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deuxième section, composée des croyants, renferme une foule de malheureux insensés qui se divisent en trois classes, si nombreuses aussi, que nous serons obligés de les séparer encore pour étudier leur caractère et pour les traiter avec succès: ce sont donc les indifférents, les pécheurs, les mondains; et dans ces trois catégories nous aurons encore bien des divisions et subdivisions. »

L'auteur ne s'en tient pas à ces catégories. Il a trop longtemps étudié, et avec trop de zèle, la maladie dont il vient de se faire l'historien et le classificateur, pour n'en pas connaître toutes les formes, toutes les ruses. Il sait quels fous sont tenus pour sages, et n'oublie d'indiquer ni quelles dispositions produisent ces folies spéciales, ni quels remèdes il faut leur appliquer. En un mot, le R. P. Lefebvre u'a omis aucun des cas que le médecin des âmes peut avoir à traiter. C'est une œuvre complète, où la science et l'amour de Dieu s'unissent pour montrer à l'homme que la sagesse est dans la foi et aussi le bonheur: Beati qui crediderunt.

VII

Terminons par une grande et bonne nouvelle : la Revue du Monde Catholique commencera, dans son prochain numéro, la publication d'une série de lettres inédites de Joseph de Maistre.

EUGÈNE VEUILLOT.

BULLETIN LITTÉRAIRE

CRITIQUES ET CROQUIS, par M. Eugène VEUILLOT; un fort volume in-18; prix 3 fr. 50, chez L. Hervé, libraire-éditeur, rue de Grenelle-SaintGermain, 66, Paris.

L'auteur des Critiques et Croquis aurait bien quelques droits particuliers à ce que l'on rendit bon compte ici de son dernier ouvrage. Cependant on ne s'est pas pressé de le faire, et aujourd'hui même ce n'est pas un compte rendu écrit pour elle que donne la Revue, c'est l'extrait d'un article de M. Ph. Serret qui a paru dans le journal le Monde.

Voici d'abord la courte préface que M. Eugène Veuillot a placée en tête de son livre :

« Les Études qui forment ce volume ont été écrites aux bruits du moment et des idées régnantes. Cependant le choix n'en est pas arbitraire. Elles portent toutes sur des faits, des doctrines et des controverses qui se tiennent étroitement malgré leur diversité. Qu'elles traitent du Christianisme romanesque, du Génie anglais dans l'Inde, du Mercantilisme litté raire, des Concours académiques, des Saints de la libre pensée ou du Mariage, l'auteur y cherche l'expression des idées et des mœurs contemporaines. Toujours placé sur le même terrain, il poursuit une œuvre de redressement au profit de la vérité. »

M. Ph. Serret entre en matière par quelques lignes sur les conditions du journalisine, sur le gaspillage d'esprit, de style et d'idées qu'il entraîne, puis il ajoute :

« M. Eugène Veuillot a eu l'heureuse pensée de glaner, sur sa propre trace, quelques épis d'or, quelques fleurs rares, aux senteurs légèrement amères, échappées de sa main. Il en a fait une gerbe: c'est le volume qu'il vient de donner sous le titre de Critiques et Croquis L'épreuve de l'unité ne pouvait certes lui faillir. Pas une note ne détonne dans ces pages, écrites dans des circonstances et sous des impressions fort peu homogènes. Mais, d'un autre côté, rien de moins symétrique, de moins contraint et de plus libre que cette unité : unité digressive, vivante, efflorescente, avec cela partout présente, partout sentie. Ce charmant volume, nullement tendu, du style et du ton le plus dégagé, est, du reste, de substance forte et sérieuse. Ses linéaments, ourdis avec une émerveillante légèreté, donnent un tissu d'un grain singulièrement serré et résistant. Dans cette galerie de croquis et d'études, plus d'une haute question de littérature et de mœurs reçoit sa solution, une solution qui a tout l'air d'être l'arrêt définitif du bon sens. Plus d'une figure exorbitante de notre temps y

trouve son compte réglé avec une rondeur, une gauloise netteté de justice, que plusieurs, on peut le croire, ne demanderaient pas mieux que de décliner.

« Au début, M. Eugène Veuillot accoste la question du roman chrétien à propos de Sibylle, qui était, au moment où il écrivait, dans le triomphe de sa sixième édition. Cette étude va tout d'abord au vif de la question. M. Eugène Veuillot s'abstient, avec une sorte de parti pris, de toute querelle de bel esprit, de toute critique purement littéraire, choses secondaires en effet. Il ne discute et ne réclame qu'au point de vue de la vérité des caractères et des situations, au point de vue particulièrement de la vérité dans les mœurs et la vie intérieure de la famille chrétienne, peu ou mal observées par le romancier qui a peint de fantaisie.

