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lusion, et de la facilité qu'on a toujours à déplacer les hommes : ils ont pris les sujets des Grecs; fait du théâtre de Paris le théâtre d'Athènes ; ressuscité Mérope, OEdipe, Iphigénie, Oreste; rétabli sur la scène le culte, les mœurs, les usages antiques, avec toutes les circonstances des lieux, des hommes, et des faits; et les Français à ce spectacle, sont devenus Athéniens. Ainsi nous avons vu revivre l'ancienne tragédie avec tout ce qu'elle eut jamais de plus touchant, de plus terrible, mais avec une plénitude et une continuité d'action, une gradation d'intérêt, un enchaînement de situations, un développement de mœurs, de sentiments, de caractères, un art et des ressorts inconnus aux anciens.

Cependant comme cette source n'était pas inépuisable, et que de nouvelles circonstances indiquaient de nouveaux moyens, le génie a tenté de s'ouvrir une autre carrière.

Système moderne. Les anciens, à côté du système de la fatalité, donné par la religion et par l'histoire de leur pays, avaient, comme nous, le système des passions actives, donné par la nature ; ils l'ont employé quelquefois, comme dans l'Électre et dans le Thyeste : mais soit qu'il leur parût moins imposant, moins pathétique, soit qu'il ne s'accordât pas si bien avec la forme, les moyens, et l'intention de leur théâtre, ils l'avaient négligé. Les modernes s'en sont saisis ils ont fait de la tragédie, non pas le tableau des calamités

Élém. de Littér. IV.

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de l'homme esclave de la destinée, mais le tableau des malheurs et des crimes de l'homme esclave de ses passions. Dès lors le ressort de l'action tragique a été dans le cœur de l'homme, et tel est le nouveau système dont Corneille est le créateur. Subdivision des deux systèmes. Mais chacun de ces deux systèmes se subdivise en divers genres.

Chez les Grecs, il y avait quatre sortes de tragédie, l'une pathétique, l'autre morale, et l'une et l'autre simple ou implexe. La tragédie morale se terminait, au gré de la loi, par le succès des bons et par le malheur des méchants. La tragédie pathétique se terminait au contraire par le malheur du personnage intéressant, c'est-à-dire naturellement bon et digne d'un meilleur sort: Aristote voulait qu'il eût contribué à son malheur par quelque faute involontaire; mais, dans le système ancien, cet adoucissement n'est constamment fondé ni en raisons ni en exemples. La tragédie simple était celle qui n'avait point de révolution décisive, et dans laquelle les choses suivaient un même cours, comme dans le Thyeste: celui qui méditait de se venger, se venge; celui qui, dès le commencement, était dans le péril et le malheur, y succombe, et tout est fini. Dans cette espèce de fable, il y a des moments où la fortune semble changer de face; et ces demi-révolutions produisent des mouvements très pathétiques, mais elles ne décident rien. Dans la fable implexe, il y a révolution ou changement de for

tune; et la révolution est simple, ou double en sens contraire. (Voyez RÉVOLUTION.) Voilà toutes les formes de la tragédie ancienne; et l'on voit que les différences ne sont que dans l'événement et dans la façon de l'amener. Aristote distingue aussi les fables dont les incidents viennent du dehors, et les fables dont les incidents naissent du fond du sujet; mais par le fond du sujet, il entend les circonstances de l'action, et non les mœurs des personnages : aussi dit-il expressément que la tragédie n'agit point pour imiter les mœurs, qu'elle peut même s'en passer; et tout ce qu'il demande pour émouvoir, c'est un personnage sans caractère, mêlé de vices et de vertus, ou, si l'on veut, sans vertus et sans vices, qui ne soit ni méchant ni bon mais malheureux par une erreur ou par une faute involontaire ; et en effet c'en était assez dans le système des anciens.

Quand les modernes ont employé le système des passions, tantôt ils l'ont réduit à sa simplicité, et tantôt ils l'ont combiné avec celui de la destinée de là les divers genres de la tragédie

nouvelle.

Lorsque, dès l'avant-scène jusqu'au dénouement, la volonté, la passion, ou la force des caractères agit seule et par elle-même, produit les incidents et les révolutions, noue, enchaîne, et dénoue l'action théâtrale; c'est le système des modernes dans toute sa simplicité, et ce genre se subdivise en trois. Le premier est celui où le

personnage intéressant fait son malheur soi-même, comme Roxane et le fils de Brutus ; le second est celui où le caractère intéressant est aux prises avec des méchants, et où il est menacé d'en être la victime, comme Britannicus, comme Zopire et ses enfants; le troisième est celui où, sans le concours des méchants, le personnage intéressant est malheureux par la situation pénible et douloureuse où le réduit le contraste de ses devoirs et de ses penchants, ou de deux intérêts contraires, et par la violence qu'il se fait à lui-même, ou qu'on fait à sa volonté, mais avec un droit légitime, comme dans le Cid, dans Inès, dans Zaïre.

Si la violence vient du dehors, soit des dieux, soit de la fortune, soit d'un pouvoir irrésitible; ces incidents, étrangers aux mœurs des personnages qui sont en scène, rentrent dans l'ordre de la fatalité mais ce genre, approchant de celui des Grecs, ne laisse pas d'être plus fécond, en ce qu'il déploie tous les ressorts du cœur humain, et qu'il établit sur la scène le combat le plus douloureux entre la nature et la destinée, entre la passion qui veut être libre et la fatale nécessité qui l'enchaîne et lui fait la loi.

A présent, si l'on considère que ces divers genres peuvent se réunir dans le même sujet et se combiner dans une même fable, comme je l'ai fait observer dans l'Iphigénie en Aulide, et comme on peut le voir dans la Sémiramis ; qu'il est du

moins très naturel que le mobile soit dans la passion, et l'obstacle dans la fortune; qu'il est même rare que l'action soit assez simple pour n'avoir qu'un ressort; que, dans le concours de divers caractères intéressés à l'événement, chacun d'eux étant passionné et naturellement bon, ou méchant, ou mixte, ce n'est plus une passion qui agit, mais une foule de passions contraires, et chacune selon le naturel du personnage qu'elle anime, du rapport d'âge, de rang, et de qualités respectives, comme du fils au père et du sujet au roi; si, dans ce choc, on fait concourir les droits du sang et de l'hymen, de l'amour et de l'amitié, de la nature et de la patrie, etc., on sera étonné de la fécondité que les mœurs donnent à l'action, et l'on aura de la peine à concevoir que les anciens les aient comptées pour peu de chose.

si

Avantages du système ancien. Ce n'est pourtant pas sans raison que les anciens avaient préféré le système de la fatalité. 1° Il était le plus pathétique. Quoi de plus capable en effet de frapper les esprits de compassion et de terreur, que de voir l'homme, esclave d'une volonté qui n'est pas la sienne, et jouet d'un pouvoir injuste, capricieux, inexorable, s'efforcer en vain d'éviter le crime qui l'attend ou le malheur qui le poursuit? C'est ce dogme que les stoïciens enseignaient, et que Sénèque a exprimé en deux mots : Volentem ducunt fata, nolentem trahunt : c'est cette déplo

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