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que l'on fut obligé de le supprimer sur la fin du dixième ou au commencement du onzième siècle.

Tels furent les principaux établissemens religieux des Vosges (6). Chacun de ces monastères eut ses succursales particulières, qui devinrent par la suite de simples presbytères. Ces succursales se multiplièrent en raison des donations faites aux monastères et du progrès des missions. Dans cet accroissement progressif, les fondateurs ne possédèrent constamment que les seules richesses dignes de leurs vertus des hommes sobres et laborieux. Hydulphe rangea sous sa discipline jusqu'à trois cents cénobites. Mais l'impulsion du siècle, à laquelle aucune puissance ne peut résister, eut bientôt rompu l'équilibre que les fondateurs avaient établi, et lorsque déjà tout le pays était possédé par les moines des Vosges (a), les donations les rendirent possesseurs de vastes propriétés en Alsace où ils n'envoyaient aucune mission.

Il serait superflu de donner ici la série des abbés qui ont succédé aux fondateurs, les seuls dignes du souvenir et de la reconnaissance de la postérité. Il nous suffit de remarquer que le monastère de Galilée resta sous la surveillance d'Hydulphe durant les fréquentes absences de Dieudonné, dont la principale demeure était dans les états d'Attic, et qu'après le décès de l'évêque de Nevers, Hydulphe continua de diriger ce petit monastère.

à une

Un auteur justement estimé (Bexon) compare invasion du nord la multitude prodigieuse des moines qui peuplèrent tout-à-coup les quatre monastères des Vosges. Cet auteur parlait d'après le préjugé, reçu géné

(a) Galilée possédait une étendue de pays de sept lieues de long sur cinq de large.

Estival étendait sa juridiction temporelle sur quinze villages. Le reste de l'arrondissement appartenait aux abbayes de Senones et de Moyenmoutier, à l'exception du pays de Schirmeck et du Bande-la-Roche.

ralement, que les Vosges étaient encore un désert au septième siècle. Sans doute il se trouva parmi les premiers cénobites beaucoup d'étrangers, mais encore plus d'indigènes. Le but des fondateurs eût été manqué, s'ils eussent négligé d'appeler sous leur discipline les habitans du pays même qu'ils étaient chargés de civiliser, et nous avons vu que ce pays était déjà peuplé à cette époque. La prépondérance acquise à ces fondateurs par les hautes dignités dont ils étaient revêtus et par la supériorité de leurs lumières, dut leur rendre cette tâche d'autant plus facile. Un primat des Gaules (Hydulphe), un archevêque de Sens, un évêque de Nevers, un évêque de Toul, fils du seigneur le plus riche et le plus puissant du pays, devaient, avec le seul lévier des consciences, réunir sous leurs bannières des hommes aussi fatigués de leur propre férocité que malheureux par le sentiment de leur impuissance (a). La vocation religieuse dut être pour eux le premier effet de la conviction et le premier fruit de l'apostolat; c'était même le lien nécessaire entre ces établissemens religieux et la population qui les entourait, lien d'autant plus aisé à former qu'il s'agissait bien moins alors d'admettre des sujets éclairés que des hommes dociles et robustes. Tous les moines n'étaient pas prêtres ; laïcs pour la plupart, ils n'étaient distingués du peuple dans les églises que par l'habit, On n'appelait les frères à la cléricature qu'à défaut de prêtres; ce qui arriva rarement dans les premiers tems de ces monastères, où l'on préférait le travail d'un frère à l'oisiveté d'un prêtre. Mais dès que les moines furent assez riches pour renoncer au travail, on multiplia le nombre des prêtres. La dignité du sacerdoce enfla le coeur de la plupart de ceux qui y furent élevés, et ce qui devait les rendre plus humbles

(a) Tel a toujours été le commencement de la civilisation des peuples. Les Egyptiens cherchant un asile dans la Grèce deviennent les législateurs du pays, sous Inachus, Cécrops et Danaus.

et plus zélés pour la discipline religieuse, ne servit qu'à leur inspirer du mépris pour les frères et pour la règle. C'est à ce sujet que les pères de l'Église conseillaient aux moines d'éviter également les femmes et les évêques ; les femmes à cause du danger de leur commerce, les évêques à cause de la cléricature qu'ils confèrent.

..

Outre la vocation religieuse, les moines avaient un moyen de se recruter dans le pouvoir absolu qu'avaient les parens de suppléer à la vocation. Il était rare qu'une famille dévote et riche ne fût pas disposée à consacrer au service de l'Église un ou plusieurs enfans avec une partie de sa fortune; l'Église ne les admettait ainsi que dans l'âge de l'adolescence et pour les élever à l'ombre des autels. Le jour de l'admission était une fête pour la famille et pour le monastère les parens conduisaient au pied de l'autel le néophyte couronné de fleurs et décoré de la bulle ou de l'effigie du prince; après l'évangile il offrait au célébrant l'hostie, le calice et le vin; en signe d'adhésion, le prêtre acceptait ces instrumens du sacrifice; les parens accouraient près du néophyte, lui enveloppaient les mains avec la nappe de l'autel, et le prêtre prononçait à haute voix son admission. Ce vœu fait sous la puissance paternelle était irrévocable.

