Obrazy na stronie
PDF
ePub

Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié :
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet 1 toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre.

FABLE VII.

LA LICE ET SA COMPAGNE.

UNE lice 2 étant sur son terme, 3

Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant,
Fait si bien qu'à la fin sa compagne consent
De lui prêter sa hutte, où la lice s'enferme.
Au bout de quelque temps sa compagne revient.
La lice lui demande encore une quinzaine;
Ses petits ne marchaient, disait-elle, qu'à peine.
Pour faire court, elle l'obtient.

Ce second terme échu, l'autre lui redemande
Sa maison, sa chambre, son lit.

La lice cette fois montre les dents, et dit:
Je suis prête à sortir avec toute ma bande
Si vous pouvez nous mettre hors.

Ses enfants étaient déjà forts.

Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette :
Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête

Il faut que l'on en vienne aux coups;
Il faut plaider; il faut combattre.
Laissez-leur prendre un pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.

(1) Fils de Jupiter, père de Prométhée. (2) Chienne de chasse.(3) Près de faire ses petits.

FABLE VIII.

L'AIGLE ET L'ESCARBOT.

L'AIGLE donnait la chasse à maître Jean lapin,
Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite.
Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte

Etait sûr: mais où mieux? Jean lapin s'y blottit.
L'aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L'escarbot intercède, et dit :

Princesse des oiseaux, il vous est fort facile
D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux :
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie;
Et puisque Jean lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux :
C'est mon voisin, c'est mon compère.
L'oiseau de Jupiter, 1 sans répondre un seul mot,
Choque de l'aile l'escarbot,

L'étourdit, l'oblige à se taire,

Enlève Jean lapin. L'escarbot indigné
Vole au nid de l'oiseau, fracasse en son absence
Ses œufs, ses tendres œufs, sa plus douce espérance:
Pas un seul ne fut épargné.

L'aigle étant de retour, et voyant ce ménage,
Remplit le ciel de cris; et, pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert.
Elle gémit en vain; sa plainte au vent se perd.
Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.
L'an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut.
L'escarbot prend son temps, fait faire aux œufs le saut :
La mort de Jean lapin derechef est vengée.
Ce second deuil fut tel, que l'écho de ces bois
N'en dormit de plus de six mois.
L'oiseau qui porte Ganymede2

Du monarque des dieux enfin implore l'aide,

(1) L'aigle. —(2) Favori de Jupiter; il lui verse le nectar.

Dépose en son giron ses œufs, et croit qu'en paix
Ils seront dans ce lieu; que, pour ses intérêts,
Jupiter se verra contraint de les défendre:
Hardi qui les irait là prendre.

Aussi ne les y prit-on pas.

Leur ennemi changea de note,
Sur la robe du dieu fit tomber une crotte:
Le dieu la secouant jeta les œufs à bas.
Quand l'aigle sut l'inadvertance,
Elle menaça Jupiter

D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert;
De quitter toute dépendance,

Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter se tut:

Devant son tribunal l'escarbot comparut,
Fit sa plainte, et conta l'affaire.

On fit entendre à l'aigle, enfin, qu'elle avait tort.
Mais, les deux ennemis ne voulant point d'accord,
Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire,
De transporter le temps où l'aigle fait l'amour
En une autre saison, quand la race escarbote
Est en quartier d'hiver, et, comme la marmotte, 1
Se cache et ne voit point le jour.

FABLE IX.

LE LION ET LE MOUCHERON.

VA-T'EN, chétif insecte, excrément de la terre!
C'est en ces mots que le lion

Parlait un jour au moucheron.
L'autre lui déclara la guerre.

Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
Me fasse peur ni me soucie?

Un bœuf est plus puissant que toi;
Je le mène à ma fantaisie.

(1) Animal dormant une partie de l'année.

A peine il achevait ces mots,
Que lui-même il sonna la charge, 1
Fut le trompette et le héros.
Dans l'abord il se met au large,
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du lion, qu'il rend presque fou.

Le quadrupède écume, et son œil étincelle;
Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ;
Et cette alarme universelle

Est l'ouvrage d'un moucheron.

Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle;
Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau,
Tantôt entre au fond du naseau.

La rage se trouve alors à son faîte montée.
L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir
Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée,
Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs,
Bat l'air, qui n'en peut mais; et sa fureur extrême
Le fatigue, l'abat: le voilà sur les dents. 3

2

L'insecte, du combat se retire avec gloire :
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade 4 d'une araignée;

Il y rencontre aussi sa fin.

Quelle chose par-là nous peut être enseignée ?
J'en vois deux, dont l'une est qu'entre nos ennemis
Les plus à craindre sont souvent les plus petits;
L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire,
Qui périt pour la moindre affaire.

(1) Donna le signal du combat. —(2) Davantage. — (3) Sur les dents pour rendu. (4) La toile.

FABLE X.

L'ANE CHARGÉ D'ÉPONGES, ET L'ANE CHARGÉ DE SEL.

UN ânier, son sceptre 1 à la main,
Menait, en empereur romain,
Deux coursiers à longues oreilles.

L'un, d'éponges chargé, marchait comme un courrier ;
Et l'autre, se faisant prier,

Portait, comme on dit, les bouteilles : 2
Sa charge était de sel. Nos gaillards pélerins,
Par monts, par vaux, et par chemins,
Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent,
Et fort empêchés se trouvèrent.

L'ânier, qui tous les jours traversait ce gué-là,
Sur l'âne à l'éponge monta,

Chassant devant lui l'autre bête,

Qui, voulant en faire à sa tête,
Dans un trou se précipita,
Revint sur l'eau, puis échappa:
Car, au bout de quelques nagées, 3
Tout son sel se fondit si bien

Que le baudet ne sentit rien

Sur ses épaules soulagées.

Camarade épongier prit exemple sur lui,
Comme un mouton qui va dessus 4 la foi d'autrui.
Voilà mon âne à l'eau; jusqu'au col il se plonge,
Lui, le conducteur, et l'éponge,

Tous trois burent d'autant: l'ânier et le grison
Firent à l'éponge raison. 5

Celle-ci devint si pesante,

Et de tant d'eau s'emplit d'abord,

Que l'âne succombant ne put gagner le bord.

(1) Son fouet ou son bâton. - (2) C'est-à-dire, marchait à pas

lents. (3) Elan des nageurs.

d'eau comme l'éponge.

(4) Sur. (5) Se remplirent

« PoprzedniaDalej »