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S II.

Des degrés de l'obéissance.

Saint Ignace, dans son excellente lettre sur l'obéissance, distingue trois degrés dans cette vertu : le premier, d'obéir extérieurement à la chose commandée, le second, de se conformer à la volonté du Seigneur, le troisième, de sacrifier son jugement à celui du supérieur, et pour la chose commandée et pour la manière de la faire (1).

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Le premier degré n'est rien par lui-même si on ne s'élève au second, c'est ce que nous fait comprendre saint Ignace par ces paroles : « Je désire que vous soyez bien persuadés de cette vérité et qu'elle soit profondément gravée dans vos esprits, que le degré d'obéissance qui ne se porte que sur l'exécution extérieure «de la chose commandée est bien imparfait, et qu'il ne «< mérite pas le nom de vertu, si on ne s'élève au second degré qui unit la volonté de l'inférieur à celle du supérieur, et qui fait que non seulement on obéit, mais

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« que l'on obéit de corps et d'affection, de manière que

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la volonté du supérieur et de l'inférieur n'en fasse qu'une (2).

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Nous devons conclure de tout cela que celui qui s'arrête au premier degré ne fait pas un acte de vertu agréable à Dieu et méritoire pour lui; qu'il n'accomplit pas la promesse qu'il a faite à Dieu d'accomplir son vœu, puisque l'action qu'il fait n'est par elle-même ni bonne ni vertueuse.

(1) Cap. 1. § 23.

(2) In ep. Obed. n. 5.

Il faut donc nécessairement nous élever au second degré de l'obéissance : unir notre volonté à celle du supérieur, prendre ses affections, vouloir ce qu'il veut et ne pas vouloir ce qu'il ne veut pas; n'avoir enfin plus de volonté. C'est pour cela que saint Jean Climaque appelle l'obéissance le sépulcre de la volontě (1).

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L'union de la volonté de l'inférieur à celle du supérieur est si nécessaire à l'obéissance que, comme nous l'avons dit, sans cela elle n'est ni agréable à Dieu, ni méritoire; il lui manque ce qui en fait tout le prix, c'est-à-dire le cœur. L'homme juste, dit David, repose son amour dans la loi de Dieu (2). Saint Ambroise ajoute : « C'est ce qui distingue l'homme juste de la bête; l'homme juste et « sage fait ce qu'on lui commande, non par nécessité, «< mais par sa pure et franche volonté. Tout le mérite « vient de la volonté, l'obéissance de nécessité n'est rien; c'est pour cela que l'apôtre dit : » Si je prêche l'évangile de bon cœur, j'en aurai la récompense; mais si c'est à regret, je m'acquitte seulement de l'emploi qui m'a été confié (3), je n'ai pas de mérite.

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Toute la loi de Dieu, ajoute saint Bernard, commence par la volonté et l'amour vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, car la loi n'est pas observée, si elle n'est pas aimée. Mon ame a gardé vos préceptes, dit David (4), elle les a aimés d'un amour ar

(1) Gradu 4.

(2) In lege Domini voluntas ejus. Psalm. 1. 2.

(3) In quo definitio beati viri à pecude discernitur, quia vir sapiens subditus est voluntate, non necessitate : plurimùm enim refert, quia in voluntate mercedis est fructus, in necessitate dispensationis obsequium ita enim docuit Apostolus, si volens hoc ago, mercedem habeo; si invitus, dispensatio est mihi. 1. Cor. 9. 17.

(4) Custodivit anima mea testimonia tua, et dilexit ea vehementer. Psalm. 118. 167.

dent. Et notre Seigneur disait : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole (1).

C'est cette franche volonté et cet amour qui allègent le joug de l'obéissance, et qui rendent aisées les choses qui seraient par elles-mêmes difficiles. Celui qui fait de bon cœur la chose qui lui est commandée, dit Sénèque, adoucit tout ce qu'il y a de plus amer dans la servitude, c'est-à-dire de faire ce qu'on ne veut pas faire. Ce n'est pas une peine de faire une chose parce qu'elle est commandée, mais de la faire malgré soi (2).

Pour accomplir son vœu d'obéissance, le religieux renoncera donc à sa volonté, il en fera un généreux sacrifice à Dieu en la soumettant à celle de son supérieur. Souvent on se trompe, comme le remarque saint Ignace (3); il en est qui se soumettent volontiers à leur supérieur, quand il commande des choses au-dessus de la nature et qui sont évidemment utiles à leur avancement et à leur salut; mais ils ont grand peine à obéir quand il est question de leurs exercices de piété, du retranchement de quelques jeûnes, de quelques oraisons, de quelques pénitences. Ecoutons ce que dit l'abbé Daniel sur ce sujet dans Cassien. C'est une même désobéissance de s'appliquer au travail ou de se reposer, si on transgresse le commandement du supérieur; il est aussi nuisible à une communauté de veiller que de dormir, de lire ou de se livrer au repos, quand on manque à l'obéissance (4). Saint Ignace nous dit : L'action de Marthe

(1) Si quis diligit me, sermonem meum servabit. Joan. 14. 23. (2) Qui imperia libens excipit, partem acerbissimam servitutis effugit, scilicet, facere quod nolis; non qui jussus aliquid facit, miser est; sed qui invitus facit. Epist. 61.

