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brise ou qu'il s'engloutit. C'est ce qu'éprouvent dans la réalité ceux qui, du bord d'une mer en furie, ont le spectacle d'un naufrage.

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Si au contraire le poète médite un dénouement heureux, il faut absolument qu'il le cache; et le plus sûr moyen est de le faire naître du tumulte et du choc des passions leurs mouvements orageux et divers trompent à chaque instant la prévoyance du spectateur, et le laissent jusqu'à la fin dans le doute et dans l'inquiétude : le sort des personnages intéressants est encore alors comme un vaisseau dans la tourmente, mais battu par des vents contraires dont l'un peut le faire périr et l'autre le sauver. Fera-t-il naufrage ou gagnera-t-il le port? C'est cette incertitude qui nous attache et qui nous presse de plus en plus jusqu'au dénouement.

«Par les mœurs, dit Aristote, on prévoit les révolutions. » Oui, par les mœurs habituelles d'une ame qui se possède et se maîtrise ; et voilà celles qu'on doit éviter, si l'on veut cacher un dénouement qui naisse du fond des caractères. Ne faut-il donc employer alors que des personnages sans mœurs, ou dont les mœurs soient indécises? Non; mais il faut que l'événement dépende de la résolution d'une ame agitée par des forces qui se combattent, comme le devoir et le penchant, ou deux passions opposées. Quoi de plus décidé que le caractère de Cléopâtre, et quoi de moins décidé que le parti qu'elle pren

dra, quand Rodogune propose l'essai de la coupe? quoi de plus surprenant et quoi de plus vraisemblable, que de la voir se résoudre à boire la première, pour y engager, par son exemple, Rodogune et Antiochus? Voilà ce qui s'appelle un coup de génie. Il serait injuste, je le sais, d'en exiger de pareils; mais toutes les fois qu'on aura pour moyen le contraste des passions, il sera facile de tromper l'attente des spectateurs sans s'éloigner de la vraisemblance, et de rendre l'événement à la fois douteux et possible.

Pour cacher un dénouement heureux, les anciens, au défaut des passions, n'avaient guère. que la reconnaissance; et tout l'intérêt portait alors sur l'incertitude où l'on était, si les acteurs intéressants se reconnaîtraient à propos tel est l'intérêt de l'Iphigénie en Tauride. (Voyez REconnaissance.) C'est un excellent moyen pour produire la révolution; mais, comme l'observe Corneille, il n'a point la chaleur féconde des mouvements passionnés.

Il est impossible d'employer à produire la révolution, un caractère équivoque et dissimulé, qui se présente tour-à-tour sous deux faces, et laisse le spectateur incertain de sa dernière résolution. Le seul exemple que je connaisse de ce moyen employé dans la tragédie, c'est la conduite d'Exupère dans l'intrigue d'Héraclius.

La ressource la plus commune et la plus facile est celle d'un incident nouveau ; mais cet in;

cident ne produit son effet, qu'autant que ce qui le précède le prépare sans l'annoncer. Voyez DÉNOUEMENT.

RHETORIQUE. Théorie de l'art oratoire. L'éloquence est-elle un art que l'on doive enseigner? Ce fut un problème chez les anciens. Socrate avait coutume de dire que tous les hommes étaient assez éloquents lorsqu'ils parlaient de ce qu'ils savaient bien. Socrate tenait ce langage, après que l'étude, la méditation, l'exercice, la connaissance de l'homme et des hommes, et tout ce que la culture peut ajouter à un beau naturel, avaient fait de lui, non-seulement le plus subtil des dialecticiens, mais le plus éloquent des sages. Socrates fuit is qui, omnium eruditorum testimonio totiusque judicio Græciæ, quum prudentia, et acumine, et venustate, et subtilitate, tum vero eloquentia, varietate, copia, quam se cumque in partem dedisset, omnium fuit facile princeps. (De Orat. lib. 3.) Bon Socrate, aurait-on pu lui dire, vous qui méprisez l'art dans l'éloquence, croyez-vous ne devoir qu'à la simple nature les agréments, la variété, l'abondance qu'on admire dans vos discours? Vous êtes riche; laissez-nous travailler à le devenir.

L'école de Zénon pensait, comme Socrate, que toute espèce d'artifice était indigne de l'éloquence; et cette opinion coûta la vie aux deux

hommes peut-être les plus vertueux de l'antiquité.

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Le stoïcien Rutilius, par la sainteté de ses mœurs, était à Rome un autre Socrate: il fut calomnié comme lui, et comme lui se laissa condamner, sans vouloir qu'on prît sa défense. Que n'avez-vous parlé ( dit Antoine à Crassus, dans le livre de l'Orateur), que n'avez-vous parlé pour ce Rutilius, si indignement accusé! que n'avez-vous parlé pour lui, non pas à la manière des philosophes, mais à la vôtre ! Tout scélérats qu'eussent été ses juges, comme ils le furent en effet, ces citoyens pervers et dignes du dernier supplice, la force de votre éloquence leur aurait arraché du fond de l'ame toute cette perversité. ».

On peut dire avec vraisemblance la même chose de Socrate. Ce n'était point un Lysias qui était digne de le défendre, avec la mollesse de son langage; mais un Démosthène, avec la véhémence et la vigueur du sien, l'aurait sauvé: et cette éloquence pathétique, dont Socrate net voulait point, en faisant horreur à ses juges de l'iniquité qu'ils allaient commettre, leur aurait épargné un crime irrémissible et un opprobre ineffaçable.

Des philosophes moins austères, en admettant comme permis les artifices de l'éloquence, prétendaient que tout son manége nous était donné par la nature; que chacun de nous était né avec

le don de caresser et de flatter d'un air timide et suppliant, de menacer son adversaire lorsqu'on voulait l'intimider, d'appuyer de raisons plausibles son opinion ou ses demandes, de réfuter les raisons d'autrui, de raconter les faits avec adresse et à son avantage, enfin d'employer la plainte ou la prière pour obtenir justice ou grâce.

Oui, ce don suffit aux enfants; il suffit même au commun des hommes, dans les débats de la société. Mais pour fléchir César ou le peuple romain , pour réveiller l'indolence d'Athènes, et la soulever contre Philippe, était-ce assez des petits moyens de cette éloquence vulgaire? et la nature nous a-t-elle appris à raisonner, à réfuter, à menacer comme Démosthène, à supplier, à caresser, à flatter comme Cicéron?

Il est assez vrai que tout homme passionné ou vivement ému est éloquent sur l'objet qui le touche, lorsque l'objet est simple et n'a rien de litigieux. Mais si la cause de la vérité, de l'innocence, de la justice, se présente, comme elle est souvent, hérissée de difficultés et obscurcie de nuages; si elle est aride, épineuse, sans attrait pour l'attention et pour la curiosité; si l'on parle devant un juge aliéné ou prévenu, soit par des affections contraires, soit par de fausses apparences, soit par un adversaire adroit et armé de tous les moyens d'une éloquence artificieuse; sera-t-on prudent de se fier au don naturel ei

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