Obrazy na stronie
PDF
ePub

la mort sans aucune frayeur, la recevra comme un sommeil, ou plutôt comme une nouvelle vie, parce qu'il sera certain que ce ne sera pas lui, mais son supérieur, qui en cette dernière heure, rendra compte à Dieu de ses actions.

3o L'obéissance simple et aveugle nous fait acquérir le trésor inestimable de l'humilité, ou plutôt la vraie humilité de l'esprit qui ne peut se trouver que dans cette soumission parfaite. En effet, demander à son supérieur les raisons de ce qu'il commande, ce n'est pas agir avec lui comme son inférieur mais comme son égal; ne pas faire la chose parce qu'elle est commandée, mais parce qu'elle est raisonnable, et que l'on serait disposé à la faire de soi-même, ce serait juger et non pas obéir. Saint Jean Climaque rapporte que, dans le fameux monastère près d'Alexandrie, il avait demandé à des vieillards vénérables, couverts de cheveux blancs, qui avaient porté le joug de l'obéissance avec une admirable exactitude pendant l'espace de 50 ans, quel profit ils avaient retiré de cet exercice; plusieurs répondirent que, par ce moyen, ils étaient arrivés à l'humilité la plus entière, et que cette humilité les avait mis à l'abri de toutes les attaques et de toutes les tentations de leurs ennemis (1).

Le père Corneille Vishavée, homme d'une haute vertu et d'une profonde intelligence dans les choses spirituelles, avait coutume de dire, que le plus sûr moyen d'acquérir l'humilité parfaite était l'obéissance aveugle, qui, par des conduits souterrains et de petits sentiers cachés ainsi que ceux de la taupe, mène jusqu'aux plus secrètes racines et au centre de cette vertu.

L'obéissance aveugle vient à bout des choses les plus difficiles et même presque impossibles; nous en avons

(1) Gradu. 4.

déjà cité quelques exemples nous en ajouterons quelques

autres.

Saint Dorothée raconte, comme témoin oculaire, ce qui suit (1): Etant un jour avec l'abbé Séride, nous vîmes arriver un jeune Religieux disciple de ce grand et célèbre vieillard qui demeure vers Ascalon. Ce Religieux venait faire à Séride un message de la part de son abbé, avec ordre de retourner dès le même jour en son monastère. Tandis que ce Religieux était avec nous, une furieuse tempête accompagnée de tonnerres effroyables se forma subitement dans l'air; et la pluie tomba avec une si grande abondance que le torrent voisin fut bientôt débordé. Malgré cela ce bon Religieux, après avoir achevé son affaire, voulut partir pour obéir à l'ordre de son supérieur. Nous jugeâmes qu'il n'était pas à propos qu'il partit pendant l'orage, et nous le priâmes instamment de demeurer jusqu'à ce que le beau temps fût revenu et une partie des eaux écoulée. Nous remontrâmes qu'il était impossible de passer, et que vouloir l'entreprendre était s'exposer évidemment à la mort. Il n'en persista pas moins dans sa résolution, et nous ne pûmes en aucune manière le retenir. Le voyant ainsi résolu, nous l'accompagnames jusqu'au bord de la rivière espérant que, quand il la verrait si grosse et si rapide, il changerait d'avis et reviendrait avec nous. Nous ne fûmes pas plutôt arrivés au bord qu'il quitta ses habits, les lia sur son cou et se jeta à la nage sans craindre les vagues qui étaient fortes et violentes. La crainte de le voir périr nous faisait trembler sur la rive, mais il avait plus de courage que nous, nous le vîmes bientôt sur l'autre rive où, après s'être vêtu de ses habits, il demanda notre bénédiction et poursuivit son chemin en toute håte. Emerveillés de

(4) Instit. 1.

la force de cette obéissance, nous comprîmes que cette vertu l'avait fait traverser tous les dangers, tandis que la seule vue de son action nous avait remplis de frayeur.

La plupart des Religieux du monastère de Luxueil étaient grièvement malades; saint Columban leur commanda de se lever et d'aller à la cour pendant l'ardeur du soleil pour battre du blé. Quelques-uns, excités par le commandement de leur supérieur, et espérant plus leur guérison dans l'obéissance qu'en tout autre remède, se hâtèrent d'obéir; ils furent tous guéris. Ceux que le danger avait intimidés, et qui ne voulurent pas se lever, furent malades un an tout entier (1).