(3) In epist. cit. obed. n. 6.

(4) Unum sanè et idem inobedientiæ genus est vel propter operationis instantiam, vel propter otii desiderium senioris violare manda

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était sainte, la contemplation de Magdeleine était sainte, mais tout cela devait se faire en Béthanie: c'est-à-dire dans la maison d'obéissance. « Ce ne sont pas les bonnes « actions extérieures, dit saint Bernard, ce n'est pas le repos d'une simple contemplation, ce ne sont pas les « larmes de la pénitence, répandues hors de Béthanie, « de la maison d'obéissance qui sont agréables à celui qui a pratiqué cette vertu à un si haut degré qu'il a mieux aimé perdre la vie que cette vertu, et qui s'est ⚫ rendu obéissant à son père jusqu'à souffrir la « mort (1). » Pour ne pas se laisser entraîner par cette tromperie du démon, il faut se rappeler le jeûne des juifs dont parle Isaïe: vous avez suivi vos caprices dans vos jours de jeûnes (2); ils ne vous serviront à rien. Souvent le démon se transfigure en ange de lumière, et se sert pour nous séduire du beau prétexte de la dévotion et d'une haute vertu.

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Il en est qui, voulant obtenir quelque chose du supérieur, et craignant d'être refusés, s'efforcent, par toutes sortes de petits moyens, de faire plier la volonté du supérieur; c'est évidemment l'effet d'un esprit aveuglé par l'amour de lui-même. « Quiconque, dit saint Bernard, cherche, soit ouvertement, soit clandestine«ment, à porter son Père spirituel à lui commander ce qu'il veut ou ce qu'il désire, se trompe s'il croit être

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tum; tamque dispendiosum est pro somno, quàm pro vigilantia monasterii statuta convellere. Tantum denique est Abbatis transire præceptum ut legas, quantùm si contemnas ut dormias. Collat. 4. c. 20.

(1) Quòd nec studium bonæ actionis, nec otium sanctæ contemplationis, nec lacrymæ pœnitentis extra Bethaniam accepta esse potuerunt illi, qui tantam habuit obedientiam, ut vitam quàm ipsam perdere maluerit, factus obediens patri usque ad mortem. Serm. ad mil. Templi cap. 13.

(2) In die jejunii vestri invenitur voluntas vestra. Isai. 58, 3.

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obéissant; il n'obéit pas au supérieur, c'est le supé«rieur qui obéit (1). »

D'autres, prévoyant que le supérieur leur commandera quelque chose à laquelle ils repugnent, cherchent tous les moyens, emploient tous les artifices pour ne pas obéir; ils se cachent, s'excusent, feignent d'avoir d'autres occupations qui leur empêchent de faire ce qu'on leur commande, ou, s'ils sont absolument obligés de le faire, ce n'est qu'avec peine et comme par force.

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Evitons tout cela, immolons notre volonté, présentons-nous devant le Seigneur, et disons-lui comme saint Paul Seigneur, que voulez-vous que je fasse (2)? Quelle profondeur renfermée dans ce peu de paroles, s'écrie saint Bernard, tout est vie, tout est efficace, << tout doit être reçu avec affection et ardeur (3). » Mais qu'il est peu de personnes qui portent l'obéissance jusqu'à ce point, qui ne demandent pas ce qu'elles veulent, mais ce que Dieu veut, et qui disent en tout: Seigneur, que voulez-vous que je fasse. Hélas! il n'en est que trop qui imitent l'aveugle de l'évangile à qui notre Seigneur dit: Que voulez-vous que je vous fasse. Le nouvel apôtre répond: Seigneur, que me commanderez-vous, que voulez-vous que je fasse (4)? Le pauvre homme était véritablement aveugle, il ne comprenait pas ce que notre Seigneur lui disait, ces paroles que voulez-vous que je

(1) Quisquis vel apertè vel occultè satagit, ut quod habet in voluntate, hoc ei spiritualis Pater injungat, ipse se seducit, si forte sibi quasi de obedientia blandiatur ; neque enim in ea re ipse Prælato, sed magis ei Prælatus obedit. Serm. de treb. ord. eccl.

(2) Domine, quid me vis facere? Act. 9. 6.

(3) O verbum breve? sed plenum, sed vivum, sed efficax, sed dignum omni acceptione? Serm. 1. in Conv. S. Pauli.

(4) Heu! plures habemus Evangelici illius cæci, quàm novi Apostoli imitatores, quid vis, ut faciam tibi? Luc. 18. 41.

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