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forme à celui d'Athènes

mes spectateurs

ont été émus des mêmes choses qui ont mis autrefois en larmes le plus savant peuple de la Grèce, et qui ont fait dire qu'entre les poètes, Euripide étoit extrêmement tragique, payinózatos, c'est-à-dire, qu'il savoit merveilleusement exciter la compassion et la terreur, qui sont les véritables effets de la tragédie.

Je m'étonne après cela que des modernes aient témoigné depuis peu tant de dégoût pour ce grand poète dans le jugement qu'ils ont fait de son Alceste. Il ne s'agit point ici de l'Alceste ; mais en vérité j'ai trop d'obligation à Euripide pour ne pas prendre quelque soin de sa mémoire, et pour laisser échapper l'occasion de le réconcilier avec ces messieurs. Je m'assure qu'il n'est si mal dans leur esprit, que parce qu'ils n'ont pas bien lu l'ouvrage sur lequel ils l'ont condamné. J'ai chòisí la plus importante de leurs objections pour leur montrer que j'ai raison de parler ainsi. Je dis la plus importante de

leurs objections; car ils la répètent à chaque page, et ils ne soupçonnent pas seulement que l'on y puisse répliquer.

Il y a dans l'Alceste d'Euripide une scène merveilleuse, où Alceste qui se meurt, et qui ne peut plus se soutenir, dit à son mari les derniers adieux. Admète, tout en larmes, la prie de reprendre ses forces, et de ne se point abandonner elle-même. Alceste, qui a l'image de la mort devant les yeux, lui parle ainsi :

Je vois déjà la rame et la barque fatale;

J'entends le vieux nocher sur la rive infernale:
Impatient, il crie: On t'attend ici-bas,
Tout est prêt, descends, viens, ne me retarde pas.

J'aurois souhaité de pouvoir exprimer dans ces vers les graces qu'ils ont dans l'original; mais au moins en voilà le sens. Voici comme ces messieurs les ont entendus. Il leur est tombé entre les mains une malheureuse édition d'Euripide, où l'imprimeur a oublié de mettre dans le latin à côté de ces

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TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

AGAMEMNON, ARCAS.

AGAMEMNON.

Oui, c'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille. Viens, reconnois la voix qui frappe ton oreille.

ARCAS.

C'est vous-même, Seigneur ! Quel important besoin
Vous a fait devancer l'aurore de si loin?

A peine un foible jour vous éclaire et me guide :
Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l'Aulide.
Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit?
Les vents nous auroient-ils exaucés cette nuit?
Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune.

AGAMEMNON.

Heureux qui, satisfait de son humble fortune,
Libre du joug superbe où je suis attaché,

Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché !

Du sang

ARCAS.

Et depuis quand, Seigneur, tenez-vous ce langage?
Comblé de tant d'honneurs, par quel secret outrage
Les dieux, à vos desirs toujours si complaisants,
Vous font-ils méconnoître et haïr leurs présents?
Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée,
Vous possédez des Grecs la plus riche contrée.
de Jupiter issu de tous côtés
L'hymen vous lie encore aux dieux dont vous sortez.
Le jeune Achille enfin, vanté par tant d'oracles,
Achille, à qui le ciel promet tant de miracles,
Recherche votre fille, et d'un hymen si beau
Veut, dans Troie embrasée, allumer le flambeau.
Quelle gloire, Seigneur, quels triomphes égalent
Le spectacle pompeux que ces bords vous étalent!
Tous ces mille vaisseaux qui, chargés de vingt rois,
N'attendent que les vents pour partir sous vos lois.
Ce long calme, il est vrai, retarde vos conquêtes :
Ces vents, depuis trois mois enchaînés sur nos têtes,
D'llion trop longtemps vous ferment le chemin.
Mais parmi tant d'honneurs vous êtes homme enfin :
Tandis que vous vivrez, le sort, qui toujours change,
Ne vous a point promis un bonheur sans mélange.
Bientôt.... Mais quels malheurs, dans ce billet tracés,
Vous arrachent, Seigneur, les pleurs que vous versez?
Votre Oreste au berceau va-t-il finir sa vie?
Pleurez-vous Clytemnestre, ou bien Iphigénie?
Qu'est-ce qu'on vous écrit? Daignez m'en avertir.

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