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parce qu'il n'est que tendre, et qu'il n'est point passionné. Tant que la passion d'Hermione est contrainte, elle dit vous, en parlant à Pyrrhus :

Du vieux père d'Hector la valeur abattue
Aux pieds de sa famille expirante à sa vue,
Tandis que dans son sein votre bras enfoncé
Cherche un reste de sang que l'âge avait glacé ;
Dans des ruisseaux de sang Troie ardente plongée;
De votre propre main Polyxène égorgée,

Aux yeux de tous les Grecs indignés contre vous: · Que peut-on refuser à ces généreux coups?

Mais dès que son indignation, son amour, sa douleur, éclatent, Hermione s'oublie : le tutoiement est placé :

Je ne t'ai point aimé, cruel! qu'ai-je donc fait ?
J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes;
Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces ;
J'y suis encor, malgré tes infidélités,

Et malgré tous ces Grecs, honteux de mes bontés....
Mais, seigneur, s'il le faut, si le Ciel en colère

Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire, etc.

Une singularité remarquable dans l'usage du tutoiement, c'est qu'il est moins permis dans le comique que dans le tragique ; et la raison en est, que le sérieux de celui-ci écarte davantage l'idée d'une liberté indécente. Pour que deux amants se tutoient dans une scène comique, il faut qu'ils soient d'une condition où les bienséances ne soient pas connues, ou que leur innocence et leur candeur soit si marquée, qu'elle donne son caractère à leur familiarité.

Une autre bizarrerie de l'usage est de permettre le tutoiement, du moins en poésie, dans l'extrême opposé à la familiarité : c'est ainsi qu'en parlant à Dieu et aux rois, on les tutoie, soit à l'imitation des anciens, soit parce que le respect qu'ils impriment est trop au-dessus du soupçon, et que le caractère en est trop marqué pour ne pas dispenser d'une vaine formule.

Grand Dieu, tes jugements sont remplis d'équité.
Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d'écrire.

Les deux caractères extrêmes du tútoiement se font sentir dans ces deux épîtres de Voltaire :

Philis, qu'est devenu le temps, etc.

Tu m'appelles à toi, vaste et puissant génie, etc.

Dans l'une, il est l'excès de la familiarité ; dans l'autre, l'excès du respect et le langage de l'apothéose.

A propos de l'usage qui, dans notre langue, veut qu'on mette le pluriel à la place du singulier, je demande pourquoi, dans un écrit qui est l'ouvrage d'un seul homme, l'auteur, en parlant de lui-même, se croit obligé de dire nous? Ce n'est certainement pas pour donner à ce qu'il avance une sorte d'autorité qui ait plus de volume et de poids; c'est au contraire une formule à laquelle on attache une idée de modestie. Mais sur quoi porte cette idée? Nous croyons, nous ne pensons pas, nous avons prouvé, etc., est-ce dire autre chose que Je crois, je ne pense pas, j'ai prouvé ?

Il est vraisemblable que cet usage s'est introduit par des ouvrages de société, où le travail était commun et l'opinion collective; et que dans la suite, pour donner à leur style plus de gravité, quelques écrivains ont suivi cet exemple. Mais lorsqu'un homme, en se nommant, propose ses idées comme venant de lui, la formule du nous est au moins inutile; et la preuve que, dans l'usage et dans l'opinion, le personnel au singulier n'est pas un trait de vanité, c'est qu'en parlant ou en opinant, jamais orateur, ni sacré, ni profane, ne s'est cru obligé de dire nous.

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U.

UNITÉ. NITÉ. Ce n'est pas rendre l'idée d'unité avec assez de justesse et de précision, que de la définir une qualité qui fait qu'un ouvrage est partout égal et soutenu.

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Un ouvrage d'un ton décent et convenable, d'un style analogue au sujet, qu'aucune négligence ne dépare, et qui d'un bout à l'autre se ressemble à lui-même, comme celui de La Bruyère, est un ouvrage égal et soutenu, et il n'y a point d'unité.

Mais lorsque en écrivant on se propose un but général, un objet unique, tout doit se diriger et tendre vers ce but: voilà l'unité de dessein. C'est ainsi que, dans l'Essai sur l'Entendement humain de Locke, tout se réduit à ce point, l'origine de nos idées.

Le caractère du sujet, le caractère dont s'est revêtu l'écrivain, si c'est lui qui parle, le caractère qu'il a donné à ses personnages, s'il en introduit et s'il leur cède la parole, décident le caractère du langage; et celui-ci doit se soutenir et se ressembler à lui-même : c'est ce qu'on appelle unité de ton et de style. Voyez ANALOGIE.

Dans la poésie épique et dramatique on a pres

erit d'autres unités : savoir, dans l'une et dans l'autre, l'unité d'action, l'unité d'intérêt, l'unité de mœurs, l'unité de temps, et de plus, dans le dramatique, l'unité de lieu.

Sur l'unité d'action, la difficulté consistait à savoir comment la même action peut être une sans être simple, ou composée sans être double ou multiple; mais en se rappelant la définition que j'ai donnée de l'action, soit épique, soit dramatique, on jugera au premier coup d'œil quels sont les incidents, les épisodes, qui peuvent y entrer sans que l'action cesse d'être une.

L'action, ai-je dit, est le combat des causes qui tendent ensemble à produire l'événement, el des obstacles qui s'y opposent. Une bataille est une, quoique cent mille hommes d'un côté et cent mille hommes de l'autre en balancent l'événement et se disputent la victoire : voilà l'image de l'action. Tout ce qui, du côté des causes ou du côté des obstacles, peut naturellement concourir à l'un des deux efforts, peut donc faire partie de l'un des deux agents; et l'événement n'étant qu'un, les agents ont beau se multiplier; s'ils tendent tous, en sens contraire, au même point, l'action est une : en sorte que, pour avoir une idée juste et précise de l'unité d'action, il faut prendre l'inverse de la définition de Dacier, et dire, non pas que toutes les actions épisodiques d'un poème doivent être des dépendances de l'action principale, mais, au contraire, que l'action principale

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