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CHANT II

A PEINE les premiers rayons du jour

avaient-ils blanchi les cîmes sourcilleuses du mont Garizim, que le brave Horam et le jeune Issachar s'avancèrent vers le Jourdain; tous deux, fiers de la confiance de leur chef et soumis aux ordres de Dieu, marchaient avec intrépidité au-devant du danger et ne pensaient qu'à la gloire. Horam, chargé de jours et d'expérience, témoin, depuis quarante ans qu'il errait avec ses frères dans le désert, de tous les miracles que Dieu avait faits en leur faveur, et des terribles vengeances dont il avait puni leurs iniquités, se plaisait à éclairer la jeunesse d'Issachar en lui racontant ce qu'il avait vu. Le vaste et fertile pays que nous traversons, lui disait-il, lui disait-il, appartenait jadis à l'infidèle Amorrhéen; maintenant il est devenu le patrimoine de nos frères. Ruben, Gad et Manassé, établis sur le bord oriental du fleuve, y recueillent tranquillement leurs moissons et font couler l'huile et le vin à flots précipités dans des

caves spacieuses. Au-delà du Jourdain, vous voyez s'étendre de vastes plaines couvertes de lin, de baume et de pâturages, ombragées d'oliviers et de cèdres; c'est là que s'élève la ville des palmes, la superbe Jéricho, dont les tours orgueilleuses semblent toucher ce ciel qu'elles outragent; plus loin, vos regards embrassent tout cet immense pays, depuis Ségor, sur les frontières de l'Idumée, jusqu'aux sources du Jourdain, au pied des montagnes du Liban. Voilà l'héritage promis à nos pères et que le seigneur nous donnera, si nous marchons avec une foi vive et sincère au-devant de nos ennemis. Eh! que nous fait qu'ils couvrent la plaine de leurs innombrables bataillons, quand le Dieu fort est avec nous? Quel est l'indigne israélite qui, en se rappelant le passage de la mer Rouge, l'eau jaillissant du rocher d'Oreb et la loi donnée par Dieu même au mont Sinaï, ose douter du succès d'une entreprise commandée par l'Eternel ? N'oubliez pas, Issachar, que c'est pour avoir chancelé un moment dans sa foi, que Moïse, le plus grand prophète qui se soit jamais levé dans Israël, fut condamné à ne point entrer dans la terre

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de Canaan. Ayez toujours cet exemple présent; et dans les périls qui nous attendent sans doute aux murs de Jéricho, si vous sentez votre ame prête à défaillir, tournez les yeux vers la montagne de Nébo, et songez que c'est là où, pour expier une seule faiblesse, expira notre saint législateur, après quatre-vingts ans de travaux entrepris pour la gloire du Seigneur. — Je sais que les maux comme les biens procèdent du Très-Haut, répondit Issachar; soumis aux uns autant que reconnaissant des autres, la vue du plus affreux trépas n'ébranlerait pas ma foi, et pourtant Dieu m'avait promis, par la voix de Moïse, qu'a vant la fin de l'année il me ferait voir l'épouse qu'il me destine, celle qui portera dans ses flancs la glorieuse lignée d'où doit descendre le Sauveur du monde. Nous touchons aujourd'hui au dernier jour de l'année ; je m'éloigne des jeunes vierges de Juda pour aller chez les idolâtres; est-ce donc dans ce sang impie que Dieu choisira celle qu'il veut élever au-dessus de toutes les femmes d'Israël ? - Ne jugeons point ainsi ce qu'il ne nous appartient point de connaître, reprit Horam; car les pensées de Dieu ne

sont point nos pensées, et ses voies ne sont pas nos voies; ce qu'il a promis, il le tiendra; ce qu'il ordonnera,vous l'exécuterez.Gardez seulement votre cœur droit et vos mains pures; soumettez-vous sans réserve, et l'Eternel saura bien trouver le moyen d'accomplir ses promesses.

En parlant ainsi, les deux voyageurs arrivèrent sur le bord du grand fleuve, dont les eaux débordées inondaient les campagnes; soit qu'ils s'approchassent du torrent de Jaser, soit qu'ils descendissent vers le lac Asphaltite, ils ne pouvaient trouver aucun passage: Dieu nous aurait-il abandonnés s'écria Höram en élevant ses mains vers le ciel ? Est-ce vous qui doutez, s'écria Issachar surpris, et est-ce moi qui vous apprendrai comment une foi sincère triomphe d'un pareil obstacle? - Il dit, et se précipitant dans le fleuve, il se débat contre les vagues qui le repoussent vers le rivage, triomphe de la fureur des flots, atteint l'autre bord, met le pied sur la terre de Canaan et rend graces à l'Eternel.

En l'apercevant sur la rive opposée, Horam s'encourage à l'imiter; il lutte péniblement contre le courant qui l'entraîne ;

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il arrive enfin, confus qu'un vieux ami de Moïse se soit laissé devancer par un enfant du désert. Prêt à livrer son cœur à l'envie, il réprime bientôt ce vil sentiment; il se souvient qu'Issachar est destiné à être la tige du sang royal de Juda, et se plaît à le voir s'élever par la beauté et le courage au-dessus de tous les mortels.

La nuit commençait à étendre ses voiles sur toute la nature, lorsque les deux israélites entrèrent dans Jéricho: troublés de se trouver seuls, loin de leurs frères, au milieu d'une nation idolâtre, ils ne savaient ce qu'ils devaient faire, ni à qui recourir pour demander l'hospitalité. Dans cet embarras, ils se tenaient à l'écart, près de la porte de la ville, lorsqu'ils virent passer près d'eux une jeune fille qui venait puiser de l'eau à la fontaine. Un long voile retenait une partie de sa blonde chevelure, l'autre s'échappait sur un cou plus blanc que l'ivoire. Elle était belle; mais l'éclat de sa beauté semblait terni par les larmes qui coulaient sur ses joues. Pâle et abattue elle s'avançait, semblable au jasmin qui incline doucement sa tête chargée de la rosée du matin. A l'aspect des deux voya

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