On trouve encore, dans les montagnes des Vosges et de la Haute-Saône, un reste de cet usage de la bulle introduit par les Romains. Les femmes de la campagne portent au cou de longues épingles d'argent, dont la tête est une bulle de la grosseur d'une petite noix, ou un cœur de même dimension, surmonté d'une bélière dans laquelle est passé le ruban noir qui les suspend sur la poitrine; l'épingle sert à fixer le fichu, mais le plus souvent elle reste suspendue comme une croix pectorale. Ces bulles ou cœurs renfermaient autrefois certains préservatifs imaginés par la superstition. Quant à l'effigie du prince, c'était le talisman le plus commun et à portée de toutes les fortunes on choisissait la plus petite pièce

de monnaie à fleur de coin, on la perçait au-dessus de la tête et on la suspendait au cou des enfans. Le luxe des Romains était de faire monter avec soin des médailles impériales d'or, que les enfans des deux sexes portaient en guise de bulles. Nous voyons encore aujourd'hui beaucoup de petites pièces d'argent perforées au-dessus de l'effigie du prince, qui servent au même usage parmi les juifs comme chez les catholiques.

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En peuplant ainsi les monastères, on les eut bientôt enrichis: la communauté recueillait l'héritage du cénobite voué à la pauvreté. Cet héritage matériel ne fut pas encore le plus grand mal de l'institution: un enfant ainsi élevé dans les principes du monachisme, était étranger à son siècle, à son pays et à son prince; il n'avait d'autre patrie que son monastère, d'autre souverain que son abbé, d'autres parens que les moines; il ne puisait dans l'esprit de corps que des leçons d'indépendance et de révolte contre le souverain dont il se croyait l'égal, de mépris et de dureté pour le peuple dont il n'avait partagé ni connu la misère, et enfin des leçons d'orgueil qui F'éloignaient de ses parens. Ce n'est pas avec de tels moyens que les Hydulphe, les Gondebert et les Dieudonné appelèrent les Vosgiens au christianisme.

Les premières institutions, appropriées au goût du siècle, furent favorables aux montagnes des Vosges tant que les moines se livrèrent aux travaux de la culture. Mais l'abus des richesses ayant fait dégénérer ces institutions, les moines aspirèrent à la domination. L'envie d'acquérir fit naître le besoin de conserver, et le petit monastère de Dieudonné fut le premier changé en une citadelle. Ce n'était plus comme au tems du fondateur l'asile de l'indigence, le toit hospitalier : ce monastère devint la sentine de tous les vices. (a)

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(a) Histoire du monastère de Galilée, par le chanoine HERQUEL, de Plainfaing.

Les mêmes désordres se propageaient dans les autres monastères. La dignité d'abbé, que cent ans auparavant on n'acceptait qu'en tremblant, devint un sujet de discorde parmi les religieux tous aspiraient à cette dignité, dans laquelle on ne voyait plus que le pouvoir absolu et l'abus des richesses, passions effrénées des hommes corrompus et des cœurs blasés. Enfin on pouvait appliquer aux Vosges ce que l'apôtre de l'Allemagne (a) disait des prêtres de son tems : « autrefois nous avions » des prêtres d'or qui sacrifiaient dans des calices de » bois; aujourd'hui nous avons des prêtres de bois qui » sacrifient dans des calices d'or. »

Un si prodigieux changement dans les moeurs des moines leur fit perdre la considération dont leurs prédécesseurs avaient joui (b). Cependant ils vivaient en paix dans l'opulence, loin du bruit des armes et des troubles qui déchiraient l'Austrasie. Mais les partis qui se formèrent à la suite des guerres soutenues par Charles Martel, se répandirent partout où ils espéraient trouver du butin. Les monastères des Vosges n'échappèrent pas à leurs recherches. La forteresse de Galilée résista d'abord et cette résistance tourna au détriment des habitans. Ceux-ci, dépouillés tandis que les moines étaient dans l'abondance, crurent se venger des excès dont ils gémissaient en accusant la religion des crimes de ses ministres. Un fléau terrible, la famine accompagnée de toutes ses horreurs, cortége inséparable des guerres de cette époque, acheva de ravager le pays et mit le comble à la désolation. Dès-lors il ne resta plus de frein à l'égarement des esprits; l'ignorance des ecclésiastiques, l'abrutis

(a) Boniface au concile de Trèves (neuvième siècle).

(b) Ces désordres étaient partout les mêmes; l'archevêque Tilpia s'en plaignait au pape Adrien: et clerici et sacerdotes et monachi et sanctimoniales, sine lege ecclesiasticá, pro voluntate et licentiâ vivent. FRODOARD, cap. 13, Hist. remensis ecclesiæ.

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