Obrazy na stronie
PDF
ePub

FONTENELLE' qui ne feront jamais attaqués que par l'envie, vient de ce que ces Ouvrages font pleins de fentimens; ceux qui fe plaignent qu'il y a trop d'efprit & de délicateffe font eux-mêmes à plaindre de ce qu'ils trouvent du trop, lorfque ce font des chofes dont on ne peut avoir affez. DELIE voulant ceffer d'aimer un Amant qu'elle croit volage, dit,

Poëfies Venez remplir ces jours dont je crains le danger, Paftorales Soins de ma Bergerie, amusemens utiles, Eglogue Vous n'êtes pas touchans, mais vous êtes tranquiles;

3.

Ah! ne me laiffez pas le loifir de songer,
Que l'on puiffe avoir un Berger.

Ce remplir, pour ne faire ici attention qu'à ce mot, marque bien que lorfque le cœur fe trouve faifi d'une grande paffion, quelque chofe qu'on faffe, elle a bien-tôt repris le deffus fi on lui donne le moindre moment pour fe faire entendre. On peut ici remarquer en paffant, la grande différence qui fe trouve entre la façon de penfer de DELIE, & la façon de penfer de Madame DURAND. Celleci croit que le plus grand des malheurs, c'eft de ne point aimer. Elle apelle la tranquilité d'un cœur qui n'aime plus un vuide affreux que rien ne fauroit remplir.

Rien ne fauroit remplir le vuide affreux, que laiffe L'oifiveté d'un cœur qu'occupa la tendreffe.

Elle ajoute:

D'un rigoureux pouvoir mon ame eft affranchie, Mais que ferai-je, ô Ciel! du refte de ma vie? De l'Amour tous les jours je regrette les maux Moins à craindre cent fois qu'un fi cruel repos.

Et en finiffant cette belle Elegie qui fe trouve fous le nom de cette Dame dans le 2. Tom. d'un nouveau Recueil de Vers, imprimé à Paris chez de Witte elle s'écrie,

Trop fortunés Amans, vous qui malgré les peines
Du Dieu qui fait aimer portez encor les chaines
Laiffez à la mort feule à finir vos amours.
11 faut n'aimer jamais, ou bien aimer toujours.

Quoi qu'on aperçoive, quand on y refléchit bien, que le fonds du fentiment eft le même dans DELIE & dans Madame DURAND, il eft cependant vrai de dire que ce fentiment eft fi différemment modifié chez l'une & fi diffé remment chez l'autre qu'on a peine à reconnoître qu'il foit le même. Cela doit être auffi, car entre une Bergére & une Dame de Paris la différence eft du tout au tout.

Je ne cite point ici d'exemples tirés des Poetes Grecs, ni des Poëtes, Latins, tout le monde fait que leurs Langues font beaucoup plus expreffives que la Françoife. Le droit qu'on a dans les Langues Grecque & Latine de joindre une ou meme plufieurs épithétes à un fubftantif, leur donne le moyen d'exprimer en peu de mots un très-grand fens. Tradui, fez, par exemple, en François l'Aurea Libertas d'HORACE & le Στήθεσσιν λα colo d'HOMERE, & Vous fentirez διοίσι dans quelle difette eft cette Langue par la fuppreffion des épithétes. RONSARD, qu'ADRIEN TURNEBE

reconnoît

pour un Poëte qui chantoit des Vers di-
gnes des MUSES & d'APOLLON mê
me, qui répandoit dans fes Ecrits les gra-
ces des Mufes Grecques & Latines;

RONSARDUS Carmen Mufis & Appoline
dignum

Qui pangit, qui Grajugena Latiaque Ca

mænd

Ornamenta fuis afpergit plurima chartis.

RONSARD, dis-je, furnommé le PRINCE DES POETES FRANÇOIS, a bien connu l'importance des Epithétes, il a voulu en rétablir l'ufage dans fa

Lan

[ocr errors]

Langue; mais les François privés de ce bon goût, que Madame DACIER nous affure être originaire d'Egypte, ont d'abord abandonné RON SARD. Ils ont mieux aimé fe dédire des grands Eloges qu'ils lui avoient donnés, & des Proverbes qu'ils avoient faits en fon honneur que de conferver dans leur Langue l'ufage des Epithétes. Je dois pourtant en excepter quelques Poëtes qui ont reconnu avec RONSARD combien il étoit utile d'imiter en cela les Grecs & les Romains, & parmi ces Poëtes je n'en vois point qui m'en fourniffe de plus beaux exemples que GARNIER. Ce fameux Tragique commence ainfi le premier Acte de fa PORCIE.

Des Enfers ténébreux les gouffres homicides, N'ont encore faoulé leurs cruautés avides, Encores my déferts, les Champs Tenariens Demandent à PLUTON de nouveaux Citoyens.

Et dans le fecond Choeur de l'Acte 4. de
CORNELIE;

O beau Soleil qui viens riant
Des lieux perleux de l'Orient,
Durant cette journée

De clairté rayonnée.

Voyez combien ces Vers font expreffifs,

C 4

com

combien d'idées il préfentent à l'efprit, & quels Eloges ne mériteroit pas GARNIER, fi nous n'avions point abandonné cette maniére d'écrire. Auffi BAIF lui difoit,

Si la Mufe Gregoife eft encor écoutée,

La tienne pour mille ans ne s'amortira pas.

Mais revenons au verbe de notre Remarque.

1

Tota

Ce verbe fonger eft admirable en cet endroit; car fi l'on a dit que la vie de l'homme eft un fonge perpetuel, vita fomniatio eft; à plus forte raifon doit-on traiter de rêverie toutes les penfées où fe plonge un Amant, lors qu'il abandonne fon coeur à la Tendreffe. C'eft toûjours le cœur qui féduit l'efprit eft le fonds de toutes les illufions qui nous occupent, qui nous font fonger, c'eft ce que ce mot fait entendre.

il

Mais, dira-t-on on, pourquoi le Poëte choifit-il un fujet plein de rêveries? N'en pouvoit-il trouver d'autre? helas! fi l'on brûloit tous les Livres écrits fur l'Amour, quels Livres ne brûleroit-on pas? On pourroit produire des endroits des Livres les plus révérés, où l'Amour est peint avec toute fa force & fa délicateffe. Plus circonfpect que d'autres Commen

tateurs,

« PoprzedniaDalej »