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qui leur donnent la vigueur et le mouvement. Si les règles ne sont pas observées, l'ordre ne peut avoir du mouvement que pour le mal. Otez les colonnes et les soutiens d'un édifice, il tombera infailliblement en ruine. L'expérience lamentable de tant de Communautés religieuses ne nous le fait malheureusement que trop comprendre. Tant qu'elles ont mis tout leur soin à observer strictement toutes leurs règles, sans la plus légère infraction, elles ont joui de la plus haute estime; elles ont embaumé l'Église de l'odeur la plus suave; elles ont rendu à Dieu une très grande gloire et aux hommes de signalés services; dès que le relâchement s'est introduit dans l'observation des règles, elles sont tombées misérablement dans l'opprobre, ont deshonoré Dieu, scandalisé l'Eglise, et se sont rendues non seulement inutiles, mais même nuisibles aux autres.

Un jour saint François priait pour apaiser la colère de Dieu irrité contre les chrétiens à cause de leurs péchés; Dieu lui dit : François, si tu veux apaiser ma colère et détourner les fléaux que je veux faire pleuvoir sur les chrétiens à cause de leurs iniquités, mets tous tes soins à faire observer exactement dans ton ordre la règle telle qu'elle a été établie dans le commencement; alors les prières de tes religieux auront accès auprès de Dieu, détourneront ma colère, et pour toi et pour eux je ferai grâce et miséricorde à mon peuple (1).

Il est donc bien facile de voir qu'elle est l'importance des règles pour la conservation des communautés religieuses et le préjudice que leur porte leur transgression. Il faut donc en conclure que tous les religieux doivent imprimer profondément dans leur esprit que ceux qui

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(1) Chron. des Minim., p. 1, l. 2 c. 27. Annal. Capucin. anno 1524, n. 23.

sont les plus réguliers sont les piliers, les colonnes, l'ornement et la gloire des maisons religieuses; que ce sont eux qui les soutiennent, les conservent, les annoblissent et attirent sur elles l'approbation et l'estime, qu'ils sont pour elles une bien plus grande source de richesses que tous les autres, quels qu'ils soient et quelle que soit leur réputation.

Cette conséquence est trop évidente pour en douter, si ce que nous avons dit est vrai, que les Ordres religieux ne se soutiennent que par l'observation des règles, et que l'infraction à ces règles cause leur ruine. Dans un monastère de Brabant, un frère lay de l'ordre de Cìteaux nommé Herman était toujours valétudinaire ou malade et était presque toujours à l'infirmerie; plusieurs faux frères, comme les appelle l'historien (1), le supportaient, non seulement avec peine, mais encore le persécutaient; ils disaient qu'il n'était bon à rien dans le monastère, qu'il y était bien plutôt nuisible, il leur répondit avec grande sagesse pourvu que je remplisse ma règle et que je fasse ce que mes infirmités me permettent, que je demeure à l'infirmerie en supportant avec patience et mon ame et mon corps, je crois que j'aurai plus servi au monastère et que je lui aurai procuré plus de bien que si j'avais accru son revenu de dix mille livres.

Les religieux déréglés sont les perturbateurs, les destructeurs et la perte d'une communauté religieuse; ils flétrisent sa gloire, l'appauvrissent, lui donnent le coup de mort, la conduisent au tombeau, lors même qu'ils semblent la soutenir par leur autorité, la défendre par leur crédit, lui acquérir de la réputation; ils lui nuisent encore en tout cela, parce que Dieu, en punition de leurs vices publics et secrets, retire ses grâces et permet sou

(1) Canti-prat., lib. 2. Apum, c. 7, part. 2.

vent qu'elle soit traversée dans les intérêts même temporels. Au reste, ces religieux ne peuvent pas plus faire pour la solidité d'une maison qu'un homme qui dorerait les lambris d'un palais, donnerait de l'éclat aux murailles en sappant en même temps les fondemens.

Le saint abbé Orente, supérieur du monastère de Sina donne un exemple pour faire comprendre cette vérité(1).. Un dimanche il entra dans l'église avec se robe retournée et se tint debout devant le chœur; quand on le vit ainsi vêtu, on en fut extrêmement étonné, et ceux qui avaient la charge du chœur lui dirent : Pourquoi, mon père, êtes-vous entré dans l'église vêtu d'une manière si extraordinaire, votre robe est à l'envers, tous les séculiers qui entreront ici seront portés à rire et se moqueront de nous? Le saint abbé leur répondit: Vous avez renversé le monastère de saint Sina par vos déréglemens, personne ne vous reprend, et vous ne pouvez souffrir que pour vous montrer votre faute et notre malheur j'aie retourné ma robe? commencez d'abord par réparer vos désordres, le mal que vous avez fait à cette maison, et je réparerai la faute commise. C'est donc l'infraction des règles qui gate, avilit, déshonore et perd les communautés religieuses.

