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rieur de l'action; et nous n'y ajoutons foi qu'autant que nous les voyons arriver comme dans la nature, c'est-à-dire, selon l'idée que nous avons des moyens qu'elle emploie et des procédés qu'elle suit. Res autem ipsæ ita deducendæ disponendaque sunt, ut quam proxime accedant ad veritatem. (Scal.)

le

Cependant la chaîne des causes et des effets n'est pas si constamment visible, et le cercle des facultés de la nature n'est pas si marqué, que vrai connu soit la limite du vrai possible ; et c'est par une extension de nos idées que la poésie s'élève du familier à l'extraordinaire ou au merveilleux naturel.

Dans la nature tout est simple et facile pour elle, et tout devrait être merveilleux pour nous. Un homme sensé ne peut réfléchir sans étonnement, ni à ce qui lui vient du dehors, ni à ce qui se passe au-dedans de lui-même. L'organisation d'un brin d'herbe est aussi prodigieuse que la formation du soleil ; le mouvement qui passe d'un grain de sable à l'autre, est aussi mystérieux que la propagation de la lumière et que l'harmonie des sphères célestes; mais l'habitude nous rend l'incompréhensible même si familier, qu'à la fin il nous paraît commun. « Au bout d'un an, le monde a joué son jeu ; il n'y sait plus rien que de recommencer. » ( Montaigne.) Voilà du moins ce qui nous en semble : nous croyons retrouver tous les ans le même tableau ; et les variétés in

finies qu'il étale, y sont distribuées avec une harmonie si constante, une si parfaite unité de dessein, que la nature s'y fait voir toujours semblable à elle-même.

Mais si, dans la fiction du poète, la nature, en s'éloignant de ses sentiers battus, produit un composé moral ou physique d'une singularité qui ressemble au prodige, l'étonnement nous porte à l'incrédulité ; et c'est là qu'il est difficile de ménager la vraisemblance. Voyez MERveilleux.

Si la feinte passe les moyens et les facultés que nous attribuons à la nature; si elle emploie d'autres ressorts, d'autres mobiles que les siens; si, au lieu de la chaîne qui lie les événements et de la loi qui les dispose, elle établit des intelligences pour y présider et des causes libres pour les produire; ce nouvel ordre de choses nous étonne encore davantage : mais l'opinion l'autorise, et il est moins invraisemblable que le merveilleux naturel.

Pour nous faire imaginer la nature appliquée à former un prodige, il faut d'abord que l'objet en soit digne à nos yeux, par l'importance que nous y attachons; et de plus, que les moyens que la nature a mis en œuvre nous soient inconnus ou cachés, comme les cordes d'une machine: dès que nous les apercevons, apercevons, l'admiration

se refroidit.

La nature, aux yeux de la raison, n'est jamais plus étonnante que dans les petits objets In

ses;

arctum coacta rerum naturæ majestas (Pline l'ancien), je le sais; mais ce n'est point à la raison que s'adresse la poésie, c'est à l'imagination. Or, celle-ci ne peut se figurer la nature sérieusement appliquée à produire un papillon. Aristote l'a dit : la beauté sensible n'est pas dans les petites choelle consiste dans une composition régulière et harmonieuse, qui, pour se développer aux yeux, exige une certaine étendue. Or, l'imagination se décide sur le témoignage des sens: ce qu'ils n'aperçoivent qu'en petit ne saurait donc lui paraître digne d'occuper la nature. Les plus grands génies ont pensé quelquefois à cet égard comme le vulgaire : Magna di curant, parva negligunt, dit Cicéron; et il en donne pour raison l'exemple des rois Nec in regnis quidem reges omnia minima curant : « comme si à ce roi-là, dit Montaigne, c'était plus et moins de remuer un empire ou la feuille d'un arbre, et si sa providence s'exerçait autrement, en inclinant l'événement d'une bataille ou le saut d'une puce ». Il résulte cependant de la façon de concevoir commune au plus grand nombre, que le merveilleux dans les petites choses doit être renvoyé aux contes des fées, et que, si la poésie en fait usage, ce ne doit être qu'en badinant.

Quant aux moyens que la nature emploie pour opérer un prodige, s'ils sont connus, il faut les déguiser, et, par des circonstances nouvelles, nous dérober la liaison de la cause avec les effets.

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La comète qui parut à la mort de Jules-César fut un prodige pour Rome. Si sa révolution eût été calculée et son ellipse décrite, ce n'eût été qu'une planète comme une autre, qui eût suivi le branle commun. Mais qu'eût fait le poète alors! Il eût donné à la chevelure de la comète une forme étrange, un immense volume; et dans ses feux redoublés à l'approche de la terre, il eût marqué l'intention de la nature d'épouvanter les Romains.

L'aurore boréale a pu donner autrefois, comme l'a observé un philosophe célèbre, l'idée de l'assemblée des dieux sur l'Olympe; aujourd'hui qu'elle est au nombre des phénomènes les plus communs, elle attire à peine les regards du peuple: mais qu'un poète sût agrandir l'image de ces lances de feu, que semble darder une invisible main des bords de l'horizon jusqu'au milieu du ciel, et appliquer ce phénomène à quelque événement terrible; il reprendrait, même à nos yeux, le caractère effrayant de prodige.

Il est tout simple que, dans les ardeurs de l'été, une rivière se déborde, enflée par un orage, et tarisse le lendemain. Homère rapproche ces deux circonstances: au lieu de l'orage, c'est le Xante lui-même qui s'irrite et qui enfle ses eaux; au lieu des chaleurs de l'été, c'est Vulcain qui fait consumer les eaux du fleuve par les flammes.

Lucain, en décrivant les signes redoutables qui annoncèrent la guerre civile: «L'Etna, dit-il,

vomit ses feux, mais sans les lancer dans les airs; il inclina sa cime béante, et répandit des flots d'un bitume enflammé du côté de l'Italie ».

Dans la Jérusalem du Tasse, les nuages qui versent la pluie dans le camp de Godefroi, ne se sont pas élevés de la terre, ils viennent des réservoirs célestes :

Ecco subiti nubi, e non de terra

Già per virtù del sole in alto ascese ;
Ma sol dal ciel, che tutte apre e disserra
Le porte sue, veloci in giù discese.

Voilà ce que j'appelle donner à un événement familier le caractère du merveilleux, et à ce merveilleux un air de vraisemblance : car dans tous ces exemples la grandeur de l'objet répond à celle du prodige, dignus vindice nodus.

J'ai déjà dit en quoi consiste le merveilleux naturel, et je ne fais ici qu'en détailler encore l'idée. Dans le moral, ce qui est le plus digne d'admiration et d'amour, un Burrhus, un Mornai, un Télémaque, une Zaïre, une Cornélie : dans le physique, ce qui peut nous causer l'émotion du plaisir la plus pure et la plus sensible, une vie délicieuse comme celle de l'âge d'or, des lieux enchantés comme Eden, ou comme les îles Fortunées, surtout l'image de ce que nous appelons par excellence la beauté, une taille élégante et correcte, la douceur, la vivacité, la sensibilité, la noblesse, toutes les grâces réunies dans les traits du visage, dans la forme et les mouvements du

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