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La Discorde aux crins de couleuvre,
Peste fatale aux potentats,
Ne finit ses tragiques œuvres
Qu'à la fin même des états.
D'elle naquit la frénésie
De la Grèce contre l'Asie ;
Et d'elle prirent le flambeau
Dont ils désolèrent leur terre,
Les deux frères de qui la guerre
Ne cessa point dans le tombeau.

C'est en la paix que toutes choses
Succèdent selon nos désirs.

Comme au printemps naissent les roses,
En la paix naissent les plaisirs.
Elle met les pompes aux villes,

Donne aux champs les moissons fertiles;
Et de la majesté des lois

Appuyant les pouvoirs suprêmes,

Fait demeurer les diadêmes
Fermes sur les têtes des rois

Ce fut encore Malherbe qui donna le modèle de la stance de dix vers de sept syllabes, et qui nous apprit quel noble caractère le nombre pouvait lui imprimer, comme dans l'ode au roi Henrile-Grand,

Tel qu'aux vagues éperdues
Marche un fleuve impérieux,
De qui les neiges fondues
Rendent le cours furieux.
Rien n'est sûr en son rivage:
Ce qu'il trouve, il le ravage;
Et traînant comme buissons

Les chênes et leurs racines,
Ote aux campagnes voisines
L'espérance des moissons.

Tel et plus épouvantable
S'en allait ce conquérant,
A son pouvoir indomptable
Sa colère mesurant.

Son front avait une audace
Telle que Mars en la Thrace;
Et les éclairs de ses yeux
Étaient comme d'un tonnerre
Qui gronde contre la terre,
Quand elle a fâché les cieux.

On voit que la marche de ce vers peut être à la fois rapide et ferme, lorsqu'on sait donner à ses nombres du poids et de l'impulsion : mais il a une propriété qui le distingue du vers de huit syllabes; c'est la légèreté dans les choses badines, lorsqu'il saisit le rhythme du vers d'Anacréon, dont la mesure est son modèle.

La division symétrique de la stance de dix vers, est en un quatrain et deux tercets ; et Rousseau l'a presque toujours observée. Mais Malherbe ne s'y était pas assujetti; et dans les exemples que j'en ai cités, l'on peut voir ce qui lui arrive le plus souvent, savoir, de marquer le repos au sixième vers, et de lier le septième avec les trois autres quelquefois même il fait couler rapidement les six derniers sans aucune pause, comme dans l'ode à la régente:

Que saurait enseigner aux princes
Le grand démon qui les conduit,
Dont ta sagesse, en nos provinces,
Chaque jour n'épande le fruit ?
Et qui justement ne peut dire,
A te voir régir cet empire,
Que si ton heur était pareil
A tes admirables mérites,
Tu ferais, dedans ses limites,
Lever et coucher le soleil ?

Ce rhythme indécis et irrégulier peut trouver son excuse, en ce que d'une haleine on prononce aisément et sans fatigue six vers de huit syllabes; mais les poètes qui auront l'oreille scrupuleuse, préféreront la coupe de Rousseau.

Quelques poètes ont fait le dixain en vers de douze mêlés de vers de huit; mais la période me semble alors trop étendue, et sa marche pénible et lente. C'est à la stance de quatre ou de six vers au plus que convient le vers héroïque.

Pour qui compte les jours d'une vie inutile,

L'âge du vieux Priam passe celui d'Hector.

Pour qui compte les faits, les ans du jeune Achille
L'égalent à Nestor.

Le Ciel nous vend toujours les biens qu'il nous prodigue.
Vainement un mortel se plaint et le fatigue

De ses cris superflus :

L'amé d'un vrai héros, tranquille, courageuse,
Sait comme il faut souffrir, d'une vie orageuse,

Le flux et le reflux.

Tantôt vous tracerez la course de votre onde;
Tantôt d'un fer courbé dirigeant vos ormeaux,
Vous ferez remonter leur sève vagabonde

Dans de plus utiles rameaux.

L'on voit dans ces exemples non-seulement l'art d'entremêler au gré de l'oreille les petits vers avec les grands, mais encore quels sont les petits vers que l'oreille a choisis pour bien assortir ce mélange. Le vers de six syllabes doit naturellement s'allier avec celui de douze, puisqu'il en -est un hémistiche. Celui de sept, dont la mesure est tronquée, et le rhythme précipité, ne s'accommode pas de même au caractère du vers héroïque. Celui de huit syllabes, dont la marche est plus ferme, lui est au contraire très analogue; et une chose remarquable, c'est que leur alliance répond à celle de l'asclépiade et du vers glyconique, dont Horace a formé une si belle strophe:

Ergo Quintilium perpetuus sopor
Urget! Cui Pudor, et Justitiæ soror
Incorrupta Fides, nudaque Veritas',
Quando ullum invenient parem ?

Tant il est vrai que les principes de l'harmonie sont immuables en poésie comme en musique, et que dans tous les temps une oreille juste et sensible aura la même prédilection pour des nombres heureux que pour d'heureux accords.

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STROPHES. Dans la tragédie grecque, les personnages qui composaient le chœur, exécutaient une espèce de marche, d'abord à droite, et puis à gauche; et ces mouvements, qui figuraient, dit-on, ceux de la terre d'un tropique à l'autre, se terminaient par une station. Or, la partie du chant qui répondait au mouvement du choeur allant à droite, s'appelait strophe; la partie du chant qui répondait à son retour s'appelait antistrophe; et la troisième, qui répondait à son repos, s'appelait épode ou clôture. Il en était de même des chants religieux.

C'est vraisemblablement de là que la poésie lyrique avait pris le nom de strophe, qu'elle a donné à ces couplets de vers dont l'ode ancienne était composée, au moins le plus souvent, comme on le voit dans celles de Pindare, et dans les deux qui restent de Sápho.

Lorsque j'ai dit que dans la poésie lyrique des anciens, la période poétique, ou la strophe, avait été moulée sur la période musicale, je n'ai pas entendu que chaque poète n'eût jamais qu'un chant et qu'une même coupe de vers, ni que l'ode eût toujours cette structure symétrique. Le vers d'Anacréon est toujours le même; mais on n'aperçoit dans ses odes aucune coupe régulière, aucune égalité d'intervalle entre les repos. Peutêtre en était-il de même d'Alcman, d'Alcée, etc.

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