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moins essentiel au poète qu'au philosophe, à l'historien, à l'orateur.

Mais chacune des qualités de l'esprit a son genre de poésie où elle domine : par exemple, la finesse a l'épigramme en partage; la délicatesse, l'élégie et le madrigal; la légèreté, l'épître familière; la naïveté, la fable; l'ingénuité, l'idylle; l'élévation, l'ode; la tragédie, l'épopée.

Il est des genres qui demandent plusieurs de ces qualités réunies : la comédie, par exemple, exige à la fois la sagacité, la pénétration, la souplesse, la force, la légèreté, la finesse. La tragédie et l'épopée ne demandent pas moins de profondeur que d'élévation, et de force que d'étendue. Voyez GÉNIE, IMAGINATION., INVENTION, PATHÉTIQUE, elc.

Un don qui n'est guère moins essentiel au poète que ceux de l'esprit et de l'ame, c'est une oreille délicate. Celui à qui le sentiment de l'harmonie est inconnu doit renoncer à la poésie. Voyez HARMONIE DE STYLE.

Mais tous ces talents réunis, ou périraient de sécheresse, ou ne produiraient que des fruits sauvages, s'ils n'étaient pas nourris, fécondés par l'étude.

Ici, comme dans tous les arts, la première étude est celle de soi-même. Si l'imagination se frappe, si le cœur s'affecte aisément, s'il y a de l'une à l'autre une correspondance mutuelle et rapide; si l'oreille a pour le nombre et l'harmo

nie une délicate sensibilité; si l'on est vivement touché des beautés de la poésie; si l'ame, échauffée à la vue des grands modèles, se sent élevée au-dessus d'elle-même par une noble émulation; si, dès qu'on a conçu l'idée essentielle et primitive d'un sujet, on la voit au-dedans de soi-même se développer, se colorer, s'animer, et devenir féconde; si l'on éprouve ce besoin, cette impatience de produire qui vient de l'abondance et de la chaleur des esprits; si l'on saisit facilement le rapport des idées abstraites avec les objets sensibles, dont elles peuvent revêtir les couleurs, ou plutôt si ces idées naissent dans l'esprit revêtues de ces images; si les objets se présentent d'eux-mêmes sous la face la plus intéressante, la plus favorable à la peinture; si surtout, à l'idée d'un objet pathétique, les sentiments naissent en foule et se pressent dans l'ame, impatients de se répandre; on peut se croire né poète :

Huic Musæ indulgent omnes, hunc poscit Apollo.

(VIDA.)

A moins de ces dispositions naturelles, on fera peut-être des vers pleins d'esprit, mais dénués de poésie.

A l'étude de ces moyens personnels doit succéder l'étude des moyens étrangers. L'instrument de la poésie c'est la langue : et si tout homme qui se mêle d'écrire doit commencer par bien

connaître les règles, le génie, et les ressources de la langue dans laquelle il écrit ; cette connaissance est encore mille fois plus nécessaire au poète, dans les mains duquel la langue doit avoir la docilité de la cire, à prendre la forme qu'il voudra lui donner. Les variétés, les nuances du style, sont infinies, et leurs degrés inappréciables. Le goût, ce sentiment délicat de ce qui doit plaire ou déplaire, est seul capable de les saisir. Or, le goût ne s'enseigne point; il s'acquiert par l'usage fréquent du monde, par l'étude assidue et méditée du petit nombre des bons écrivains; encore suppose-t-il une finesse de perception qui n'est pas donnée à tous les hommes: la nature fait l'homme de génie, et commence l'homme de goût.

Conime elle est le premier modèle et le grand livre du poète, c'est elle surtout qu'il importe d'étudier, et l'objet le plus intéressant qu'elle présente à l'homme, c'est l'homme même. Mais dans l'homme, il y a l'étude de la nature, celle de l'habitude, celle de l'habitude et de la nature combinées, ou, si l'on veut, de la nature modifiée par les mœurs. Voyez MOEURS.

Le physique a deux branches comme le moral, la simple nature, et la nature modifiée par les

arts.

Le tableau de la nature physique est lui seul d'une richesse, d'une variété, d'une étendue à occuper des siècles d'étude : mais tous les détails

n'en sont pas favorables à la poésie; tous les genres de poésie ne sont pas susceptibles des mêmes détails. Ainsi le poète n'est pas obligé de suivre les pas du naturaliste. On exige encore moins de lui les méditations du physicien et les calculs de l'astronome. C'est à l'observateur à déterminer l'attraction et les mouvements des corps célestes; c'est au poète à peindre leur balancement, leur harmonie, et leurs immuables révolutions. L'un distinguera les classes nombreuses d'êtres organisés qui peuplent les éléments divers; l'autre décrira, d'un trait hardi, lumineux et rapide, cette échelle immense et continue, où les limites des règnes se confondent, où tout semble placé dans l'ordre constant et régulier d'une gradation universelle, entre les deux limites du fini, et depuis le bord de l'abîme qui nous sépare du néant, jusqu'au bòrd de l'abîme opposé qui nous sépare de l'être essence. Les ressorts de la nature et les lois qui règlent ses mouvements, ne sont pas de ces objets qu'il est aisé de rendre sensibles; et la poésie peut les négliger. Les causes l'intéressent peu ; c'est aux effets qu'elle s'attache. Tandis que le physicien analyse le son et la lumière, le poète fera donc entendre à l'ame l'explosion du tonnerre et ces longs retentissements qui semblent, de montagne en montagne, annoncer la chute du monde. Il lui fera voir le feu bleuâtre des éclairs se briser en lames étincelantes, et fendre

par

à sillons redoublés cette masse obscure de nuages qui semble affaisser l'horizon. Tandis que l'un tâche d'expliquer l'émanation des odeurs, l'autre rend ce phénomène visible à l'esprit, en feignant que les zéphyrs agitent dans l'air leurs ailes humectées des larmes de l'aurore et des doux parfums du matin. Que le confident de la nature développe le prodige de la greffe des arbres; c'est assez pour Virgile de l'exprimer en deux beaux vers:

Exiit ad coelum, ramis felicibus, arbos,
Miraturque novas frondes et non sua poma.

On voit, par cese xemples, que les études du poète ne sont pas celles du philosophe. Celuici étudie la nature pour la connaître ; et celuilà pour l'imiter l'un veut expliquer, et l'autre veut peindre. Il faut avouer cependant que, si les profondes recherches du philosophe ne sont pas essentielles au poète, au moins lui seraientelles d'une grande utilité; et celui que la nature a initié dans ses mystères, aura toujours, sur des hommes superficiellement instruits, un avantage prodigieux. La physique est à la poésie ce que l'anatomie est à la peinture: elle ne doit pas s'y faire trop sentir; mais revêtue des grâces de la fiction, elle y joint le charme de la vérité.

La simple nature est donc pour la poésie une mine abondante; la nature modifiée par l'industrie n'a pas moins de quoi l'enrichir.

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