« Il ne peut être question d'analyser ici ce qui est déjà une analyse ; nous relèverons, après M. Veuillot, seulement un trait. Sibylle, une enthousiaste et poétique enfant, couvée sous l'aile d'un aïeul et d'une aïeule pieusement débonnaires, Sibylle s'arrête tont court aux premières ronces qu'elle rencontre sur le chemin de la piété : ces ronces sont les puérilités dévotes de Mme de Beauménil et quelques vulgarités dans le caractère de l'excellent curé du lieu. Blessée et comme flétrie par ces mesquineries dans les poésies de son âme et de sa foi, la petite fille renonce à ses pratiques de religion et se met, de sa propre autorité, hors de l'Eglise, où d'autres impressions la ramèneront plus tard. Le motif de tentation est futile; tels quels, toutefois, ce premier déchirement, cette première pénétration du doute, touchent essentiellement aux choses de la vie spirituelle. Une plume honnête, sans contredit, mais mondaine, et après tout incompétente, peut-elle pénétrer sans profanation et sans dommage dans ces épreuves, dans ces intimes combats de la foi?

« La rapide fortune du roman de Sibylle ne prouve rien en faveur de la tentative de M. Octave Feuillet: elle s'explique par l'élévation relative du sujet, ainsi que des passions et des sentiments que l'auteur analyse. Sibylle est un peu sœur, une sœur civilisée et étiolée d'Atala; ses fiançailles au lit de mort rappellent la fille de Lopez. Il y a un abîme de poésie et de style entre la fiction de Châteaubriand et l'œuvre de M. Feuillet. Elles se rapprochent par le mélange de la spiritualité au romanesque, et aussi par l'impression qui s'en dégage, impression pleine de trouble, vaguement et très-douteusement chrétienne.....

« Il y a dans le volu:ne quelques pages sur la liberté matrimoniale, une vive et moqueuse escarmouche avec l'auteur d'Indiana. Nous ne sommes pas au même point qu'en 1848, bombardés de déclamations sur la femme libre et le divorce; il s'en faut cependant que ces idées délétères aient disparu de certaines régions de l'opinion et de la presse. George Sand reprenait, il y a peu de temps encore, en en rajeunissant simplement l'expression, la prédication de son éternelle doctrine. Lélia continue de professer qu'il n'y a d'amour que dans l'union parfaite et en Dieu des intelligences et des cœurs. Le mariage, chose futile de soi et sans importance intrinsèque, ne peut valoir que comme sanction d'un tel amour. En dehors de cette fusion des âmes dans l'idéal, toute union de l'homme et de la femme

est un sacrilége. S'il y a eu quiproquo, si l'on a cru à l'harmonie parfaite sans qu'elle existât, et que la révolte du cœur ou même des sens avertisse qu'on s'est trompé, il y aurait sacrilége, profanation, à rester unis. Où cesse l'extase, les devoirs cessent également, etc.

« Dans sa phraséologie éthérée, voilà une doctrine qui laisse bien loin. derrière elle le divorce légal, lequel suppose l'intervention et un certain contrôle du juge. Le divorce, selon Lélia, devient personnel et spontané; il sort de la conscience,' qui le prononce dans son for intérieur le jour qu'est tombé le bandeau et que se manifeste le dégoût ou la lassitude. Ceci est proprement la papillonne de Fourier, moins le cynisme relativement honnête du sectaire harmonien. « Cela, observe M. Eugène Veuillot, « revient à dire qu'il faut s'unir quand on s'aime, et se séparer quand on « ne s'aime plus. Cette loi progressive règne à Otahiti; les Mormons la << trouvent trop large. » Ces belles maximes, néanmoins, sont données pour l'unique sauvegarde de la liberté et de la dignité de la femme, outragée par son asservissement à un seul homme. On les professe en outre au nom de la morale (oui, de la morale !) et de la pudeur profanée dans la femme par le droit du plus fort, ce qui veut dire par toute union qui n'est pas la fusion des cœurs comme Lélia la comprend.

« M. Eugène Veuillot, sur le terrain de la dignité et de la liberté de la femme, répond avec Joseph de Maistre et l'éloquent P. Ventura; sur la question de morale, il répond de son cru. Ecoutons-le; ce serait un meurtre de substituer ici quoi que ce soit à ses propres paroles : « Mme Sand, « dit-il, malgré la chasteté d'esprit, l'austérité dont elle se glorifie, n'ignore « point ce que valent et ce que durent d'ordinaire les unions libres, nées « des impressions qu'elle veut transformer en lois. Le culte de l'idéal « n'est guère moins prompt à les rompre qu'à les nouer. Elle en a certai«nement vu des exemples dans le monde dépourvu de préjugés où elle <«< introduit le lecteur de ses mémoires. » N'est-ce pas qu'un des mérites de M. Eugène Veuillot est de nous ramener la vraie épigramme, l'épigramme du bon ton et du bon temps, faite de rien, d'une transparence, d'une impalpable et impersonnelle ironie ? C'est une rareté dans ce temps de pavés et de voies de fait de la plume.

