Obrazy na stronie
PDF
ePub

L'asclepiade est coupé à l'hémistiche par un repos qui fait un vide de deux temps, et ce silence, joint à la syllabe longue qui marque la césure, forme une mesure complète. Mais si dans notre vers le silence n'est pas compté, ou s'il occupe une mesure entière, le premier hémistiche alors, se saisissant de la syllabe superflue, ne formera que deux pieds absolus, et se divisera en deux et quatre, en quatre et deux, ou en trois

et trois.

Division en deux et quatre.

Enfin jě mě dérobe à la foule importune.

Division en quatre et deux.

Ce que lă nuit des temps enferme dans ses voiles.

Division en trois et trois.

Lě moment où jě pārle est déjà loin de moi.
Să croupě se recourbe en replis tortueux.
Mais lě zěphir leger et l'onde fugitive.
Animě l'univērs, et vit dans tous les cœurs.
Jě soŭhāitě, je crāins, je veux, je me repens.

Enfin, parmi les temps du vers, peuvent être comptés les petits silences de la récitation; et c'est un des moyens qu'emploient les bons lecteurs, même sans s'en apercevoir, pour donner à nos vers une marche nombreuse.

On a voulu réduire nos vers héroïques à la mesure de l'iambe trimètre; mais l'analogie n'en

est pas la même qu'avec l'asclépiade; et aucun poète, en les récitant, ne leur donné la coupe de l'iambe. J'en excepte les occasions où le rhythme, changé d'un hémistiche à l'autre, rend l'harmonie imitative, comme dans l'expression des mouvements passionnés :

Ils nous ont appelés cruēls, tirāns, jaloux.

On emploie aussi quelquefois ces cadences rompues, pour donner à l'expression le caractère de l'image:

Trăçat ǎ pās tārdīfs un pénible sillon.

La preuve que Boileau mesurait ce premier hémistiche en iambes, c'est qu'il ne s'aperçut pas de cette cacophonie, tracát à pas tar, que lui reprochait un mauvais poète; et c'est ainsi qu'en tronquant le rhythme et en altérant la mesure, un critique mal intentionné ou mal instruit, gâtera de beaux vers.

Voyons à présent si tous nos vers français sont, comme le vers héroïque, réductibles aux lois du nombre.

Le vers de six syllabes n'est que le second hémistiche du vers de douze; et de là vient qu'ils se marient si bien ensemble:

Mais elle était du monde, où les plus belles choses

Ont le pire destin;

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,

L'espace d'un matin.

(MALHERBE.)

En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,

Nous passons près des rois tout le temps de nos vies
A souffrir des mépris, à ployer les genoux.

Ce qu'ils peuvent n'est rien: ils sont ce que nous sommes,
Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

(MALHERBE.)

Le vers de dix syllabes est aussi le vers de douze, auquel il manque un pied, s'il est frappé sur la seconde et mesuré en iambique; et un demi-pied, s'il est, frappé sur la première et mesuré en asclépiade.

Iambigne de dix syllabes.

L'Amour est nu; mais il n'est pas crottě.

Iambique de douze.

Le dieu d'amour ēst nū; māis īl n'ēst pās crottē.

Asclepiade tronqué.

Être l'Amour quelquefois je děsire.

Asclepiade plein.

Lēs ārmes de l'Amour quelquefois jě děsire.

Le vers que les Italiens appellent hendécasyllabe, n'est que notre vers de dix syllabes iambique, à finale brève, mais coupé tantôt à la cinquième, comme le saphique,

Pindarum quisquis studet æmulari ;

ou comme l'alcaïque,

Qualem ministrum fulminis alitem ;

tantôt coupé à la sixième, comme le phaleuce, qui dans Catulle a tant de mollesse et de grâce, Passer mortuus est puellæ meæ ;

variété sans laquelle il serait monotone, par l'uniformité de ses désinences tombantes.

Le vers français de dix syllabes n'a pas la même diversité de coupe; son repos est à la quatrième. Cependant, comme je l'ai dit, il est sauvé de la monotonie par l'inégalité de ses deux hémistiches, par la diversité de ses désinences, et singulièrement par la variété de rhythme dont il est susceptible, selon qu'il est coupé en iambes ou en dactyles. Moins majestueux que le vers de douze, il a sur lui l'avantage d'un mouvement plus vif et plus pressé, dans le passage d'un vers à l'autre ; et par là il me semble convenir beaucoup mieux à la poésie familière et légère. Ceci demande à être expliqué.

Quand les vers débutent par une mesure complète, l'intervalle de l'un à l'autre est un vide absolu, de l'espace d'un pied; au lieu que si le vers commence par une mesure tronquée, le silence d'un vers à l'autre n'en sera que le complément. Par exemple, si un vers dactylique débute par un iambe, l'intervalle n'est que d'un temps, lequel, avec les trois temps de l'iambe, forme une mesure complète. Aussi nos vers de dix syllabes, dans leur succession rapide, sont

ils plus susceptibles d'enjambement que nos vers héroïques, dont l'intervalle est plus marqué.

Le vers de sept syllabes a, sur le vers de huit, ce même avantage d'être moins suspendu et inoins ralenti dans sa course. Il semble avoir pris pour modèle le vers anacréontique ; et selon qu'il est frappé sur la première ou sur la seconde, il a le mouvement ou du chorée,

l'iambe, ~-.

[ocr errors]

ou de

Le rhythme du chorée est plus favorable à la poésie italienne qu'à la nôtre : 1o parce que le chorée est assez rare dans notre langue, et très fréquent dans la langue italienne : l'aura, l'onda, caro, fonte, pianto, sorte, canto, tremo, senti, venti. Une foule de noms, une foule de verbes italiens sont jetés dans ce moule; et au contraire le peu que nous avons de chorées dans notre langue, sont encore le plus souvent précédés d'un article ou d'un pronom qui les altère, à moins qu'il ne s'élide: la plainte, mes larmes, je tremble, tu n'oses, etc. : 2o parce que l'e muet qui, dans notre langue, est la finale du chorée. n'a pas autant de son que la brève italienne, et ne nous donnerait qu'une cadence faible et languissante, si elle était continue: 3o parce que le vers trochaïque italien,

Frēmě l'ondă, mâncă l'ārtě,

a quatre mesures complètes; au lieu que le vers français de sept syllabes, mesuré en trochées,

« PoprzedniaDalej »