Pour ce qui regarde les religieux, nous disons que puisque les règles sont les moyens que Dieu leur a donnés pour arriver à la fin de leur état, les degrés pour monter à la perfection à laquelle il les appelle, il est on ne peut plus certain que l'avancement et la perfection du religieux dépend absolument de l'observation de ces règles, et qu'il est plus ou moins religieux selon qu'il est plus ou moins exact à les garder.

Ainsi, il ne faut pas que le religieux fasse de l'acces

(1) Prat. spirit., cap. 1. 26.

soire le principal et du principal l'accessoire. Il faut qu'il sache que le principal pour lui, pour son bien, pour sa perfection ce sont ses règles; et il doit bien se tenir en garde contre une illusion assez commune dans les communautés religieuses, où plusieurs croient mettre leur profit où il n'est pas, demandent des dévotions particulières, des pénitences, des jeûnes, des veilles, des disciplines et d'autres austérités auxquelles la règle ne les oblige pas; et rompent le silence, entrent dans la chambre de leurs confrères, ne se lèvent pas à l'heure par paresse et font négligemment ce qui est de leur emploi. La règle, et non les choses qu'on ne leur commande pas, est le vrai moyen que Dieu leur a donné pour faire des progrès dans la vertu, c'est la voie assurée pour les conduire à la perfection. Telle est pour eux la volonté de Dieu; ainsi qu'ils ne se trompent pas et ne prennent pas un chemin pour un autre.

Saint Paul écrivant aux Romains, leur dit, en parlant des vrais enfans d'Abraham et de Jacob: Tous les enfans d'Israël ne sont pas de véritables Israélites, tous ceux qui sont issus d'Abraham ne sont pas ses vrais enfans, mais c'est d'Isaac que doit sortir celui qui portera votre nom (1). Saint Paul voulait dire : Tous ceux qui sont nés de la chair de ces deux patriarches ne sont pas pour cela les enfans de la promesse, héritiers des bénédictions de Dieu; il faut qu'ils naissent d'eux plutôt selon l'esprit que d'une manière charnelle, qu'ils soient imitateurs de leurs vertus; ceux-là seuls sont les vrais Israélites, les vrais Isaac ; à eux est donné l'héritage promis, et non à Ismaël. Il faut dire dans le même sens : Tous

(1) Non omnes qui ex Israel sunt, ii sunt Israelitæ, neque qui semen sunt Abrahæ, omnes filii; sed in Isaac vocabitur tibi semen. Cap. 9, 6.

que

les religieux ne sont pas religieux. Ceux qui n'en ont que le nom, l'habit et l'apparence, qui ne remplissent les devoirs extérieurs, ne le sont pas; mais seulement ceux qui sont remplis du véritable esprit, qui observent soigneusement les règles et s'efforcent de marcher sur les traces de leurs Fondateurs.

Ainsi dans la primitive Eglise si un homme oubliait ses devoirs, s'il cessait de vivre en chrétien, il n'était plus dès lors regardé comme chrétien, on ne lui en donnait plus le nom; dès qu'il quittait les mœurs du christianisme il quittait jusqu'à la gloire de ce nom. «< Mais « quelqu'infidèle m'objectera, dit Tertullien, qu'il en « est même parmi nous qui, tout en faisant profession « du christianisme, vivent mal et n'observent pas les « lois qui leur sont prescrites; je réponds que dès lors «< ils ne passent plus pour chrétiens parmi nous (1). Il faut en dire de même des religieux.

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Un père selon la chair ne reconnaît pas pour son fils un jeune homme seulement parce qu'il demeure avec lui dans la même maison, qu'il est nourri des mêmes viandes, qu'il est vêtu des mêmes étoffes, mais parce qu'il l'a engendré véritablement, qu'il fait partie de sa chair. De même le fondateur d'un ordre religieux ne reconnaîtra pas pour son fils spirituel celui qui logera dans ses monastères, qui portera son habit, qui prendra son extérieur; mais il est nécessaire, pour qu'il soit son père et que celui-ci devienne son fils, qu'il lui communique ce qui donne la vie religieuse et son véritable esprit, et toute cette vie est dans l'observation des règles.

Les religieux de saint Dominique, du couvent de Bologne, vivaient dans un grand relâchement et l'inobser

(1) Dicet aliquis, etiam de nostris excedere quosdam à Regula disciplinæ ; desinunt tunc Christiani haberi penes nos. Cap. 46.

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