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Boileau affecte l'humeur âpre et sévère, pour être flatteur plus adroit ; et en même temps qu'il bafoue quelques méchants écrivains, auxquels il ne rougit pas de reprocher leur misère, il digue l'encens de la louange à tout ce qui peut le prôner ou le protéger à la cour. Le généreux courage, que celui d'attaquer Cottin, Cassagne, ou Chapelain ! et contre Chapelain, qu'est-ce qui le révolte? Qu'il soit le mieux renté de tous les beaux esprits! Passe encore s'il l'eût voulu punir d'avoir osé se déclarer pour Scudéri contre Corneille, et de s'être mêlé de critiquer le Cid. Boileau, je le répète encore, avait reçu de la nature un sens droit, un jugement solide; et l'étude lui avait donné tout le talent qu'on peut avoir sans la sensibilité et la chaleur de l'ame: mais il lui manquait ces deux éléments du génie ; car il est très vrai, comme l'a dit le vertueux et sensible Vauvenargues, que les grandes pensées viennent du cœur.

Un jeune poète de nos jours s'est essayé dans le genre de la satire. Il en a fait une contre le luxe; et dans ce coup d'essai, il a laissé loin en arrière celui que les pédants appellent le satirique français: il a fait voir de quel style brûlant un homme profondément blessé des vices de son siècle, sait les peindre et les attaquer; il a montré qu'on pouvait avoir la vigueur d'Aristophane, sans impudence et sans noirceur; la véhémence de Juvénal, sans déclamation; l'agré

ment, la gaieté d'Horace, avec plus d'éloquence, de force, d'énergie; et une tournure de vers aussi correcte que Boileau, avec plus de facilité, de mouvement, et de chaleur.

SIMPLE. L'un des trois genres d'éloquence que les rhéteurs ont distingués.

Rollin qui, d'après Cicéron et Quintilien, a très bien analysé ces trois genres, le simple, le sublime, et le tempéré, compare le simple à ces tables servies proprement, dont tous les mets sont d'un goût excellent, mais d'où l'on bannit tout raffinement, toute délicatesse étudiée, tout ragoût recherché. Cette image est d'autant plus juste, qu'en effet, dans l'un et l'autre sens, plus nous avons le goût pur et sain, plus nous aimons les choses simples.

Cicéron, de son côté, en parlant de ce genre de style et d'éloquence naturel et modeste, nous le présente sous la figure de ce négligé décent, qui, dans une femme, est quelquefois plus séduisant que la parure, et qui n'admet pour ornement qu'une élégante simplicité : Elegantia modo et munditia remanebit. Il lui interdit toute espèce de fard: Fucati vero medicamenta candoris et ruboris omnia repellentur; en quoi il semble faire la satire du genre tempéré, du genre des sophistes, qui admettait ces fausses couleurs. Quoi qu'il en soit, la même observation qui

confirme la comparaison de Rollin, prouve encore la justesse de celle-ci ; car moins nos yeux sont fascinés par les prestiges de la mode et du luxe, plus nous sommes touchés des charmes de la beauté naïve et simple. Mais dans l'une et l'autre image, n'oublions pas que la simplicité, pour avoir tout son prix, suppose ou la bonté ou la beauté réelle. Ce sont en effet les deux attributs d'un naturel exquis.

Ici disparaît la distinction que l'on a faite du genre simple, du tempéré, et du sublime, en destinant l'un à instruire, l'autre à plaire, et le troisième à émouvoir. Ce sont bien là réellement les trois fonctions de l'éloquence; mais elles ne sont ni exclusives l'une de l'autre, ni exclusivement attachées au genre qui leur convient le mieux. Il ne serait pas raisonnable de refuser le don de plaire et de toucher à la beauté simple et sans fard. Or il est bien vrai qu'en instruisant, il est permis de négliger le soin de plaire ; que, si l'objet dont on s'occupe est sérieux et grave, il a droit d'attacher par son utilité, sans avoir l'attrait du plaisir; qu'il ne serait pas digne de la philosophie, de l'histoire, de l'éloquence même d'un certain caractère, de donner trop à l'agrément mais la sagesse, la vérité, le sentiment, ont leur beauté, leurs grâces naturelles. Et ce n'est pas sans choix, sans étude et sans art, mais avec un choix, une étnde, un art imperceptible, et d'autant plus difficile et rare, que

se compose une simplicité qui plaît comme sans le vouloir: Quod sit venustius, sed non ut appareat.

Ce genre de beauté, ce don d'attacher et de plaire, convient également au simple et au sublime; car l'un et l'autre se confondent assez souvent rien même ne sied mieux au sublime que d'être simple, mais il l'est avec majesté ; et voilà ce qui les distingue. En sculpture, l'Apollon, le Laocoon, le Moïse de Michel-Ange, sont du genre sublime, et vraisemblablement le Jupiter de Phidias en était le chef-d'oeuvre : le Gladiateur mourant, le Faune, la Vénus, sont du genre simple. Il n'y a pas une statue antique du caractère que Cicéron attribue au genre que nous appelons tempéré.

Celui-ci cependant, quoique plus visiblement orné que les deux autres, ne laisse pas d'avoir du naturel, lorsque son luxe et sa parure ne semblent être que l'abondance et la richesse de son sujet, et que le simple, en s'y mêlant, comme cela doit être, lui donne quelquefois un air de négligence et d'abandon. Mais ce qui fait sa bonté réelle et donne du prix à sa beauté, c'est de ne plaire que pour instruire; et c'est le dégrader que d'en faire un objet frivole et de pur agrément.

A l'égard du don d'émouvoir, il est certain qu'au plus haut degré il caractérise le sublime. Mais distinguons deux pathétiques : l'un, qui sans doute n'appartient qu'aux mouvements de la

haute éloquence, c'est celui qui ébranle et renverse; l'autre, qui, plus doux, plus modeste, et souvent humble et suppliant, pénètre et s'insinue sans éclat et sans bruit :

Telephus aut Peleus, quum pauper et exul uterque.

celui-ci me semble le partage du genre simple : à moins qu'on ne dise qu'alors le simple est sublime lui-même; et tel est bien mon sentiment. Mais ce n'est pas ce qu'ont dit les rhéteurs.

Il n'y aurait donc que le genre moyen dont l'artifice et la parure seraient incompatibles avec la gravité de l'indignation, avec la fougue et l'énergie de la colère, des menaces, des reproches, de la douleur véhémente et impétueuse, avec l'humilité craintive des prières, des plaintes, des supplications. Mais dans un sujet même où la richesse des peintures et des images solliciterait l'éloquence, et viendrait s'offrir d'elle-même; si l'un ou l'autre genre de pathétique y trouvait sa place, le simple ou le sublime prendrait celle du tempéré. (Voyez, dans les Géorgiques, l'épisode d'Orphée.)

Ainsi, sans refuser à aucun des trois genres l'avantage d'instruire, ni les moyens de plaire, ni le don d'émouvoir, tâchons de prendre dans son vrai sens ce partage de Cicéron : Quot sunt officia oratoris, tot sunt genera dicendi : subtile, in probando ; modicum, in delectando; vehemens, in flectendo.

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