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n'est

que de trois mesures et demie, lorsqu'il n'a pas la finale muette,

Bēllě nīmphě, tēs ǎttrāits ;

ce qui fait réellement un vers tronqué, comme l'appellent les Italiens. Il est bien vrai que, par un silence, dans l'intervalle d'un vers à l'autre, la mesure est remplie ; mais ce silence même retarde la course du vers; et ces petits vers doivent courir.

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Il n'en est pas de même de l'iambe 1° il abonde dans la langue française: amant, soupirs, revers, désirs, amour, j'attends, venez, volez rivaux, etc. : 2o il soutient la voix, et marque la cadence par une voyelle sonore : 3o nos articles et nos pronoms concourent eux-mêmes à le former en se joignant à des monosyllabes: la mort, le temps, ma foi, je plains, tu vas, tu vas, il est : 4° le vers de sept, mesuré en iambes, a, comme le vers anacréontique, une syllabe superflue; mais, au lieu que dans l'anacréontique cette syllabe est la dernière

dans le nôtre c'est la première; car c'est sur la première que le vers est frappé :

Pensez vous que l'himěnēe

N'ait pas éteint son flambeau ?

D'où il résulte que, du vers féminin au masculin, le passage est sans intervalle; car la finale

muette de l'un va se joindre immédiatement à l'initiale de l'autre, et forme un iambe avec elle : ainsi le nombre roule sans aucune interruption.

Au reste, il est aisé, même dans notre langue, de renverser le mouvement de ces deux nombres un monosyllabe long, placé avant des iambes, en fera des chorées ; un monosyllabe bref, placé avant des chorées, en fera des iambes; et sans prétendre qu'il soit possible de donner constamment à nos vers ni l'un ni l'autre de ces deux rhythmes, je crois devoir recommander de s'en occuper quelquefois. Dans le lyrique, ils ont tant d'influence sur le caractère du chant, qu'on doit avoir appris à les y adapter au besoin; et dans l'ode elle-même, celui des deux qui dominera se fera sentir à l'oreille, ou par un mouvement plus soutenu et plus majestueux, si c'est l'iambe, ou si c'est le chorée, par un mouvement plus léger.

J'ai dit que dans le vers anacréontique c'est la finale qui est isolée, et que dans notre vers de sept syllabes c'est l'initiale qui doit l'être. Or, à cette syllabe isolée, ajoutez-en une qui la précède et qui fasse avec elle une mesure pleine; vous aurez le vers de huit syllabes, lequel répond à l'iambe trimètre, ou au glyconique des anciens. Je ne dis pas encore qu'il soit possible de l'assimiler constamment à ces vers; mais plus il en approche, et plus il est harmonieux. Cependant il faut convenir que, sans affecter au

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cun rhythme, le vers de huit syllabes à singulièrement le don d'imposer à l'oreille, et qu'avec toute la liberté qu'il se donne d'associer des nombres contraires, il paraît encore très-nombreux. Cette illusion vient de ce qu'en récitant les belles odes dont ce vers compose les stances, ou les beaux vers lyriques parmi lesquels il est mêlé, on profite de l'indécision de nos quantités prosodiques, pour lui donner une cadence artificielle. Les poètes qui l'ont employé, comme Malherbe et Rousseau, n'ont rien négligé pour le rendre sonore, pompeux, éclatant; ils en ont formé les plus belles périodes poétiques, les stances les mieux divisées et les mieux arrondies; et par l'entrelacement des rimes, le jeu symétrique des désinences, l'éclat des paroles, enfin par la facilité d'y soutenir la voix et de lui donner le degré de lenteur ou d'impulsion que demande le sentiment, l'image, ou la pensée, on en a fait le plus imposant de nos vers.

Serait-il plus harmonieux encore, si l'on y ob. servait le nombre? Celui qui fera cette question n'a point d'oreille, et mes raisons ne lui en donneront pas.

Cependant je ne dois pas dissimuler qu'il y a des nombres composés dont l'effet est sensible et la cause inconnue; et c'était surtout de ces nombres que les anciens faisaient usage pour émouvoir les passions. Platón les trouvait si dangereux, qu'il déclarait sérieusement que la répu

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blique était perdue si la poésie employait ces nombres; au lieu, disait-il, que tout ira bien si l'on n'emploie que des nombres simples, Observons que ces nombres composés sont des mesures irrégulières qui renversent le mouvement donné et qui déconcertent l'oreille; tels, par exemple, que le bacque, -, le crétique, -v-, le coriambe, --, le dichorée, --, l'épitrite, les " pœans, composés de trois brèves et d'une longue dans leurs quatre combinaisons, le dispondée le mésodactyle, etc. C'était ce trouble des cadences rompues et des mouvements opposés que Platon redoutoit pour les esprits et pour les ames, Il s'en faut bien que nous soyons susceptibles de ces impressions qui dans la Grèce changeaient les mœurs des peuples et la fortune des états: nos législateurs peuvent se dispenser de régler les mouvements de la poésie et de la musique. Mais du plus au moins, l'effet du nombre est invariable; ce qui, du temps de Platon, exprimait le trouble de l'ame et le désordre des passions, l'exprime encore; et l'effet n'en est qu'affaibli. Dans les nombres irréguliers, que l'instinct des poètes a choisis

pour animer nos vers, il serait donc possible de découvrir les éléments de cette harmonie mystérieuse que nous y sentons quelquefois. Mais celle-là est donnée à la prose; et après avoir recherché tous les moyeus de perfectiouner nos vers du côté du rhythme qui leur est propre,

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j'en reviens à ce sentiment dont je ne puis me détacher, que, quelque charme qu'aient pour nous de beaux vers, on ne doit pas les regarder comme une forme inséparable du langage poétique.

Aristote l'a dit : c'est le fond des choses, non la forme des vers, qui fait le poète et qui constitue la poésie. Or si le charme des vers d'Homère n'était pas de l'essence de la poésie; si on la concevait dénuée de cette cadence harmonieuse et imitative, qui animait tout, qui exprimait tout; exigera-t-elle des vers sans rhythme, et dont le mouvement irrégulier n'imite jamais presque rien.

Un vers italien, un vers allemand, un vers anglais, n'a ni cadence, ni mesure sensible pour une oreille française; un vers français n'en a guère plus pour l'oreille de nos voisins : personne, même aujourd'hui, ne peut dire qu'il sente bien distinctement le rhythme du vers senaire des anciens, du vers de Térence et d'Euripide. Il n'y aurait donc pour nous ni poésie dramatique, ancienne, ni aucune espèce de poésie étrangère, comme il n'y aurait pour les étrangers aucune espèce de poésie française; et le vers qui varie sans cesse d'une langue à l'autre au point d'être méconnaissable pour qui n'y est point accoutumé, serait pourtant un attribut inséparable de la poésie! C'est ce qui me semble aussi difficile à soutenir qu'à concevoir.

Élém, de Littér. IV.

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