Obrazy na stronie
PDF
ePub

moment même où il s'apprêtait à voir les abîmes infernaux s'ouvrir sous lui, ses ailes d'ange reparurent et se déployèrent fraîches et éclatantes comme elles l'étaient dans le ciel; l'auréole mystique des chérubins jaillit autour de son front; et une autre ange, Nephta, sa Nephta, Nephta en laquelle il reconnut tous les traits de sœur Clotilde, Nephta montait avec lui dans les cieux, et l'entourait de ses bras fraternels.

Et un chœur d'anges les entourait, et ces anges chantaient l'hymne suivante :

Que la miséricorde du Seigneur est grande! que ses voies sont mystérieuses et infinies!

Le chérubin Asraël avait pris part à la révolte des mauvais anges, victime d'un exécrable piége des démons et entrainé par un excès d'amour pour sa sœur divine la belle Nephta.

Comme rebelle, il devait souffrir durant l'éternité; comme rebelle, il devait porter au front le sceau fatal des réprouvés ; comme rebelle, il devait rester à jamais privé de la présence de Dieu.

Mais Jéhovah, touché par l'intercession de la sainte Vierge Marie, Jéhovah, dont la bonté égale la puissance, Jéhovah permit qu'Asraël, venu sur la terre, tombât dans les piéges d'une femme !

Et les piéges de cette femme rompirent la chaîne qui nouait Asraël à l'enfer; grâce à ces piéges, Asraël devint un homme, un simple mortel.

Alors le ciel ne lui resta plus fermé, et Nephta lui en rouvrit la porte, en lui enseignant de nouveau la prière, la prière que les chérubins chantaient devant Dieu avant la révolte des dé

mons.

Nephta avait été envoyée sur la terre et condamnée à prendre un corps humain, parce qu'elle pleurait sans cesse au ciel la perte de son Asraël.

Ainsi, d'un double châtiment est né un double bonheur !

Que la miséricorde du Seigneur est grande! que ses voies sont mystérieuses et infinies!

Asraël et Nephta ont vainement cherché l'amour sur la terre. Ils ne l'ont rencontré que lorsque leurs âmes célestes se sont trouvées de nouveau réunies.

Le véritable amour n'existe pas sur la terre. Si quelque mortel, si quelque infortunée, se sentent embrasés d'un amour pur et durable, d'un amour qui ne recule devant aucun sacrífice, que rien ne saurait éteindre, ce ne peuvent être que des anges égarés de leur sphère céleste, des anges qui pleurent sans cesse sur les plus amères déceptions et qui ne verront sécher leurs larmes que dans le ciel.

Cambrai, janvier 1831.

LE TROU D'ENFER

1186

A présent, le Trou-d'Enfer est un hideux quartier de Cambrai, composé de rues tortueuses, de maisons chétives d'un air empuanti, d'un bras de l'Escaut immonde et resserré.

Jamais il n'y fait tout grand jour; et lorsqu'il lui faut traverser ce quartier réprouvé, une femme honnête presse sa marche, ne lève pas les yeux, et ne respire à son aise qu'après s'être éloignée.

Je le crois bien! On ne voit aux portes de noires masures que des créatures infâmes, accroupies sur la pierre du seuil; on n'y rencontre que de vieilles femmes qui luttent de paroles exécrables avec des soldats ivres et des hommes en haillons.

Il est certains jours de la semaine où glapit dans le Trou-d'Enfer un orchestre maigre et faux: cela ajoute encore je ne sais quoi de sinistre à des lieux aussi mal avenants.

Si vous vous sentez du courage, pénétrez dans le cloaque

où jouent les ménétriers, et, sur mon âme! vous y verrez un étrange spectacle: vous y verrez un cabaret de mauvais lieu. Je l'ai vu, moi: j'en ai frissonné de dégoût et d'horreur.

On n'y respire qu'un air chargé de fumée de tabac, obscurci des cendres de la houille et de la poussière rougeâtre que produisent et font élever de toutes parts cent paires de souliers qui frottent les carreaux de brique dont la grande chambre est pavée. Joignez à cela l'odeur nauséabonde de la bière, des voix qui grondent et qui glapissent, les jurements des violons et les cris nasards de la clarinette! Figurez-vous encore, parmi la lueur jaune de rares quinquets, un mouvement confus d'hommes, de femmes, de soldats, qui vont, qui viennent, se mêlent, circulent, se groupent, se dispersent, de longues tables garnies de buveurs, le bruit des pots d'étain, le cliquetis des verres, et vous aurez une idée à peu près exacte de l'aspect de ces lieux affligeants.

Le Trou-d'Enfer n'est point un meilleur séjour durant la nuit la plupart du temps, il s'y élève quasi sans relâche des cris plaintifs, des coups que l'on assène, des voix rauques qui profèrent des jurements. Et puis lorsque, attirée par le tumulte, survient une patrouille, tout disparaît, les portes se ferment; il n'y a plus qu'un seul bruit parmi ce grand calme menteur : le pas lent et mesuré de la garde. A peine ce pas s'est-il perdu au loin comme un murmure indécis, qu'aussitôt de toutes parts jaillissent avec fracas la confusion et le désordre, et que l'insomnie renaît pour les gens paisibles, si toutefois il s'en trouve en pareil endroit.

N'est-il pas vrai? le Trou-d'Enfer, comme je vous le dépeins, est un hideux quartier!

Eh bien! il y a sept cents ans, c'était bien pis encore.

On n'y voyait point de rues, on n'y voyait point de maisons, mais un vaste marais de vilaine renommée, au milieu duquel se trouvaient de grandes ruines. Jamais chrétien n'osait y mettre le pied, car, ainsi que le donnait clairement à entendre son nom, le mauvais esprit hantait le Trou-d'Enfer, et l'on racontait à cet égard des choses épouvantablement merveilleuses: elles n'égalaient cependant pas encore la vérité. Prêtez-moi l'oreille avec attention, et vous jugerez si je vous dis vrai.

Les ruines qui gisaient au milieu du Trou-d'Enfer étaient celles d'un château fort, habité, il y a longtemps, par un seigneur ayant nom Truandre, et que sa mère avait vendu dès le berceau au démon.

Les chroniqueurs racontent que ce mécréant adorait le père du mal, et qu'il commettait mille horreurs impies pour plaire à son dieu. Il enlevait à leurs familles et détenait captives en des clapiers horribles des jouvencelles de bon lieu, et égorgeait des enfants en bas âge pour préparer de leur graisse des onguents diaboliques. Les pèlerins qui, par malheur, venaient demander asile au château, se voyaient forcés de renier le saint nom de Dieu, ou de mourir de faim au fond de cachots plus affreux que l'on ne saurait le dire.

Mais c'était particulièrement aux prêtres et surtout à l'évêque qu'en voulait Truandre: il faisait appréhender tous les serviteurs de Dieu qui ne se tenaient pas bien sur leurs gardes, et quand ils refusaient de lui dire en quels

« PoprzedniaDalej »