«L'auteur touche à la plaie du mercantilisme littéraire, et rappelle à ce propos le bruyant procès entre M. Maquet et M. Alexandre Dumas. Tout était commercial dans l'intime association aussi bien que dans les démêlés de ces deux hommes de lettres. M. Eugène Veuillot a émaillé les plaidoiries de comiques parenthèses et rendu la physionomie du débat comme pas un chroniqueur judiciaire. Il n'y a rien de tel que de n'être pas du métier pour voir juste, quand, du reste, à l'avantage de n'être pas un homme spécial on joint beaucoup de sens et d'esprit. Quelques traits : Les bouts de ligne étaient payés à M. Dumas, par ses éditeurs, le même prix que la ligne entière. Ceci peut expliquer cette lèpre de mots parasites et encombrants qui s'étend sur les récits et le dialogue, même aux endroits mouvementés. M. Eugène Veuillot pose la question si la clause (des bouts de ligne) est née du genre, ou si c'est le genre qui est né de la clause? « A ce propos, une anecdote unique : Les deux associés fabriquaient un

roman dont l'action se passait sous le règne de Louis XIV. M. Auguste Maquet, qui tenait la plume, comme à peu près toujours, venait de poser un paysan à l'affût dans un champ. M. Dumas ajoute de pommes de terre.

Réclamation de M. Maquet; il y a anachronisme; la culture de la pomme de terre ne remonte pas plus haut que Louis XV. M. Dumas rature pommes de terre et met à la place pommes d'amour : le bout de ligne est tout de même gagné. Il est remarquable qu'à l'époque même de leur meilleur accord, M. Dumas et M. Maquet, ce dernier surtout, retenaient avec soin les moindres billets qu'ils s'écrivaient. On tira un grand parti, dans le débat, de cette correspondance, abondante en révélations curieuses. « De part et d'autre, dit M. Veuillot, on était sur ses gardes : c'est ce << qu'on appelle la fraternité littéraire. » En somme, pourtant, rien n'était plus démontré que la large coopération de M. Maquet dans environ soixante volumes signés de M. Alexandre Dumas seul; et, nous en faisons l'aveu, nous étions de ceux qui virent avec quelque surprise le tribunal refuser à M. Maquet le droit de co-propriété sur la Dame de Monsoreau, MonteChristo, etc. M. Eugène Veuillot a redressé cette opinion et prouvé mieux que personne le bien-jugé de la sentence. M. Auguste Maquet avait, dans cette bizarre association, abdiqué toute personnalité et toute conscience littéraire; il travaillait sur commande et vendait sa copie à M. Dumas, comme d'autres fournisseurs lui vendaient du papier et des plumes. Les phrases pudiques sur l'art, sur le droit au partage de la renommée, ne pouvaient donner le change à personne, et l'intérêt du procès n'était qu'un intérêt d'argent. Cela était d'une évidence brutale à défier tous les euphémismes. M. Maquet ne voulait être co-propriétaire que pour éviter d'être créancier de la faillite de M. Dumas, et ne pas subir le 23 0/0, comme les autres créanciers. A ce marchand on a appliqué la règle du Code de Commerce et la loi égalitaire de la faillite. C'était justice, et cela entrait au mieux dans la couleur locale.

« Il y a des portraits dans les Critiques et Croquis; il y en a trop peu. On fait beaucoup le portrait aujourd'hui, mais le portrait pour ainsi dire plastique, peignant l'homme physique, et, même quand il veut caractériser le talent et l'homme intellectuel, n'en donnant que les surfaces et les arêtes extérieures, sans aller jusqu'à la conscience.....

<«< Les portraits de M. Eugène Veuillot sont des jugements; on y sent, jusque dans le persifflage, l'accent de la justice et de la conscience, et il s'en faut que la justice ôte rien au relief. Quelques-uns sont croqués en deux lignes, M. de Tocqueville, par exemple: «Il voyait assez juste, il ne voyait pas loin; son regard s'éteignait devant un horizon étendu. »

«M. Villemain est encore pris en courant, et un peu pris au piége, dans un article que l'illustre académicien avait écrit sur le génie anglais dans l'Inde. La réplique de M. Eugène Veuillot est une moquerie splendide. Citons: « Nous devons à M. Villemain une fantaisie littéraire sur le génie « anglais dans l'Inde. Ce titre promet beaucoup; l'article ne tient rien. « Après avoir lu ces quinze pages d'une prose aimable, on ne sait qu'une «< chose, mais on la sait mal: c'est que l'Angleterre a eu dans l'Inde deux « fonctionnaires qui aimaient la littérature et la cultivaient en amateurs.

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