Obrazy na stronie
PDF
ePub

tous les hommes dont on veut former la raison, cultiver l'esprit, et polir le langage, et que jusque-là l'homme du monde et l'orateur ont besoin des mêmes leçons ; que celles de la seconde classe deviennent plus propres à l'éloquence, mais conviennent également à l'orateur , au philosophe, à l'historien, et au poète; enfin que les études de la troisième classe, où l'on enseigne expressément les procédés de l'éloquence, semblent ne convenir qu'aux jeunes gens qui se destinent ou à la chaire, ou au barreau, ou à quelque fonction publique qui demande un homme éloquent. Mais comme, pour développer le corps et lui donner plus de force et plus de souplesse, on exerçait les jeunes Romains au combat de la lutte, sans vouloir en faire des athlètes; de même, si l'on veut m'en croire, on exercera l'esprit de la jeunesse destinée aux fonctions qui demandent le don de la parole, on l'exercera long-temps dans la lice du plaidoyer: car il n'est point de genre d'éloquence qui ne se réduise aux règles de la plaidoirie. Instruire, prouver, réfuter, émouvoir, et persuader, c'est, dans toutes les situations de la vie, l'art de dominer les esprits.

On peut me demander quel temps je veux que l'on donne à ces études. Le temps qu'elles exigeront. Dans les beaux jours de l'éloquence, les anciens ne le comptaient pas, et le croyaient bien employé aussi le sénateur, le consul, le censeur, l'homme de loi, l'homme d'état, s'y for

maient-ils en même temps; et chaque citoyen destiné aux fonctions publiques, en sortait propre à les remplir. « C'est un beau rêve, me dira-t-on ; et s'il a quelque réalité, ce n'est plus nous qu'elle intéresse. Au milieu d'un peuple, à la fois législateur et juge, devant qui l'on plaidait, non-seulement pour pour la fortune et la vie du citoyen, mais pour l'utilité, la gloire, et le salut de la république ; dans un état où chacun aspirait à dominer par la parole; que des hommes, sans cesse en guerre dans la lice de l'éloquence, pour leurs amis ou pour eux-mêmes, et qui venaient y décider, comme des gladiateurs, de leur perte ou de leur salut, aient attaché à ce grand art tout l'intérêt de leur sûreté, de leur fortune, et de leur gloire; rien de plus naturel. Mais quel serait pour nous le fruit, l'emploi de ces longues études? où serait la place de ces talents cultivés avec tant de soin? Sommes-nous dans Rome ou dans Athènes? et avons-nous une tribune où l'orateur, l'homme d'état, puisse parler en liberté? >> Fasse le ciel qu'il s'en élève, et en grand nombre, de ces citoyens éloquents! On demande où serait leur place? Partout où la voix de la sagesse, de la vérité, de la vertu, de l'intérêt public, de l'amour de l'humanité, a le droit de se faire entendre; et sous ce règne où ne l'a-t-elle pas ? L'éloquence n'a plus de tribune! Mais la chaire en est une encore pour cette morale sublime, que rend plus pure encore et plus touchante la

[ocr errors]

sainteté de ses motifs. Mais les académies sont des tribunes, où, la palme à la main, on demande aujourd'hui, comme autrefois dans la place d'Athènes : Qui veut parler pour le bien public? Dans Athènes, ce n'était qu'au moment où la république était menacée, dans les jours de crise et de danger, que la voix du héraut se faisait entendre ici, dans le sein de la paix, et lorsque l'indolence de la sécurité, de la tranquillité publique, semblerait pouvoir refroidir l'intérêt général; ici, tous les jours, et du centre et des extrémités du royaume, la voix s'élève, et dit aux orateurs : << Tel abus règne ; tel préjugé domine: pour le combattre et le détruire: Qui veut parler? Qui veut parler contre la servitude, contre la rigueur inutile de nos auciennes lois pénales, contre l'iniquité des peines infamantes, sur les moyens de conserver cette multitude innombrable d'enfants qui vont périr dans les asiles de l'indigence, ou sur les moyens de détruire ce vieux fléau de la mendicité, sans manquer au respect que l'on doit au malheur : Qui veut parler?

L'exemple des hautes vertus, des sublimes talents, des travaux héroïques, s'efface dans l'éloignement, et ne jette plus qu'une pâle et froide lumière, pour en ranimer l'émulation avec le souvenir: Qui veut parler? Le génie et l'ambition des souverains se tourne vers la solide gloire, vers celle qui ne coûtera ni larmes ni sang à leurs peuples, et qui sera le prix du bien qu'on

aura fait. Les peuples eux-mêmes commencent à sentir qu'une politique funeste les a trompés, en les rendant jaloux et rivaux l'un de l'autre et que la nature les avait faits pour être amis: Qui veut parler, pour applaudir à cette grande révolution, pour y encourager et les rois et les peuples?

« Un jeune prince (de Brunswick) se dévoue pour secourir des malheureux qui vont périr ; et à l'instant une voix chère à la nation s'élève et demande: Qui veut parler avec l'enthousiasme d'une poésie éloquente, pour rendre, à la mémoire de ce héros de l'humanité, l'hommage, les vœux, les regrets de la reconnaissance universelle? qu'il acquitte le genre humain de ce devoir; et la couronne d'or, qu'on refusait à Démosthène, l'attend et lui est assurée. »

Qu'on ne dise donc plus que les grands objets manquent à l'éloquence; mais bien plutôt que l'éloquence manque le plus souvent aux grands objets qui la demandent, qui l'appellent, qui l'invoquent de toutes parts. Son domaine aura ses limites: elle ne sera plus séditieuse et turbulente; elle ne sera plus délatrice et calomnieuse; mais si elle n'a pas toute la liberté de l'éloquence républicaine, aussi n'en aura-t-elle pas la licence et les vices. Elle fera moins de bien peut-être ; mais elle ne fera que du bien, et fera de grands biens encore. Je ne parle point du barreau, où la justice et l'innocence auront toujours besoin

de son organe; mais partout où le bien moral et politique, l'utile, l'honnête et le juste sont mis en délibération, dans les conseils, dans lès tribunaux, dans les députations, et dans les assemblées, elle aura lieu de se montrer : elle aura lieu de parler aux peuples au nom du souverain, au souverain au nom des peuples, consolante et sensible en émanant du trône, respectueuse et sage en y portant les voeux, les gémissements des sujets. Elle ne fera point de révolution violente; mais elle amènera des réformes utiles, des changements inespérés: elle rendra du moins l'autorité plus douce, l'obéissance plus facile, le souverain plus cher encore, les peuples plus inté

ressants.

Mais il est pour elle un empire plus étendu et plus durable. Cet art précieux, que les anciens ne possédaient pas, l'art de l'imprimerie, donne des ailes et cent voix à l'éloquence, comme à la renommée ; les livres sont pour elle des ministres rapides, qui, d'une extrémité du monde à l'autre, vont porter la lumière et la persuasion; et n'eûtelle que ces organes, de quel prix ne seraient pas encore le talent, le génie, et l'ame'd'un homme vertueux et sage, à qui, pour rendre sa sagesse et sa vertu féconde, le Ciel aurait donné le don d'écrire éloquemment? Un livre où les principes d'une saine philosophie, d'une politique morale, d'une sage législation, d'une administration salutaire, seront développés avec une éloquence

« PoprzedniaDalej »