miettes : Qui omnes tenuissimas particulas..... ut nutrices infantibus pueris, in os inserant (de Orat. lib. 21) et au contraire, le moyen de simplifier l'art, de le faciliter, aurait été de l'enseigner en masses: un petit nombre de grands principes, appuyés sur de grands exemples, aurait suffi, et n'aurait ni troublé ni fatigué de jeunes têtes. La même erreur a fait assujettir à des règles minutieuses et à des méthodes serviles ce qu'il y a de plus capricieux, de plus impérieux au monde, l'occasion et la nécessité. La rhétorique, ainsi que la tactique, ne peut rouler que sur des hypothèses dans l'un et l'autre genre de combat il deux grands ordonnateurs, le jugement et le génie; mais ils sont tous les deux soumis à des hasards qui déconcertent toutes les méthodes et font fléchir toutes les règles. y a Il fallait donc simplifier l'art le plus qu'il eût été possible, ne pas ériger en principe ce qui n'est juste et vrai que sous certains rapports n'enseigner que le difficile, ne prescrire que l'indispensable, en un mot, laisser au talent, comme les lois doivent laisser à l'homme, autant de sa liberté naturelle qu'il en peut avoir sans danger. Les règles prescrites par les rhéteurs sont presque toutes de bons conseils et de mauvais préceptes. Tout se réduit, dans l'art oratoire, à instruire, à plaire, à émouvoir : encore, des trois, un seul doit-il paraître en évidence; et lors même que l'orateur emploie tous les moyens de se concilier le juge ou l'auditeur, de le flatter, de le fléchir, de l'irriter, ou de l'apaiser, le comble de l'art serait encore de ne sembler occupé qu'à l'instruire. Una, ex tribus his rebus, res præ nobis est ferenda, ut nihil aliud, nisi docere ; velle videamur. Reliquæ duæ, sicut sanguis in corporibus, sic illæ in perpetuis orationibus fusæ esse debebunt. Cette règle en renferme mille; et si on l'a bien saisie, ni les lieux oratoires, ni les figures, ni les ornements, ni aucune des formules de rhétorique, ne s'introduiront, qu'à propos et comme sans étude et sans dessein, dans l'éloquence. Je sais que les figures en sont l'ame et la vie; et il n'en est aucune qui, naturellement employée et mise à sa place, ne donne de la grâce ou de la force à l'élocution. Mais il faut que l'élève apprenne à les connaître, et non pas à les employer. Celles qui, dans la chaleur de la composition, ne se présentent pas d'elles-mêmes, décéleraient trop l'artifice : la nature les a inventées, la nature doit les placer. A l'égard de l'économie et de l'ordonnance de l'ouvrage oratoire, on le divisera, si l'on veut, en six, en cinq, ou en trois parties. Mais quoiqu'on puisse donner pour modèle un discours dans lequel ces parties, distribuées selon l'usage, tendent au but commun de la persuasion: l'exorde, par sa modestie et sa douceur insinuante; l'exposition, par la clarté d'une division régulière et complète; la narration, par son adresse et son air d'ingénuité; la preuve, par sa solidité, sa vigueur, et sa rapidité pressante; la réfutation, par la dextérité des tours, la force des répliques, et la chaleur des mouvements; la confirmation, par un accroissement de force et d'énergie; la conclusion, par cet éclat qui part des moyens rassemblés; la péroraison, par des mouvements d'indignation et de douleur, quand la cause en est susceptible, ou par la séduction d'un pathétique doux et pénétrant sans violence, quand la cause ne donne lieu qu'à la commisération le rhéteur ne laissera pas d'avertir son disciple que c'est au sujet à prescrire l'économie du discours, à décider du nombre, de la distribution, du caractère de ses parties; et que nonseulement sous différentes formes un discours peut être éloquent, mais que, pour l'être autant qu'il est possible, il ne doit jamais affecter que la forme qui lui convient. Savoir de quoi, dans quel dessein, à qui, ou devant qui l'on parle; et, dans tous ces rapports, dire ce qui convient, et le dire comme il convient : c'est l'abrégé de l'art oratoire. Ainsi l'importante leçon, la seule même dont l'élève aurait besoin, si elle était bien développée, serait de lui apprendre à viser à son but, à se demander à lui-même quel est l'effet qu'il veut produire; s'il lui suffit d'instruire, ou s'il veut émouvoir; s'il est en état de convaincre, ou s'il aura besoin d'intéresser et de fléchir; s'il se propose d'exciter l'admiration ou l'indulgence, l'indignation ou la pitié. Alors il sentira si son exorde doit être véhément ou timide; si son exposition, ou sa narration exige la simplicité, la modestie, ou la magnificence; si, dans la preuve, il lui faut insister sur le principe, ou sur les conséquences; si, dans la réfutation, il doit agir de vive force, ou ruiner insensiblement les moyens de son adversaire, employer l'artifice de l'insinuation, ou le tranchant du syllogisme, ou les entraves du dilemne, ou le piége de l'induction ; si le caractère de sa péroraison doit être la véhémence et l'énergie, ou la douceur de la séduc tion, un pathétique violent et brûlant, ou cette sensibilité modérée qui fait couler de douces larmes, ou cette douleur déchirante qui pénètre dans tous les cœurs. Enfin, la conclusion de ce long cours d'étude sera d'avertir les élèves les mieux instruits, que ce n'est encore rien que ce qu'ils ont appris: car sans compter, pour l'avocat, cette immense étude des lois; sans compter, pour l'homme d'état, la connaissance de la chose publique dans ses détails et dans tous ses rapports; sans compter, pour l'orateur chrétien, la lecture et la méditation des livres sacrés, dont il doit être plein comme de sa propre substance; leur grande étude à tous, l'étude de toute leur vie, sera celle des hommes, qu'ils auront à persuader, à dominer par la parole; et pour cette étude, la véritable, la seule école, c'est le monde : nulle spéculation ne peut y suppléer, nulle hypothèse n'y peut suffire. L'homme est un être si mobile, si changeant, si divers, qu'il est impossible d'enseigner quels seront les hommes de tel lieu, de tel temps, de telle conjoncture; quel sera tel jour, à telle heure, l'esprit dominant de la nation, de la cité, des tribunaux, de l'auditoire. C'est là cependant ce que l'orateur doit savoir; et il ne le saura bien que sur le lieu, sur le temps, en subodorant, comme Cicéron, les sentiments et les pensées, en mettant le doigt sur les cœurs. Sans cela l'éloquence est vague, et manque des deux propriétés qui en font toute la force la convenance et l'à-propos. Que les jeunes gens sachent donc que l'école n'a été pour eux qu'une lice obscure et paisible, dont les combats étaient des jeux ; et que maintenant il s'agit de se porter sur le champ de bataille. Educenda deinde dictio est ex hac domestica exercitatione et umbratili, medium in agmen, in pulverem, in clamorem, in castra, atque aciem forensem......... periclitandæ vires ingenii, et illa commentatio inclusa in veritatis lucem proferenda est. (De Orat. lib. 1.) Selon la méthode que je viens de tracer, d'après les plus grands maîtres de l'art, on voit que les études de la rhétorique ont trois degrés : que celles de la première classe sont communes à |