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teneant, quod negent versari in republica esse sapientis. Nam si hoc nobis atque optimo cuique persuaserint, non poterunt ipsi esse id quod maxime cupiunt otiosi. (De Orat. lib. 3.)

Malgré ce divorce de la philosophie et de l'éloquence, qui fut réellement celui de la langue et du cœur, les Romains ne laissèrent pas de s'adonner à l'étude de l'éloquence avec une ardeur incroyable. Posteaquam, imperio omnium gentium constituto, diuturnitas pacis otium confirmavit, nemo fere laudis cupidus adolescens non sibi ad dicendum studio omni enitendum putavit. (De Orat. lib. 1.) Ils allaient entendre dans la Grèce ce qu'il y restait d'orateurs; ils lisaient les écrits de ceux qui n'étaient plus ; en les lisant ils s'enflammaient du désir d'égaler leurs maîtres. Auditis oratoribus græcis, cognitisque eorum litteris, adhibitisque doctoribus, incredibili quodam nostri homines dicendi studio flagraverunt. (De Orat. 1. 1.) Et en dépit de la philosophie, c'était encore à ses écoles qu'ils allaient prendre les éléments de cette éloquence qu'elle désavouait, et qui, à vrai dire, n'eût bientôt plus assez de droiture et de bonne foi pour se vanter d'être son élève, Voyez ORA

TEUR.

On distingue dans Cicéron les études qu'il avait faites dans les écoles de rhétorique, et dont nous avons un extrait, d'avec les leçons bien plus profondes et plus substantielles qu'il avait prises des philosophes, et que lui-même il a fé

condées dans ses livres de l'Orateur. Plus on les lit, ces livres que Cicéron lui seul au monde a été en état d'écrire, et surtout ce dialogue où il a mis en scène les deux plus grands orateurs du temps qui avait précédé le sien, chacun avec ses opinions, son caractère, et son génie, plus on sent combien l'éloquence artificielle s'était rendue redoutable pour l'éloquence naturelle.

Quintilien en a parlé en homme instruit et judicieux, mais non pas en homme éloquent. Cicéron au contraire respire, même dans ses préceptes, cette éloquence dont il était plein; il la répand plutôt qu'il ne l'enseigne ; il semble en exprimer le suc et la substance, pour en nourrir les jeunes orateurs. C'est là qu'on voit se développer cet art, qu'il possédait si éminemment, de manier l'arme de la parole, cet art d'ordonner un discours comme si l'on rangeait une armée en bataille; de rassembler, de distribuer ses forces, de les employer à propos après les avoir ménagées; de prendre un poste avantageux, de s'y tenir comme dans un fort, præmunitum atque ex omni parte causæ septum (de Orat. lib. 3 ); de ne sortir de ses retranchements que pour attaquer l'ennemi, lorsqu'il présente un côté faible; de ne jamais s'engager trop avant dans un défilé périlleux; de se retirer en bon ordre de l'endroit qu'on ne peut défendre, pour tenir ferme dans l'endroit où l'on est mieux fortifié; adhibere quamdam in dicendo speciem atque pompam,

et pugnæ similem fugam; consistere vero in meo præsidio, sic ut non fugiendi, sed capiendi loci causa cessisse videar (de Orat. lib. 2); enfin de préférer l'attaque à la défense, ou bien la défense à l'attaque, selon que l'une ou l'autre promet plus d'avantage: Si in refellendo adversario firmior est oratio, quàm in confirmandis nostris rebus, omnia in illum conferam tela; sin nostra faciliùs probari quam illa redargui possunt abducere animos a contraria defensione et ad nostram traducere. (De Orat. lib. 3.)

Et c'est cet art inventé, cultivé, élevé dans la Grèce à un si haut degré de gloire et de puissance, adopté, agrandi, et, à ce qu'il me semble, perfectionné chez les Romains, cet art qui faisait l'étude la plus assidue et la plus sérieuse des Périclès, des Démosthène, les plus sublimes entretiens des Crassus, des Antoine, des Cicéron et des Brutus ; c'est cet art que, dans nos colléges, nous croyons enseigner à des enfants de douze ans.

Quand les rhéteurs se pressent d'initier leurs disciples dans les mystères de l'éloquence, ils témoignent qu'eux-mêmes ils n'en ont pas l'idée. La rhétorique est, de toutes les parties de la littérature, celle qui suppose le plus de connaissances et de lumières dans celui qui l'enseigne, le plus de discernement et d'application dans celui qui l'apprend: Cetera enim artes se ipsæ per se tuentur singula; bene dicere autem, quod est

scienter et perite et ornate dicere, non habet definitam aliquam regionem cujus terminis septa tueatur. (De Orat. lib. 2.) Et Quintilien, dont la doctrine est d'ailleurs si sage, n'a pas assez fidèlement suivi, dans sa méthode, les préceptes de Cicéron.

Non, rhéteurs, non, ce n'est pas dans un âge où la tête est vide, où la raison n'est point affermie en principes, où les éléments de nos pensées ne sont pas même rassemblés, où presque aucune de nos idées abstraites n'est distincte et complète; où les procédés de l'entendement, du composé au simple, du simple au composé, ne sont encore, si j'ose le dire, que le tâtonnement de l'ignorance et de l'incertitude; où l'on n'a guère que des notions vagues du juste, de l'honnête, de l'utile, et de leurs contraires, des droits de l'homme et de ses devoirs, de ce qui, dans les différentes constitutions de la société, est, doit être libre ou prescrit, licite ou illicite, honoré comme utile, négligé comme indifférent, approuvé comme juste, réprimé ou puni comme dangereux ou funeste ; ce n'est pas dans cet âge qu'il faut exercer des enfants à discuter de grands objets de morale ou de politique. Pour obtenir des fruits précoces, on les abreuve d'une sève sans consistance et sans vertu; on les empêche d'acquérir les sucs et la saveur de la maturité. C'est de quoi se plaignait Pétrone; et il attribuait à ce vice d'institution la ruine de l'élo

ou

quence. Cruda adhuc studia in forum propellunt; et eloquentiam, qua nihil esse majus confitentur, pueris induunt adhuc nascentibus. Quod si paterentur laborum gradus fieri, ut studiosi juvenes lectione severa mitigarentur, ut sapientiæ præceptis animos componerent, ut verba atroci stylo effoderent, ut quod véllent imitari diu audirent... jam illa grandis oratio haberet majestatis suæ pondus.

Que Quintilien donne à ses disciples à deviner pourquoi les Lacédémoniens représentaient Vénus armée, ou pourquoi l'on dépeint l'Amour sous la figure d'un enfant; pourquoi on lui donne des ailes, des flèches, un flambeau; avec un peu d'esprit et quelques légères connaissances, ils répondront passablement. Mais qu'il leur donne à examiner si l'homme de guerre acquiert plus de gloire que le jurisconsulte; s'il est permis de briguer les charges; si une loi est digne d'éloge ou de censure; en quoi deux hommes illustres se ressemblent, et en quoi ils different; et lequel des deux est supérieur à l'autre en génie ou en vertu; comment Quintilien veut-il que des questions, qui n'étaient pas au-dessous de Scévola, de Cicéron et de Plutarque, soient accessibles à un enfant?

Qu'on lui raconte une aventure qui l'intéresse, et qu'on l'oblige à la retracer; cet exercice peut lui être utile. Mais les grands procédés de l'éloquence, la délibération, la contestation, l'am

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