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lumineuse et sensible, sera lui seul pour le monde un bienfait qu'on ne saurait apprécier. La raison sans doute aurait droit de persuader

par

elle-même ; mais combien de vérités utiles froidement et négligemment énoncées dans des écrits judicieux, y seraient restées ensevelies, si l'éloquence n'était venue les retirer comme du tombeau, et les rendre à la vie, en leur communiquant tout son charme et tout son pouvoir?

:

RIME. La rime est la consonnance des finales des vers. Cette consonnance doit être sensible à l'oreille il faut donc qu'elle tombe sur des syllabes sonores; mais ce n'est point assez, on veut aussi qu'elle frappe les yeux. Pourquoi? pour la rendre plus difficile, et pour ajouter au plaisir que fait la solution de ce petit problème. Je n'en vois pas d'autre raison. C'est un défi donné aux versificateurs. Afin donc que les vers riment aux yeux en même temps qu'à l'oreille, on veut que les deux finales présentent les mêmes caractères, ou des caractères équivalents: par exemple sultan ne rime point avec instant; instant et attend riment ensemble.

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On appelle rime masculine, celle des mots dont la finale est une syllabe sonore; et rime féminine, celle des mots dont la finale est une syllabe muette. Dans la première, il suffit que les finales soient consonnantes; dans la seconde, la

consonnance doit commencer à la pénultième : revers et pervers riment ensemble; source et force ne rimeraient pas, quoique la finale muette soit la même; mais bien source et course, exerce et diverse.

son,

On appelle rime pleine, celle où non-seulement le son, mais l'articulation est la même : comme vertu et abattu, étude et solitude. On appelle rime suffisante, celle qui n'est que dans le et non dans l'articulation, comme vertu et vaincu, timide et rapide. Quand la rime qu'on emploie est trop abondante, comme celle des mots en ant, on regarde comme une négligence la rime qui n'est que dans le son, et qui n'est pas dans la consonne : aussi voit-on peu d'exemples, dans les bons poètes du temps de Boileau et de Racine, de rimes aussi négligées que celle d'amant et constant. Si toutefois il y a deux consonnes qui уа précèdent la voyelle, comme dans la finale de surprend, c'est assez pour l'oreille que la seconde de ces consonnes soit la même : ainsi ce mot surprend rimera très bien avec grand. La rime masculine est double, lorsque non-seulement la finale sonore, mais la pénultième, a le même son, comme attirer, respirer. La rime est simple, lorsqu'elle n'est que dans la finale, comme différer, respirer. Elle est en même temps pleine et double, lorsque l'articulation et le son de deux syllabes sont les mêmes; comme préférer, différer. Dans les vers féminins l'articulation doit être la même dans les

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deux mots escorte et discorde ne riment point, parce que l'articulation de la muette est diffé

rente.

Deux syllabes ont le même son et la même articulation, quoiqu'elles ne s'écrivent pas de même : c'est ainsi que rivaux et nouveaux, essais et succès, riment très bien ensemble. Mais on exige que les dernières syllabes se terminent par les mêmes lettres ou par leur équivalent, comme je l'ai dit, quoique dans la prononciation on ne les fasse pas entendre. Si l'un des deux mots, par exemple, est terminé par un t ou par un s, le second mot finira de même ou par l'équivalent: ainsi prétend rimera très bien avec instant, accord avec ressort, choix avec bois, glacés avec assez.

A plus forte raison, lorsque la consonne finale se fait entendre, doit-elle être, à la fin des mots, sinon la même pour les yeux, du moins la même pour les oreilles : sang ne rimera point avec innocent, mais avec flanc, dont le c final a le même son que le g.

On s'est permis quelquefois des rimes que l'oeil ou l'oreille désavoue; par exemple, celle d'encor avec sort, celle de mer avec aimer, de remords avec mort, celle de toucher avec cher, celle de fiers avec foyers, etc. Parmi ces licences, les plus usitées sont les rimes de guerre avec vulgaire, de couronne et de trône, de travaux et de repos. La dissonnance des deux premières est cependant très sensible; et, quant à la dernière, une oreille 17

Élém. de Littér IV.

un peu délicate s'aperçoit aisément de la différence du son de l'o clair et bref de repos, et du son de l'o plus grave, plus sourd, et plus long de travaux. Il n'y a point de voyelle qui ne soit de même, tantôt plus claire et plus brève, tantôt plus grave et plus longue; mais dans les sons de l'a, de l'i, de l'u, de l'ou, etc., cette différence n'est pas aussi frappante que dans les sons de l'e et dans les sons de l'o: aussi ne fait-on pas de difficulté sur la rime d'âge et de sage, d'île et de fertile, de gite et d'agite, de chúte et d'exécute, de coûte et de redoute, etc. Il n'en est pas de même de trompette et de tempête, de terre et de mystère, d'homme et d'atome, de pôle et de boussole, dont la rime ne sera jamais qu'une licence.

Peut-on ne pas regarder le travail bizarre de rimer, nous dit l'abbé Dubos, comme la plus basse des fonctions de la mécanique de la poésie? Que n'a-t-il dit la même chose de la mesure et du rhythme du vers d'Homère et de Virgile, et de ces constructions si soigneusement travaillées qui occupaient Démosthène, Platon, Thucydide et Xénophon, chez les Grecs; Cicéron, Tite-Live et Salluste, chez les Latins, et qui les occupaient aussi sérieusement que la recherche de l'enchaînement des pensées ? Ce mécanisme de la parole doit paraître bas et puéril à un observateur austère qui ne compte pour rien le charme de l'expression mais pour l'homme doué d'un organe

sensible et d'un goût délicat, cette mécanique a son prix.

Entre le travail qu'exige la rime, et celui qu'exige la construction du vers mesuré ou de la période harmonieuse, la différence ne peut être que dans le plus ou le moins de plaisir qui en résulte. Il fallait donc examiner d'abord si la rime faisait plaisir, et un plaisir assez sensible pour mériter la peine qu'elle donne.

La rime peut causer trois sortes de plaisirs. L'un est relatif à l'organe, c'est le sentiment de la consonnance; et ce plaisir, je l'avoue, est factice: il ressemble à l'usage de certaines odeurs qui ne plaisent pas, qui déplaisent même à ceux qui n'y sont pas accoutumés, et qui deviennent une jouissance et un besoin par l'habitude. Il y aurait peu de bon sens à raisonner cette espèce de plaisir et à le disputer à ceux qui en jouissent il s'agit seulement de savoir s'il est réel et s'il est sensible; dès lors, naturel ou factice, c'est un plaisir de plus, et il ne saurait trop y en avoir dans la nature et dans les arts.

La rime n'intéresse pas seulement l'oreille, elle soulage, elle aide la mémoire ; et si c'est un plaisir pour l'esprit de se retracer fidèlement et sans peine les idées qui lui sont chères, tout ce qui rend léger et facile ce travail de la réminiscence, doit être un agrément de plus. Or il est certain que la rime donne à la mémoire des signaux plus marqués, pour retrouver la trace des idées. Par

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