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souplesse et une agilité à parer tour-à-tour et à porter des coups rapides; enfin une richesse, une abondance d'élocution, , que nul autre genre d'étude et d'exercice ne peut donner.

Cependant, comme après avoir exercé longtemps les jeunes peintres à dessiner d'après de grands modèles, on leur permet de composer; on pourrait de même permettre aux élèves de l'éloquence de s'essayer en liberté, lorsqu'ils auraient acquis des forces. Ce serait, même dans les deux classes, une récompense honorable que l'on proposerait à leur émulation.

Mais je persiste à demander, 1° que le sujet soit pris d'un écrivain du premier ordre, afin d'avoir plus sûrement à leur donner pour correctif, après la composition, le meillenr modèle possible; 2° que ce soit une question douteuse et sujette à discussion, soit d'une partie avec l'autre, soit de l'orateur avec lui-même, car ce qui serait évident et incontestable ne donnerait plus lieu ni à la preuve ni à la réfutation, le vrai combat de l'orateur; l'élève doit savoir qu'il a toujours un adversaire dans l'opinion opposée à la sienne ; et quand cet adversaire est muet, c'est à lui de prendre sa place, et de parler contre lui-même avec autant de force et de chaleur que ferait un homme éloquent (voyez CHAIRE ); 3° que pour ces essais on préfère les causes dont le principe est contesté, non-seulement parce qu'elles donnent plus d'espace et d'essor à de

jeunes esprits, mais parce qu'elles prêtent au développement de ces idées élémentaires que l'élève a déjà reçues, et qu'elles sont les seules où il soit en état de faire quelques pas sans être mené par la main car d'examiner, comme on le fait dans une cause particulière, si une chose est telle ou telle; ou si le fait dont il s'agit est arrivé de telle ou de telle façon, par malice, par imprudence, involontairement, ou par nécessité; si l'accusé a fait ce qu'on lui impute, et s'il l'a fait selon la loi, hors de la loi, contre la loi, seul, de son propre mouvement, ou par l'impulsion d'un autre, etc.; tout cela tient à des circonstances dont il est impossible que les écoliers soient instruits.

Toutefois en donnant la préférence aux causes générales, non-seulement comme plus simples, mais comme plus propres à faire connaître les grandes régions de l'éloquence (1), et comme un moyen d'accoutumer l'esprit à voir les conséquences dans leur principe (2); je ne laisserai pas d'observer qu'un grand nombre des plus belles causes sont des causes particulières, dont le prin

(1) Nosse regiones intra quas venire debeas, ut pervestiges quod quæras.

(2) Ubi eum locum omnem cogitatione sepseris, si modo̟ usum rerum percallueris, nihil te effugiet, atque omne quod erit in re occurret atque incidet. ( De Orat. 1. 2. )

Élém. de Littér. IV.

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cipe est reconnu; et c'est pour celles-ci que

la

méthode des rhéteurs serait nécessaire aux élèves.

Ces rhéteurs avaient pris la peine de classer toutes les causes oratoires, et d'assigner à chaque espèce les moyens qui lui convenaient c'est ce qu'on appelait loca arsenal oratoire, où il faut avouer que les armes étaient rangées avec beaucoup d'ordre et de soin.

:

Cette méthode avait l'avantage de tracer des routes, d'y poser des signaux, d'avertir l'orateur de celle qu'il aurait à suivre; Cicéron lui-même en convient Habet enim quædam ad commonendum oratorem. Mais l'élève qui, après les premières études, aurait besoin d'aller chercher dans ces lieux oratoires les moyens propres à sa cause, serait un esprit lent, timide et sans essor : Quod etiamsi ad instituendos adolescentulos magis aptum est, ut, simul ac posita sit causa, habeant quo se referant, unde statim expedita possint argumenta depromere: tamen et tardi ingeni est rivulos consectari, fontem rerum non videre. (De Orat. 1. 2.)

« Qu'on me donne, disait Antoine dans ce même dialogue, un jeune homme qui ait bien fait ses études; si, avec un peu d'usage de l'art oratoire, il a dans le génie quelque vigueur, je le porterai en un lieu où il trouvera, non pas un filet d'eau enfermée et captive dans des canaux étroits, mais un fleuve entier qui s'élance impétueusement de sa source. » Si sit is, qui et doctrina li

usu,

beraliter mihi institutus, et aliquo jam imbutus et satis acri ingenio esse videatur ; illuc eum rapiam, ubi non seclusa aliqua aquula teneatur, sed unde universum flumen erumpat, (De Orat. lib. 2.)

Quelle était donc cette source abondante, auprès de laquelle tous les lieux communs des rhéteurs ne lui semblaient que des filets d'eau? C'était la cause elle-même; et sa méthode, à lui, consistait à la méditer profondément, à bien savoir quelle en était la nature, quæ nunquam latet, disait-il, et à tirer de cette connaissance ses procédés et ses moyens.

La pratique de l'orateur que je viens de citer, pour s'instruire à fond d'une affaire, était d'engager sa partie à plaider sa cause elle-même devant lui, sans témoin, afin qu'elle eût plus d'assurance, et de plaider contre elle, afin de l'obliger à mettre au jour tous ses moyens, «< Après avoir renvoyé mon client, je faisais, dit-il, à moi seul, trois personnages différents, le mien, celui de mon adversaire, et celui de nos juges ainsi je plaidais les deux causes, et le mieux qu'il m'était possible; après cela je prononçais avec la plus rigoureuse équité. »>

Voilà une grande leçon et en même temps un moyen assez simple de rendre les causes particulières accessibles aux jeunes gens; car si le rhéteur veut se mettre à la place de la partie, et se laisser interroger, l'élève fera de son côté le per

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sonnage de l'avocat ; et la justesse, la sagacité, Ja promptitude de son discernement percera dans cet exercice, par le soin qu'on lui verra prendre de démêler, de dénouer les difficultés véritables, par l'attention qu'il donnera aux points essentiels de la cause, par le choix qu'il fera des moyens décisifs; car rien ne distingue plus sûrement une bonne et une mauvaise tête, qu'une curiosité judicieuse qui va au but, et une curiosité vague qui se dissipe et s'égare en chemin.

Il ne faut pas oublier cependant que l'exercice apprend à voir aux jeunes orateurs, comine il apprend à voir aux jeunes peintres, et qu'on prend quelquefois pour manque d'intelligence et d'aptitude, ce qui n'est que légèreté, dissipation, distraction. L'avocat, parce qu'il est instruit, voit d'un coup d'œil, parmi les circonstances et les moyens qu'on lui expose, ce qui lui est bon et ce qui lui manque; ses recherches sont éclairées; celles de l'écolier peuvent être d'abord inquiètes et indécises. Il faut donc se donner la peine de lui apprendre à examiner, à développer une cause, à la voir sous toutes ses faces, à prévenir dans tous les points ce qu'on pourra lui opposer, et à se tenir préparé pour l'attaque et pour la défense. Or c'est ce qu'on n'a jamais fait.

Le premier tort des rhéteurs a été, comme je l'ai dit, de croire enseigner l'art de l'éloquence à des enfants; et pour cela ils l'ont réduit en

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