les jeux, les amusements populaires, en apparence les plus futiles et les plus vulgaires, se rattachent aux considérations les plus élevées de la science, aux conceptions religieuses les plus répandues et les plus anciennes de la race indoeuropéenne à laquelle nous appartenons.

J. V. D. G.

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ÉTUDE CRITIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE.

Feu Monseigneur Malou (1), de savante et vénérée mémoire, terminait par ces mots la préface de la troisième édition de ses Recherches historiques et critiques sur le véritable auteur du livre de l'Imitation de Jésus-Christ, le 14 avril 1858:

<< Maintenant la question est épuisée pour nous. Nous déposons la plume pour ne plus la reprendre. Dans la conclusion de notre opuscule, nous avons indiqué aux adversaires de notre pieux chanoine régulier, ce qui leur reste à faire pour triompher. La tâche est si rude, le succès si difficile, que nous abandonnons avec confiance au bon sens public, le soin de faire justice des efforts que l'on pourrait tenter encore contre les droits évidents de Thomas à Kempis. »

Le travail de l'érudit évêque de Bruges fit l'objet d'un compterendu fort détaillé dans l'une de nos meilleures revues. M. Charles Ruelens, dont on connaît les vastes connaissances bibliographiques (2), écrivait fort justement à ce propos :

« Le nom de l'auteur de l'Imitation est-il donc un de ces mystères comme il y en a beaucoup dans les profonds abîmes de l'histoire? Se présente-t-il pour revendiquer la paternité de cette œuvre immortelle plusieurs noms dont les droits sont égaux, comme jadis sept villes de la Grèce présentaient des titres équivalents en réclamant la gloire d'être la patrie d'Homère?

« Pas le moins de monde. Un nom était connu, s'appuyant sur toutes les bases qui constituent les vérités historiques, sur les té

(1) Il est mort le 23 mars 1864.

(2) N'oublions pas les sérieux travaux sur Thomas à Kempis, par Ch. Ruelens. Ainsi s'exprime Quérard: Les supercheries littéraires dévoilées, tome III.

moignages des contemporains, sur les documents écrits, sur les traditions les plus respectables. Pendant deux siècles, ce nom a été seul connu, seul admis dans le monde religieux, comme dans le monde littéraire. Nul n'avait songé pendant deux siècles à lui disputer la gloire de son œuvre. Quelques copistes, quelques imprimeurs avaient, il est vrai, inscrit d'autres noms sur les titres d'un petit nombre de manuscrits et de livres, mais les plus anciens codices comme les plus anciennes éditions, portaient invariablement le même nom. C'était celui de Thomas à Kempis.

« Pendant deux siècles, aucun écrivain, aucun biographe ne s'inscrivit en faux contre ce nom. Les attributions erronées, faites par les copistes et les typographes ignorants, n'avaient obtenu aucune faveur; elles étaient, au contraire, la meilleure constatation de l'auteur véritable: car chaque fois qu'elles se produisaient, elles étaient relevées par les savants à l'instant même (1). ».

Nous n'avons pas la prétention de croire que notre modeste travail mettra fin à une lutte qui date de l'année 1615. On pourra lire les péripéties de cette controverse non terminée, jusqu'à présent du moins, dans l'œuvre déjà citée de Monseigneur Malou.

Si nous avons restreint notre dissertation entre l'année 1858 et l'année courante 1876, c'est précisément pour reprendre la question au point où l'avait laissée le docte évêque de Bruges.

Pour lui, comme pour nous, Thomas Hamerken (2), né, en 1379, à Kempen, ville de l'archidiocèse de Cologne, chanoine régulier au Mont-Sainte-Agnès, monastère situé à une lieue de Zwolle, cheflieu de la province d'Over-Yssel, au royaume actuel des Pays-Bas, est l'auteur véritable de l'Imitation de Jésus-Christ.

Cette conclusion très-formelle est énergiquement combattue, nous le savons, par d'honorables et habiles adversaires.

Pour parer les coups qu'ils pourraient nous porter, nous ne voulons pas nous abriter exclusivement derrière Monseigneur Malou et nous servir de son livre comme d'un bouclier. Tout en recourant à cette publication hors ligne, où l'on n'a guère relevé que des inexactitudes de détail, nous utiliserons les nouveaux documents

(1) La Belgique, revue mensuelle.1858, tome 11, 584. Année 1859, t. I, 155. (2) Latinisé en Malleolus. Ecrire, comme on l'a fait, Hemercker, est ininelligible.

qui ont vu le jour depuis l'époque où l'évêque de Bruges a traité cette question à fond; nous signalerons, par la même occasion, les travaux de l'érudition contemporaine, durant les dix-huit dernières années de cette controverse d'histoire littéraire.