Jean, Religieux d'une haute vertu, fut envoyé par l'abbé Paul, son supérieur, dans un village voisin; Jean lui dit Mon Père, le bruit court qu'il y a dans ces parages une lionne furieuse, si elle vient à moi, que ferai je? Eh bien! mon frère, lui répondit l'abbé en riant, si elle vient à vous, vous la prendrez et vous l'amènerez. Jean part, et la lionne ne manqua pas de venir à lui, mais Jean, armé de son obéissance, s'avance hardiment et saisit ce terrible animal, qui bientôt se dégagea d'entre ses mains et prit la fuite. Jean se mit à sa poursuite en lui criant: arrête, arrête, mon supérieur m'a commandé de te prendre, de te lier et de t'amener à lui. A cette voix la lionne s'arrêta tout court, se laissa prendre et lier, suivit Jean comme un agneau qui l'amena en cet état à son supérieur. Celui-ci, effrayé de cette action, et voulant prévenir la vanité que Jean pourrait concevoir, lui dit: Mon frère, vous êtes bête comme cette bête de nous l'avoir ainsi amenée, déliez-la et renvoyez-la d'où elle vient; l'humble et obéissant disciple le fit aussitôt. Voilà ce que peut et ce que fait l'obéissance aveugle (2).

(1) In vita S. Columb.

(2) Apud Rosweyd. lib. 3. n. 27.

S V.

Qualités de l'obéissance.

Saint Ignace dit que la véritable obéissance doit avoir trois qualités : elle doit être entière, prompte et courageuse (1).

1o Elle doit être entière. Il faut faire tout ce que le supérieur commande où il n'y a pas de péché, et le faire exactement comme il le commande; il faut faire tout et ne négliger aucune des parties des ordres donnés de quelque manière qu'ils soient donnés, soit par paroles, soit par signes, à l'exemple des soldats et du serviteur du centenier de l'évangile qui allaient, venaient et faisaient tout ce qu'il leur disait (2). Les supérieurs commandent de deux manières : ou d'une manière expresse, ou par des avertissemens, des remontrances, ou une déclaration simple de leur volonté. L'obéissance s'étend à l'une et l'autre manière, avec cette différence cependant que, lorsqu'il y a commandement, elle oblige sous peine de péché ou mortel ou véniel, selon la qualité de la chose commandée ou l'intention du supérieur ; mais dans l'autre cas elle n'oblige pas avec tant de rigueur, parce que ce n'est pas un péché d'y manquer, pourvu qu'il n'y ait ni scandale ni mépris formel; ce sera néanmoins toujours une grande imperfection dans le Religieux, qui agirait alors comme ces chrétiens qui ne veulent rien faire pour Dieu et pour leur salut que ce qui est strictement commandé sous peine de péché. « Que « l'inférieur regarde comme une obéissance imparfaite

(1) 3. p. constit. c. 1. § 23. ej summ. constit. Reg. 31. (2) Matth. 8. 9.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

"

celle qui s'arrête à la stricte observation du vœu; l'obéissance parfaite ne connaît pas la loi, elle n'est point resserrée dans des bornes, elle a besoin de n'être « pas contrainte par les limites de la profession. Portée sur les ailes d'une volonté bien plus forte, elle prend « son essor et s'élève jusqu'à l'excellence de la charité; elle s'attache avec ardeur à tout ce qui lui est commandé, et par la vigueur d'un esprit généreux, elle donne au supérieur un pouvoir sans limites (1). C'est cette obéissance, continue le même Père, dont parle saint Pierre, quand il dit: Rendez vos ames pures par une obéisssance d'amour(2). L'apôtre la distingue par là de cette obéissance servile et paresseuse, qui n'est point mue par la charité, mais qui est esclave de la nécessité. C'est là l'obéissance du juste pour lequel il n'y a pas de loi, dit saint Paul (3); non que le vrai obéissant vive sans loi, mais il n'est pas esclave de la loi, parce que, par la ferveur de son esprit, il s'élève bien au-dessus de ce à quoi son vœu l'oblige (5). Saint Thomas expliquant ces paroles de saint Paul :

[ocr errors]
[ocr errors]

"

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

(1) Subjectus obedientiam quæ voti finibus cohibetur, noverit imperfectam; nam perfecta obedientia legem nescit, terminis non arctatur, neque contenta angustiis professionis, largiore voluntate fertur in altitudinem charitatis, et ad omne quod injungitur spontanea, vigore liberalis alacrisque animi, modum non considerans, in infinitam libertatem extenditur. Lib. de præc. et disp. c. 9.

(2) 1. Pet. 1. 22.

(3) 1. Tim. 1. 9.

(4) Ilæc est illa de qua signanter Apostolus Petrus, castificantes, inquit, corda vestra in obedientia charitatis: pulchrè ipsam per hoc sequestrans ab illa inerti et servili obedientia quodammodo, nec charitati prompta, sed obnoxia necessitati, hæc justi illius, cui lex non est posita, propria est; non quòd vel ille perfectus vivere debeat sine lege, sed quia non sit sub lege : minimè quippe contentus volo suæ cujuscumque professionis, quam superat animi devotione.

« PoprzedniaDalej »