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LA TRADITION

D'après la Tradition, le Christ, dès le début de son ministère, aurait possédé d'emblée toutes les prérogatives qui, en réalité, ne lui ont été attribuées que successivement par les premières générations chrétiennes. Cette erreur de perspective est commune à toutes les religions qui prétendent, chacune, tenir dès l'origine, par voie de révélation, la forme dernière et intangible de la foi.

Déjà, dans l'Ancien Testament, les lois d'Israël sont censées avoir été dictées par Iahvé à Moïse, alors que ce code reflète des us et coutumes qui se sont modifiés et perfectionnés au cours de nombreuses générations; de là, des prescriptions contradictoires, des points de vue différents, des variétés de style qui trahissent la pluralité de documents écrits à plusieurs siècles de distance et amalgamés plus tard en cet ensemble hétérogène qu'on appelle le Pentateuque. La tradition relative au Christianisme est tombée dans le même anachronisme. Elle met sur

le même plan le Christ, chef du Royaume nouveau attendu par Israël, le Christ de Paul descendu du ciel pour réconcilier par sa mort les hommes avec Dieu, le Christ du Quatrième Evangile, Verbe éternel, expression et révélation de Dieu sur la terre et Dieu lui-même. Et tous ces attributs, la Tradition les donne à Jésus d'emblée et à la fois; ou plus exactement, la Tradition nous fait voir Jésus à travers la transcendance divine et ultime du Christ, laquelle correspond au dernier échelon de son ascension glorieuse. Cet apogée suprême répond à l'idéal le plus pur et le plus élevé que soient arrivées à exprimer les anciennes générations chrétiennes. Rien ne semblait trop beau à leur imagination ardente pour satisfaire leur foi; toutes les vérités morales et religieuses, Jésus les a prononcées ici-bas et on ajoutait sans scrupule à la Tradition apostolique celles qu'on n'y trouvait pas. Aussi bien, lorsqu'on fait la part de ce qui revient au Christ historique et de ce qui revient au Christ théologique, on s'aperçoit que c'est sous l'inspiration de l'Esprit de Jésus que les générations qui l'ont immédiatement suivi ont réalisé les plus nobles aspirations de l'humanité; ces aspirations ont été formulées dans le langage et la philosophie du temps; et cette expression de leur idéal et de leur foi, les premiers écrivains chrétiens l'ont apportée aux

pieds du Christ en la lui attribuant tout entière comme hommage de leur reconnaissance. De ce travail, pour ainsi dire inconscient, est sorti le Nouveau Testament; et si l'Eglise n'en avait pas fixé les bornes, nous aurions continué à assister à une belle floraison de la foi, accompagnée, il est vrai, d'extravagances que l'esprit humain ne peut guère éviter quand il arrive aux confins de la raison et de l'idéal.

FIN

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