I

Thomas à Kempis a-t-il donc vu briller avec plus d'éclat la démonstration de ses droits à la paternité de l'Imitation de JésusChrist? Evidemment oui, dans notre humble manière de voir.

En posant la question de cette manière, nous nous séparons, dès le début, d'une opinion qui n'est pas sans avoir fait école. En 1853, M. de Sacy, entré depuis lors à l'Académie française, réédita la célèbre traduction de l'Imitation composée en 1621 par le chancelier Michel de Marillac.

Dans la préface qu'il mit en tête de ce volume, l'élégant académicien s'exprime en ces termes :

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Quant à la question de savoir, quel est le véritable auteur de l'Imitation de Jésus-Christ, je n'y entrerai pas: je n'en ai pas fait une étude assez sérieuse, et cette raison suffirait pour m'imposer le silence; mais je suis persuadé, de plus, qu'elle ne sera jamais résolue d'une manière qui ôte tout lieu au doute. C'est, il me semble, une des beautés morales de ce livre, que l'incertitude qui plane sur le nom de son auteur, quel qu'il soit. Au point de vue même littéraire, il est beau que l'Imitation de Jésus-Christ n'ait pas d'auteur certain. Il n'y a pas d'auteur à un livre comme celui-là. L'auteur, c'est l'humanité chrétienne tout entière... »

Arrêtons-nous, un instant, devant ces remarques plus littéraires qu'historiques d'une critique évidemment trop raffinée. Et l'Evangile donc! Le récit inspiré perd-il en beauté morale parce que nous en connaissons les auteurs, qui se nomment S. Matthieu, S. Luc, S. Marc, et S. Jean, l'apôtre chéri du Sauveur? Est-ce que, par hasard, M. de Sacy verrait l'Introduction à la vie dévote baisser dans son estime parce qu'il la sait l'œuvre incontestable du saint évêque de Genève, que le grand Vincent de Paul appelait l'image vivante de Jésus-Christ?

Franchement, de telles assertions ne sont pas sérieuses; cepen

dant les paradoxes, les témérités littéraires de M. de Sacy ont été répétés, dans le courant de l'année dernière, par deux écrivains célèbres à des titres divers: M. Louis Veuillot et M. Ernest Caro.

Qu'on nous permette, à ce propos, de rappeler un petit incident bibliographique, qui n'est pas étranger à notre sujet.

Deux librairies parisiennes publièrent, comme étrennes pour l'an 1875, la traduction de Michel de Marillac : l'une de ces éditions paraissait sous les auspices de la Société des Bibliophiles français avec une préface de M. Caro; l'autre, préparée par les soins de la maison Glady frères, avait pour parrain le rédacteur en chef de l'Univers. Cette dernière a une genèse qui ne manque pas d'un certain piquant.

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La Bibliographie de la France, 5 juin 1875, débitait l'annonce suivante :

«En préparation dans la même collection: IMITATION DE JÉSUS« CHRIST, préface par ALEXANDRE DUMAS FILS, de l'Académie fran< caise.

«La préface de M. Alexandre Dumas à l'Imitation de JésusChrist, sera incontestablement, et ce n'est pas trop préjuger du génie de l'illustre académicien, l'un des plus grands et des plus « curieux événements de ce siècle. »

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Les libraires avaient-ils trop préjugé de l'auteur de la Dame aux Camélias et d'autres œuvres de haute spiritualité? Nous ne savons mais le même journal de librairie publiait l'avis suivant, dans son numéro du 17 juillet :

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« AVIS TRÈS-IMPORTANT. Nous avons l'honneur d'annoncer au « public que M. ALEXANDRE DUMAS, qui a si brillamment inauguré << la collection de Galaup de Chasteuil, par son immortelle préface « de Manon Lescaut, cède aujourd'hui la parole, sur l'Imitation « de Jésus-Christ, à M. Lours VEUILLOT, l'éminent critique.

«La préface de l'Imitation de Jésus-Christ sera donc écrite par « Louis Veuillot... M. Louis Veuillot venant apporter l'autorité de < son nom et l'éclat de son immense talent à l'Imitation de Jésus

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Christ, c'est plus qu'on ne pourrait souhaiter; aussi pouvons-nous prédire hardiment à cette publication l'un des plus grands « succès de notre temps.

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