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cette province est alors rattachée à la Syrie et aussitôt soumise au dénombrement par Quirinus, le légat de Syrie. Ce recensement, qui constitue une mesure nouvelle et blessante pour le sentiment religieux et patriotique des Juifs, laissera dans leur souvenir une impression si vive qu'il suffira, comme le fait Luc lui-même (Actes, V, 37), de dire qu'un fait s'est passé à « l'époque du recensement » pour que chacun sache parfaitement à quel événement il est fait allusion. Ce dénombrement quoi qu'en dise Luc n'atteint pas la Galilée que continue à gouverner Hérode Antipas et ne touche donc pas Nazareth. Au surplus, Jésus, qui est né « aux jours d'Hérode », a dix ans au moins à l'époque du dénombrement.

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Luc (ou tout au moins la légende qu'il a recueillie) a donc avancé le décret de Quirinus d'une dizaine d'années au moins; il l'a étendu à la Galilée et même bien au delà, puisqu'il a transformé ce décret en un édit émané d'Auguste et adressé à tout l'empire. Cet édit, qui n'est pas connu par l'histoire, aurait obligé tout sujet de l'empire romain à aller se faire enregistrer, non au lieu de son domicile réel, mais à l'endroit où şe trouvait le berceau de ses ancêtres les plus

1. Désormais administrée par des procurateurs romains nommés directement par l'empereur, mais relevant du gouverneur de Syrie.

reculés, astreignant ainsi les habitants à des voyages lointains, sans aucune utilité pour le recouvrement des impôts que visait le recense

ment.

Pour obéir à cet édit, Joseph aurait quitté Nazareth avec Marie enceinte et se serait dirigé vers Bethleem où était né mille ans auparavant le roi David, son ancêtre présumé. Arrivé à Bethléem, Marie aurait mis au monde Jésus; puis, le temps des couches passé, la famille de Jésus aurait repris le chemin de Nazareth.

Matthieu, lui, adopte une autre solution pour faire naître Jésus à Bethléem: il fait résider ses parents, avant sa naissance, non pas à Nazareth comme Luc, mais à Bethléem même où Jésus voit le jour; de là, ils vont en Egypte afin de soustraire l'enfant aux persécutions d'Hérode. Après la mort d'Hérode, les parents de Jésus retournent avec l'enfant dans leur pays, non plus, cette fois, en Judée où Archélaüs (qui a succédé à Hérode le Grand) leur inspire des craintes, mais en Galilée où ils choisissent Nazareth comme lieu de résidence. Matthieu justifie cette odyssée en Egypte par la prophétie d'Osée (XI, I) : « J'ai rappelé mon fils d'Egypte » Mt., II, 15), et pense peut-être aussi à cette parole du psalmiste (Ps., LXXX, 9) : « Tu as arraché de l'Egypte une vigne », bien que ces prophéties ne visent qu'Israël.

Récits de l'enfance. - La naissance à Bethléem n'appartient donc pas à l'histoire, pas plus d'ailleurs que les merveilles qui entourent le berceau du Christ et qui font partie du programme messianique. Avant de tenir ces récits pour authentiques, il faudrait, pour le moins, expliquer comment Marie, qui « retenait toutes ces paroles, les méditant dans son cœur » (Luc, II, 9 et aussi 33), n'en garde plus aucun souvenir une trentaine d'années plus tard et refuse même de croire à la vocation messianique de son fils, qu'elle juge << hors de sens » (Marc, III, 21). Ses parents ne comprennent pas non plus Jésus à douze ans dans le Temple, leur disant : « Ne savez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père. » Mais ce dernier trait, qui ne se trouve que dans Luc (II, 49-50), attribue prématurément à Jésus sa vocation messianique laquelle ne s'est déclarée, en réalité, qu'à l'époque de son baptême.

L'ANNONCE DU ROYAUME

ET LE

MINISTÈRE DE JÉSUS EN GALILÉE'

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Jean-Baptiste. Vers l'an 28 de notre ère, l'an 15 de Tibère d'après Luc (IV, 18), JeanBaptiste annonce aux populations de la Judée la venue prochaine du Royaume des cieux : « Repentez-vous, leur dit-il dans sa prédication, car le Royaume des cieux est proche » (Mt., III, 2). Ce Royaume doit être inauguré par le Messie: << Il va venir après moi, celui qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de dénouer, en me baissant, les cordons de ses souliers » (Mc. 1,7). Un grand jugement doit préluder à la venue du Royaume divin : « Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu »

1. Alfred Loisy: Jésus et la Tradition Evangélique, Les Evangiles synoptiques, L'Evangile et l'Eglise, Lettre inédite (1916). -Albert Reville: Jésus de Nazareth. Ernest Renan : Vie de Jésus. Ernest Giran: Jésus de Nazareth. James: L'expé

rience religieuse (Traduction F. Abauzit.

2. Auguste étant mort le 19 août de l'an 14 de notre ère, l'an 15 de Tibère correspond à l'an 28 de l'ère chrétienne.

(Mt., III, 10). L'envoyé de Dieu, pour éprouver les œuvres des hommes, fera comme le moissonneur qui secoue son blé avec son van: la paille qui s'envole sera brûlée, tandis que le froment restera pour le grenier divin (Mt., III, 12). Des Juifs en grand nombre sont attirés par la prédication de Jean qui baptise ceux qui se repentent de leurs fautes. Le vieil homme renaît à une vie sans tache et le néophyte s'engage à rechercher la justice afin d'être digne du Royaume.

Vocation de Jésus. -Jésus se fait baptiser, lui aussi, et manifeste ainsi son désir de préparer ce Règne de justice, dont le Baptiste prédit la venue imminente et que, lui, Jésus, se sent appelé à inaugurer en qualité de Messie.

La descente de l'esprit divin sur Jésus et la déclaration céleste : « Tu es mon fils bien-aimé », relatées par les trois premiers évangiles', signifient que Jésus a eu conscience de son rôle messianique le jour de son baptême, tandis que le récit de la conception virginale ferait remonter

1. C'est-à-dire Matthieu, Marc et Luc, que nous désignerons respectivement quelques fois par le premier, le second et le troisième évangile, suivant l'ordre adopté par le Nouveau Testament et qui n'a rien de chronologique. Le quatrième Evangile, c'est l'évangile de Jean. La ressemblance entre les textes des trois premiers évangiles, qui est frappante lorsqu'on les dispose sur trois colonnes parallèles, leur a valu le nom de Synoptiques (ce qui signifie en grec qu'on peut voir ensemble).